Contenu du sommaire : Écritures du feuilleton
Revue | Sociétés & Représentations |
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Numéro | no 39, 2015 |
Titre du numéro | Écritures du feuilleton |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier : Écritures du feuilleton
- La promesse d'une fin - Pascale Goetschel, François Jost, Myriam Tsikounas p. 7-12
- Aux frontières de la littérature et de la politique : les feuilletonistes Alexandre Dumas, Paul Féval et Eugène Sue sous la Deuxième République, des écrivains transgressifs ? - Sébastien Hallade p. 13-32 Alors que la presse politique est totalement libérée au début de mars 1848, le feuilleton, et plus précisément le roman feuilleton, continue d'occuper le rez-de-chaussée de nombreux journaux, plus ou moins éphémères, voire d'apparaître en pleine page. En s'appuyant sur l'exemple du « triumvirat du roman feuilleton » sous la monarchie de Juillet – Alexandre Dumas, Paul Féval et Eugène Sue –, il s'agit d'analyser comment la nature, la forme et le contenu du roman feuilleton, le statut de romancier feuilletoniste servent le projet et les idées politiques des trois écrivains, ces derniers étant symptomatiques de la politisation des écrits et de la volonté des écrivains d'affirmer leur légitimité politique sous la Deuxième République. Toutefois leur légitimité culturelle, face aux accusations de corruption de la littérature et du journalisme, étant elle-même en question, leur légitimité politique, face aux accusations de dénaturation de la politique, devient aussi sujette à caution. Élites culturelles et élites politiques, de l'extrême gauche à l'extrême droite, se rejoignent dans un discours mettant en avant la nécessité d'une police des mœurs, qui se traduit par des listes d'ouvrages considérés comme non dangereux pour les éternels mineurs du xixe siècle, les nouveaux lecteurs que sont les ouvriers, les femmes et les enfants. Pour autant, malgré l'apparition de journaux à un sou, des changements typographiques et d'organisation de la presse périodique, les romanciers feuilletonistes peinent, au milieu du XIXe siècle, à dépasser le cadre d'un public urbain et bourgeois. La condamnation, à travers la taxation du roman feuilleton à l'été 1850, juste après l'élection d'Eugène Sue à l'Assemblée nationale, par un pouvoir républicain de plus en plus conservateur, traduit alors avant tout la peur et la croyance des élites en l'influence de la littérature contemporaine sur les mœurs.On the border between literature and politics: Are serial writers transgressive writers? Alexandre Dumas, Eugène Sue and Paul Féval under the Second RepublicWhereas the political press was totally freed at the begining of March 1848, the serial and more particularly the serial novel, continued to occupy the bottom page of a number of newspapers, more or less temporary, and even to take up a full page. Referring to the “triumvirate of the serial novel” at the time of the July Monarchy—Alexandre Dumas, Paul Féval and Eugène Sue—it is necessary to analyze how the nature, the form and the contents of the serial novel and the status of a serial novelist participate to the project and the political ideas of the three authors, these latter being symptomatical of the politisation of their works (from the mere allusion to the political situation to the pedagogical function) and of the authors' will to assert their political legitimacy under the Second Republic. However, their cultural legitimacy, in face of the accusations of corrupting literature and journalism, being itself in doubt, their political legitimacy, confronted with accusations of denaturating politics became itself subject to approval. The cultural and political elite, from the extreme left to the extreme right wing, came together to express the need for a policy of good manners, that resulted in a list of works considered not to be dangerous for the everlasting minors of the 19th century, the workers, women and children that constituted the new readers. Nevertheless, despite the release of the one penny newpapers, the typographical changes and those of the organisation of the periodical press, the serial novelists strove, in the midst of the 19th century, to overide the scope of an urban, middle-class public. The condamnation of the serial novel through a tax imposed on it, in the summer 1850, just after the election of Eugène Sue to the National Assembly, by a more and more conservative republican regime, embodied then above all the fear and the belief of the elite in the influence of contemporary literature on customs and habits.
- Le petit feuilleton de la santé : Les films hygiénistes de Jean Comandon (1918-1919) - Thierry Lefebvre, Béatrice de Pastre p. 33-41 À la fin de la Première Guerre mondiale, le Dr Jean Comandon a réalisé ou supervisé, pour le compte de Pathé et du Comité national d'assistance aux anciens militaires tuberculeux, plusieurs séries de petits films hygiénistes. Les auteurs examinent les intentions sérielles qui sous-tendent cette production.The little serial of health
At the end of the First World War, Dr Jean Comandon realised and supervised, on behalf of Pathé and the “Comité national d'assistance aux anciens militaires tuberculeux”, several series of small hygienist films. The authors examine the serial intentions of this production. - « La fin des privilèges ? » Le choix du répertoire du Théâtre de la jeunesse de Claude Santelli - Sabine Chalvon-Demersay p. 43-63 Cet article présente, à partir d'un travail sur les archives de Claude Santelli, les conditions d'écriture et de production du Théâtre de la Jeunesse, ensemble d'une quarantaine d'émissions proposées à un public familial entre 1961 et 1968. À cette occasion, il tente de reconstituer les conditions concrètes de la sélection des œuvres et du choix des auteurs, ce qui conduit non pas à remettre en cause le projet de démocratisation culturelle de la télévision des années 1960 mais à réévaluer la notion même de culture qui le fondait.“The end of privileges?” The repertoire of the Théâtre de la jeunesse of Claude Santelli
This article shows the conditions of production and writing of the Théâtre de la Jeunesse, which is a program of forty shows broadcasted between 1961 and 1968, aiming at a family audience. He is based on Claude Santelli's archives. On this occasion, he attempts to reconstruct the concrete conditions of selection of the pieces as well as the choice of the authors. This does not lead to question the project of cultural democratization of French TV on the 1960's, but reassesses the notion of culture which determined it. - Feuilleton théâtral à la télévision ou feuilleton télévisé au théâtre ? - André Helbo p. 65-77 Si la radio a largement puisé dans le matériau textuel du théâtre, et si le théâtre a beaucoup exploité la thématique de la voix, l'image télévisuelle manifeste, quant à elle, beaucoup plus de réticence à prendre en charge le spectacle théâtral. Certes, il existe des formes de captation médiatique du théâtre ; on peut relever aussi des traits énonciatifs de théâtralité qui marquent certaines écritures télévisuelles. Cependant, la télévision n'est plus globalement fille du théâtre : la relation s'est inversée. C'est le spectacle vivant qui s'inspire des médias. On peut faire l'hypothèse que le feuilleton constitue un dispositif énonciatif nourricier du théâtre et de la performance d'aujourd'hui. À travers l'examen de nombreuses productions scéniques contemporaines, l'article examine les modalités des alliances « médiaturgiques » du spectacle vivant. Parmi celles-ci, le feuilleton et la série, l'effet de présence, le réel en scène, la crise de la fiction jouent un rôle essentiel.Theater series on television or soap opera at the theater?
Theatre has sometimes been adapted at the radio, but it has not really inspired television specific productions. We can only notice some experments filming a performance for the television, or features of theatricality in some series written for the television. On the contrary, television has really been strongly influential on the theatrical productions of today. This paper makes a survey of the modalities of mediatic enunciation in some contemporary performances : a.o. series, liveness, reality on stage, crisis of fiction. It defines the conditions of a new “mediaturgic” dialogue between the theatre and medias. - Remake en séries : la réécriture du feuilleton - Gaëlle Philippe p. 79-92 La contribution propose une étude du remake fictionnel à la télévision. Par une comparaison entre la réécriture dans le temps, le remake-actualisation ou reboot, et la réécriture dans l'espace, le remake transnational ou adaptation de format fictionnel étranger, cette analyse met l'accent sur une pratique double portant toujours sur des objets télévisuels sériels et cherche à interroger le processus de réécriture spécifiquement télévisuel du feuilleton dans ses motifs, son contenu et sa visibilité. En prétendant faciliter le feuilleton de l'écriture par l'utilisation d'un modèle, le remake télévisuel dilue son hypertextualité au stade de sa production comme de sa déclaration.Remake in series: the rewriting of series
The essay studies the process of fictions remaking on television. By comparing two kinds of rewriting, the one in order to update the model and the other aiming at adapting a foreign material to a local audience, this analysis tries to determinate the motives, the content and the visibility of a specifically televisual process which uses seriality as a condition to the rewriting's merit and as a variable of its working, at the time of production and declaration of the newly-rewritten object. - Histoires sans fin des séries télévisées - Jean-Pierre Esquenazi p. 93-102 Le texte (écrit en 2011) commence par définir la série télévisée comme un genre narratif sans fin, un genre sans clôture. Son projet consiste dans le développement d'un univers fictionnel à travers une multitude de récits entrelacés. On peut en distinguer deux grands types. Le premier consiste à développer un univers « immobile » : les récits d'une même série laissent l'univers fictionnel suspendu, ressassant un principe qui le fonde. Le second développe l'univers fictionnel grâce à l'enchaînement des récits formant feuilleton.Endless stories in television series
This article (written in 2011) defines the television series as a narrative genre endless. Its project is the development of a fictional world through a multitude of intertwined stories. We can distinguish two main types. The first is to develop a “immobile” universe : the narratives of the same series let the fictional universe suspended. The second expands the fictional universe through the sequence of narratives in the way of a serial. - This is the end : Personnages portés disparus et micro-clôtures du récit dans Grey's Anatomy - Laurent Jullier, Barbara Laborde p. 103-118 Créée en 2003 par Shonda Rhimes, la série médicale Grey's Anatomy propose un modèle de conduite applicable dans la vie de tous les jours, quand bien même on n'est pas médecin. Ce modèle est celui du care – l'éthique de la sollicitude : si tout un chacun se souciait un peu plus d'autrui et incorporait un peu mieux la constatation selon laquelle on n'est rien sans les autres, le monde tournerait un peu plus rond. C'est ce qui fait de cette série une fiction votive. Cependant, l'aspect conséquentialiste du care impose à la série de se colleter avec le problème des fins – il faut savoir ce qui arrive « à la fin » pour évaluer la justesse d'une décision ou le bien-fondé d'un comportement... L'article explore trois aspects de cette question : (1) finir la série ; (2) faire disparaître un personnage pour des raisons réelles, liées à l'acteur qui l'incarne ; (3) finir un épisode.This is the end
Created in 2003 by Shonda Rhimes, the medical drama TV series Grey's Anatomy offers its viewers, even if they're not medics, a way of conduct in daily life. This model is the ethics of care and concern : if everyone worried more often about others, if everyone understood a little more quickly everybody needs somebody, it would be a better world to live in. That is what makes Grey's Anatomy a somehow “votive” fiction. Yet the consequentialist dimension of the ethics of care requires this show to frequently deal with the question of endings—one has to know what happens in the end, to reckon the rightness of a behavior or the retrospective legitimacy of a resolution... The paper investigates three aspects of this question : (1) To end the show (2) To eliminate a character for a reason rooted in the real world (3) To end an episode. - Quand l'histoire est bouleversée par des contraintes externes : Les fins dans une série pour les jeunes : Gossip Girl - Marie-France Chambat-Houillon p. 119-138 De façon générale les commencements des récits ont davantage suscité d'intérêt que les fins de la part des commentateurs et des critiques. Changer cette perspective permettrait de revaloriser la portée heuristique de la fin pour saisir les enjeux narratifs des fictions télévisées. À partir d'une série populaire américaine destinée au jeune public, Gossip Girl, nous verrons comment le principe de sérialité démultiplie les conceptions du dénouement. Les fins ne sont pas qu'un arrêt créatif des auteurs, ni ne se définissent sous forme d'une conclusion à apporter ; de nombreuses contraintes externes à l'histoire – dont notamment une grève des scénaristes – font qu'elles sont de véritables stratégies communicationnelles en contexte de production télévisée.When the story is upset by external constraints
In a general way the beginnings of narratives raised up more interest that the ends. This article would like to change this point of view to revalue the heuristic impact of the end and understand the narrative challenges in television dramas.From an American popular series for the young audience, Gossip Girl, we shall see how the principle of the serial increase the conceptions of the end. They're not only a creative stop of the authors, nor define themselves as a conclusion to be brought ; numerous external constraints on the story—for example, a strike of the writers—make that they are real strategies in context of TV production. - Quand la fiction télévisuelle s'affranchit de l'Histoire : dénouements, détournements ludiques et contraintes médiatiques - Bernard Papin p. 139-149 Dans le dénouement d'un téléfilm « en costumes » diffusé sur France 2 en décembre 2009, Louis-Dominique Bourguignon, alias Cartouche, « bandit magnifique » du temps de la Régence, échappe miraculeusement – au regard de ce que nous dit l'Histoire – au supplice de la roue pour s'en aller couler des jours paisibles dans les « Indes »... Une fiction, et qui plus est une fiction qui se veut historique, a-t-elle le droit, au nom de la liberté d'inventer et de créer, de ne pas respecter une trajectoire personnelle transformée en destin ? Peut-on, notamment, changer la fin, modifier le dénouement d'une vie, moment capital qui donne sens à toute une existence, pour le seul plaisir fictionnel de faire une « belle fin » ? A priori, « la fin d'un récit d'histoire, programmée du dehors, ne peut être inventée » (Claude Duchet)... Dans ces conditions, pourquoi et au nom de quoi, le réalisateur Henri Helman et ses scénaristes se sont-ils sentis dégagés de toute servitude face à « la bonne vieille vérité des faits » (Yannick Haenel) ? Bien entendu, s'interroger ainsi sur cette stratégie des fins, c'est convoquer inévitablement une foule de questions complexes, auxquelles on ne saurait se soustraire sans avoir toutefois l'ambition de les épuiser : quel(s) rapport(s) la fiction et la réalité historique doivent-elles entretenir ? Que signifie la vérité historique ? Comment et pourquoi lit-on/regarde-t-on de la fiction, et singulièrement de la fiction historique ?C'est une réponse « pragmatique », inspirée notamment des travaux de Jean-Marie Schaeffer, que cet article tente de proposer ici, à partir de trois hypothèses majeures que nous avons soumises au réalisateur lors de l'entretien qu'il a bien voulu nous accorder en 2011 sur ses intentions et celles de la chaîne concernant ce téléfilm. Nous examinons successivement les contraintes en matière de programmation et de format ainsi que les promesses en termes de genre télévisuel qui ont pu peser dans le choix de ce dénouement proprement inouï afin de faire en sorte que les productions télévisuelles soient jugées « du double point de vue de leur généalogie causale (comment sont-elles produites ?) et de leur usage (comment sont-elles utilisées, comment fonctionnent-elles ?) » et pas seulement « dans un questionnement quant à leur vérité » (Jean-Marie Schaeffer).When TV drama breaks free of History: denouements, playful twists and media constraints
In the final twist of a costume TV drama broadcast on France 2 channel in December 2009, Louis-Dominique Bourguignon, a.k.a Cartouche, “the magnificent outlaw”, shortly escapes execution on the wheel—nothing short of a miracle as regards what History tells us—and retires in the West Indies for a happy, peaceful life. Has fiction, historical fiction at that, in the name of liberty of creation and design, the right to disregard the path of a life which shaped personal fate ? Is it possible to change the end, choose to alter the crucial conclusion that gives an entire life its meaning, for the simple sake of a happy ending ? In principle, “the end of a historical narrative, planned from outside, cannot be made up” (Claude Duchet). In that case why and in the name of what right, did director Henri Helman and his writers feel free from “the good old truth of plain facts” (Yannick Haenel) ? Inevitably, questioning the strategy behind narrative ends necessarily entails raising a wide range of complex questions that cannot be disregarded—nor exhausted : what relation should link fiction and historical reality ? What does historical truth mean ? How and in what purpose does one read or watch drama, particularly historic drama ?Inspired by Jean-Marie Schaeffer's research, his article proposes a “pragmatic” answer based on three major assumptions that we presented for the director's consideration in the course of a 2011 interview he was kind to give us about his and the channel's intentions when devising the drama. First we will be looking at the constraints in programming and format, in regard to the promises in terms of TV genre, that may have weighed in favour of this literally unheard-of denouement. This will lead to assessing TV productions “from the double point of view of their causal genealogy (how are they produced ?) and their uses (how are they used, how do they work ?)”, and not just “testing them for their truth” (Jean-Marie Schaeffer). - Le mélodrame télévisuel contemporain : des dénouements pas si roses... - Geneviève Sellier p. 151-164 Le mélodrame comme genre cinématographique est une forme de récit qui suscite l'empathie du public avec un-e ou des protagonistes, victime(s) de forces qui la/le(s) dépassent. Très pratiqué par le cinéma hollywoodien, il n'est dominant dans le cinéma français que pendant l'Occupation et, depuis les années 1960, dans la fiction télévisée. Genre important dans les téléfilms unitaires des années 1990 et 2000, il a mauvaise réputation auprès de l'élite cultivée à cause, entre autres, de ses dénouements « roses ». Mais l'étude de trois cas dans la production récente montre que l'écriture des dénouements mélodramatiques prend en compte, d'une manière ou d'une autre, la « noirceur » des situations mises en scène.The contemporary television melodrama: not so happy endings...
The filmic melodrama is a form of narration that raises public empathy with the protagonists, as victims of overwhelming forces. Very frequent in Hollywood, it is dominant in French cinema only during the Occupation, and since the 1960s in television, especially in made for TV films of the 1990s and 2000s. Its bad reputation among the elite is due, among other things, because of its happy endings. But the study of three cases in the recent production shows that writing of melodramatic endings takes into account one way or another, the “noir” of staged situations.
Lieux et ressources
- Le service des archives de France Télévisions : entre logique d'entreprise et vocation patrimoniale - Évelyne Cohen, Pascale Goetschel p. 165-176 L'entretien qu'Évelyne Cohen et Pascale Goetschel ont réalisé en janvier 2015 avec Paul Desfontaines, responsable du service des archives de France Télévisions, permet à la fois d'observer le fonctionnement d'un service d'archives d'une entreprise publique et de réfléchir à ses fonctions et ses usages, entre caractère utilitaire et vocation patrimoniale.The Archive unit of France Televisions
The interview organized by Évelyne Cohen and Pascale Goetschel in January 2015 with Paul Desfontaines responsible of the Archive unit of France Televisions, allows both the observation of how an archive service operates in a public entity as well as understanding its functions and habits, for a practical use and a patrimonial purpose.
- Le service des archives de France Télévisions : entre logique d'entreprise et vocation patrimoniale - Évelyne Cohen, Pascale Goetschel p. 165-176
Regards croisés
- Homme politique et poète : une vie de vers : Pratique et production poétiques chez Marie-Félix Faulcon (1758-1843) - Marjorie Alaphilippe p. 177-195 Longtemps méprisée, la poésie du xviiie siècle est réhabilitée par les littéraires et les historiens, ces derniers l'envisageant comme un révélateur des pratiques sociales et des mentalités. La production poétique de Marie-Félix Faulcon (1758-1843), composée de près de deux mille poésies, dont quelques dizaines ont été publiées, constitue un corpus original qui permet d'étudier les mutations de la pratique poétique d'un homme politique, du classicisme finissant au crépuscule du romantisme. Avant 1789, Faulcon compose et diffuse essentiellement de la poésie fugitive similaire à celle de ses contemporains, accompagnant ainsi les progrès de sa notoriété locale. Pendant la Révolution, la production du député poitevin acquiert des formes plus complexes et devient à la fois une arme politique et un instrument d'autodéfense. Enfin, au XIXe siècle, Faulcon compose des pièces de vers à un rythme effréné, dans lesquelles l'Histoire et la politique prennent, sous la plume d'un homme transformé par les ruptures majeures de cette période, une part fondamentale.Politician and poet: a life of verses
Historians and the literary establishment recently rehabilitated eighteenth century poetry. They promoted it as an indicator of social practices and mentalities. The poetic work of Marie-Félix Faulcon (1758-1843), a Poitou MP during the French Revolution, is composed of nearly two thousand poems, including a few dozen which have been published. This vast and unstudied corpus reveals the changing poetical practice of a politician, from Classicism's ending to the twilight of Romantism. Before 1789, Faulcon mostly composed fugitive poetry, as a way to support his growing local reputation. Doing so, he followed the lead of his contemporaries. His writing became more complex during the Revolution, used as a political weapon and a self-defense instrument. Finally, the rhythm of Faulcon's poetical production increased. As a man transformed by the major disruptions of his time, he focused on historical and political topics.
- Homme politique et poète : une vie de vers : Pratique et production poétiques chez Marie-Félix Faulcon (1758-1843) - Marjorie Alaphilippe p. 177-195
Trames
- Mater dolorosa - Myriam Tsikounas p. 197-208 Sergueï Mihailovitch Eisenstein fut un cinéaste théoricien. Or, ses nombreux écrits sur le montage ont oblitéré son prodigieux travail sur le cadre, l'ingénieuse sélection de « types », d'acteurs non professionnels, assurée par son coéquipier, le réalisateur Grigori Alexandrov. Cette virtuosité, qui crée un effet de sidération sur le public, est particulièrement saillante dans un photogramme du Cuirassé Potemkine, l'image de la mère qui remonte l'escalier d'Odessa en portant son enfant blessé dans les bras.Mater dolorosa
Sergueï Mihailovitch Eisenstein was a theoretical film director whose numerous writings on editing overshadow his prodigious work onscreen, his ingenious selection of “types” and non-professional actors ensured by his teammate, the director Grigori Alexandrov. This virtuosity which dazed the public is especially prominent in an image from Battleship Potemkin, the picture of the mother ascends the stairs of Odessa, her wounded child in arms.
- Mater dolorosa - Myriam Tsikounas p. 197-208
Retours sur...
- L'Homme aux poupées - Laurent Martin p. 209-226 L'Homme aux poupées est un roman paru en 1899 qui raconte l'étrange obsession d'un homme amoureux de ses poupées. Derrière cette œuvre mineure typique d'une certain imaginaire fin-de-siècle se profilent des questions redoutables pour l'historien : celle de la classification médicale des désordres psychologiques, singulièrement des déviances du désir sexuel ; celle de la figure du double, de l'automate, de l'inanimé à figure humaine ; celle du regard, du voyeurisme, de la pulsion scopique ; celle du fantastique, de l'« inquiétante étrangeté »...The Man with Dolls
The Man with Dolls is a novel appeared in 1899 which tells the strange obsession of a man in love with its dolls. Behind this minor work typical of one certain imagination fin-de-siècle are outlined some formidable questions for the historian : that of the medical classification of the psychological disorders, in particular the abnormalities of the sexual desire that of the figure of the double, the automaton, the inanimate with human face ; that of the gaze, the voyeurism, the scopic drive ; that of the fantasy, the “disturbing strangeness”...
- L'Homme aux poupées - Laurent Martin p. 209-226
Actualités
- Caricature et espaces publics - Annie Duprat, Laurent Bihl p. 227-236 L'insertion de la caricature dans l'espace public entraîne intrinsèquement un choc émotif et culturel, encore aggravé par les différenciations culturelles portées par les flux migratoires actuels ou la mise en réseaux des mégapoles mondiales. Les interrogations souvent naïves (peut-on mourir pour un dessin ?) réactivent des débats publics que l'on croyait épuisés (qu'est-ce que la liberté d'expression ?). Caricatures et dessins de presse ne sont ni des objets froids, ni des objets neutres et nécessitent de s'interroger sur leur variété et sur l'infinie complexité des modes de réception qu'elles entraînent. Pays de Voltaire et de générations successives de caricaturistes au fil de l'Histoire, la France n'est pas à cet égard un pays neutre et tranche avec nombre de démocraties contemporaines. Charlie Hebdo, héritier de cette spécificité, de cette culture de la transgression jouit d'une souplesse législative quasi unique. À l'époque d'Internet, il est urgent renouveler le questionnement sur la caricature dans le nouveau champ médiatique, comme un objet historique peu étudié pour sa violence propre.Caricature and the public space
The introduction of caricature into the public space leads intrinsically to emotional and cultural trauma, further exacerbated by cultural diversities related to current migratory flows or world's megacities networking. The concerns, too often naïve (how can one die for an illustration ?) are all again in the public debates that were believed to be settled (what does freedom of expression mean ?). Caricatures and press cartoons are neither distant, nor neutral objects. It is necessary to question their variety and the infinite complexity they imply in terms of audience receptiveness. Known as the country of Voltaire and of successive generations of cartoonists, France is not, in this respect, a neutral country ; it contrasts with many contemporary democracies. Heir to that peculiar culture of transgression, Charlie Hebdo (magazine) is nearly the sole to enjoy a legislative flexibility. In the Internet era, there is an urgent need to renew the question about the role caricatures play in the new media landscape, as an historical object understudied for its own violence.
- Caricature et espaces publics - Annie Duprat, Laurent Bihl p. 227-236
Hommage
- Hommage à Christian-Marc Bosséno - p. 237-256
Hors cadre
- La peinture impressionniste et la décoration, 1870-1895 - Marine Kisiel p. 257-288 Manifesté entre 1876 et 1887 par la présentation publique, aux expositions impressionnistes principalement, d'œuvres clairement désignées comme décoratives par leurs auteurs, puis incarné dans plus de vingt ensembles intentionnellement conçus comme décorations pour des intérieurs, l'intérêt des Impressionnistes pour la décoration a jusqu'ici été largement occulté de l'étude de ce mouvement. Pourtant, entre 1870 et 1900 chez Pissarro, Degas, Cézanne, Monet, Renoir, Morisot et Caillebotte, et au-delà pour Renoir et Monet, la décoration et les valeurs du décoratif en art se révèlent des enjeux majeurs. L'analyse de ces expérimentations – publicisées par les peintres avant que d'être poursuivies moins ouvertement, et parallèlement éreintées par la critique qui en fera cependant, à la fin du siècle, le levier d'une interprétation laudatrice de l'impressionnisme – nous permet de relire une vaste partie de la production impressionniste et d'en découvrir de puissants ressorts, encore souvent insoupçonnés.Throughout their careers the Impressionists demonstrated a strong, but rarely examined, interest for decoration. Between 1870 and 1900, a careful examination shows that Pissarro, Degas, Cézanne, Monet, Renoir, Morisot and Caillebotte never ceased to explore the values of decoration and the decorative. Along with a number of artworks explicitly designated as decorative that were predominantly exhibited at the Impressionist shows, they further produced more than 20 decorative ensembles made for the interiors of patrons and amateurs. Initially publicised by the painters in the 1870s, their decorative works were subsequently undertaken more quietly though continuously. The critics' attention, however, grew from relative disinterest to making the decorative key to their approach at the turn of the century. An analysis of these experiments and their critical reception encourages, as this article demonstrates, a reconsideration of our vision of Impressionism, for its development drew much more from the decorative than has so far been said.
- La peinture impressionniste et la décoration, 1870-1895 - Marine Kisiel p. 257-288