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Titre Le voyage, l'archéologie, le rêve
Auteur Nathalie Richard
Mir@bel Revue Sociétés & Représentations
Numéro no 21, 2006 Le Siècle du voyage
Rubrique / Thématique
Études  : 3. Soi et les autres
Page 225-240
Résumé Dans les récits archéologiques du XIXe siècle, les thèmes du voyage et du rêve sont très fréquemment entremêlés. Dans des fictions comme dans des textes à vocation savante, cette rencontre fait surgir des motifs tels que le sentiment de l'accélération du temps, l'incertitude de la chose vue ou le surgissement des souvenirs d'enfance. Or, chacun de ces thèmes fait l'objet de développements plus théoriques dans une littérature savante sur le rêve qui précède L'Interprétation du rêve de Freud en 1900. Dans la seconde moitié du siècle, philosophes, érudits, médecins et hommes de lettres débattent sur le rêve, réagissant notamment à l'ouvrage d'Alfred Maury, Le Sommeil et les rêves (1861). Leurs discussions portent sur le fonctionnement de l'esprit dans le rêve : elles examinent la dégradation ou l'hypertrophie des facultés, telle la mémoire, l'accélération de la pensée, le rapport du contenu des rêves aux sensations que le dormeur reçoit de l'extérieur. Ces débats évoquent l'hypothèse d'une vie seconde vécue en rêve, sous la direction d'un esprit perturbé. Faisant écho aux thèses que Taine expose dans De l'intelligence (1870), ils soulèvent ainsi la question de l'absence d'unité du moi. Le rêve, comme l'usage des drogues ou la maladie mentale, serait une expérience du dédoublement des personnalités que les médecins contemporains diagnostiquent chez certains aliénés. Au regard de cette littérature savante, l'entrelacement des thèmes du rêve, de l'archéologie et du voyage prend une profondeur qui pourrait échapper au lecteur du xxie siècle. Cet article suggère qu'au XIXe siècle le voyage a pu être vécu comme une expérience parmi d'autres de la « pluralité foncière du moi » qu'évoquait Taine et que le voyageur a pu partir en quête, autant que de l'exotisme, d'un autre lui-même.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais In the archaeological stories of the 19th century, the themes of travel and dream are frequently interwoven. In works of fiction as well as in scholarly texts, this mixing creates motifs such s the feeling of time acceleration, of the uncertainty of the thing seen or flashes of childhood memories. Each of these themes is the object of more theoretical developments in a scholarly literature on the dream prior to The Interpretation of dreams by Freud in 1900. In the second part of the century, philosophers, scholars, doctors in medicine and writers discuss about dreams, notably reacting to Alfred Maury's book, Sleep and dreams (1861). Their conversations are about the functioning of the mind while dreaming : they cover the degrading or the hypertrophy of faculties, such as memory, acceleration of thoughts, relations between the content of the dream and the sensations received by the sleeper from the outside. These debates mention the hypothesis of a second life lived in dreams, under the direction of a disturbed mind. Echoing Taine's thesis exposed in Of intelligence (1870), they also raise the question of the absence of a self unit. The dream, like the use of drugs and mental diseases, could be an experience of split personalities as diagnosed by contemporary doctors in mentally ill patients. With regard to this scholarly literature, the interweaving of the themes of dream, archaeology and travel takes a depth that might escape the 21st century reader. This article suggests that, in the 19th century, the fact of travelling might have been experienced as another form of “the fundamental plurality of the self” mentioned by Taine and that the traveller might have been looking for another self as much as for exotism.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=SR_021_0225