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Titre Quand la fiction télévisuelle s'affranchit de l'Histoire : dénouements, détournements ludiques et contraintes médiatiques
Auteur Bernard Papin
Mir@bel Revue Sociétés & Représentations
Numéro no 39, 2015 Écritures du feuilleton
Rubrique / Thématique
Dossier  : Écritures du feuilleton
Page 139-149
Résumé Dans le dénouement d'un téléfilm « en costumes » diffusé sur France 2 en décembre 2009, Louis-Dominique Bourguignon, alias Cartouche, « bandit magnifique » du temps de la Régence, échappe miraculeusement – au regard de ce que nous dit l'Histoire – au supplice de la roue pour s'en aller couler des jours paisibles dans les « Indes »... Une fiction, et qui plus est une fiction qui se veut historique, a-t-elle le droit, au nom de la liberté d'inventer et de créer, de ne pas respecter une trajectoire personnelle transformée en destin ? Peut-on, notamment, changer la fin, modifier le dénouement d'une vie, moment capital qui donne sens à toute une existence, pour le seul plaisir fictionnel de faire une « belle fin » ? A priori, « la fin d'un récit d'histoire, programmée du dehors, ne peut être inventée » (Claude Duchet)... Dans ces conditions, pourquoi et au nom de quoi, le réalisateur Henri Helman et ses scénaristes se sont-ils sentis dégagés de toute servitude face à « la bonne vieille vérité des faits » (Yannick Haenel) ? Bien entendu, s'interroger ainsi sur cette stratégie des fins, c'est convoquer inévitablement une foule de questions complexes, auxquelles on ne saurait se soustraire sans avoir toutefois l'ambition de les épuiser : quel(s) rapport(s) la fiction et la réalité historique doivent-elles entretenir ? Que signifie la vérité historique ? Comment et pourquoi lit-on/regarde-t-on de la fiction, et singulièrement de la fiction historique ?C'est une réponse « pragmatique », inspirée notamment des travaux de Jean-Marie Schaeffer, que cet article tente de proposer ici, à partir de trois hypothèses majeures que nous avons soumises au réalisateur lors de l'entretien qu'il a bien voulu nous accorder en 2011 sur ses intentions et celles de la chaîne concernant ce téléfilm. Nous examinons successivement les contraintes en matière de programmation et de format ainsi que les promesses en termes de genre télévisuel qui ont pu peser dans le choix de ce dénouement proprement inouï afin de faire en sorte que les productions télévisuelles soient jugées « du double point de vue de leur généalogie causale (comment sont-elles produites ?) et de leur usage (comment sont-elles utilisées, comment fonctionnent-elles ?) » et pas seulement « dans un questionnement quant à leur vérité » (Jean-Marie Schaeffer).
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais When TV drama breaks free of History: denouements, playful twists and media constraints
In the final twist of a costume TV drama broadcast on France 2 channel in December 2009, Louis-Dominique Bourguignon, a.k.a Cartouche, “the magnificent outlaw”, shortly escapes execution on the wheel—nothing short of a miracle as regards what History tells us—and retires in the West Indies for a happy, peaceful life. Has fiction, historical fiction at that, in the name of liberty of creation and design, the right to disregard the path of a life which shaped personal fate ? Is it possible to change the end, choose to alter the crucial conclusion that gives an entire life its meaning, for the simple sake of a happy ending ? In principle, “the end of a historical narrative, planned from outside, cannot be made up” (Claude Duchet). In that case why and in the name of what right, did director Henri Helman and his writers feel free from “the good old truth of plain facts” (Yannick Haenel) ? Inevitably, questioning the strategy behind narrative ends necessarily entails raising a wide range of complex questions that cannot be disregarded—nor exhausted : what relation should link fiction and historical reality ? What does historical truth mean ? How and in what purpose does one read or watch drama, particularly historic drama ?Inspired by Jean-Marie Schaeffer's research, his article proposes a “pragmatic” answer based on three major assumptions that we presented for the director's consideration in the course of a 2011 interview he was kind to give us about his and the channel's intentions when devising the drama. First we will be looking at the constraints in programming and format, in regard to the promises in terms of TV genre, that may have weighed in favour of this literally unheard-of denouement. This will lead to assessing TV productions “from the double point of view of their causal genealogy (how are they produced ?) and their uses (how are they used, how do they work ?)”, and not just “testing them for their truth” (Jean-Marie Schaeffer).
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=SR_039_0139