Contenu de l'article

Titre Présentation
Mir@bel Revue Les cahiers de la justice
Numéro no 2014/3 Le secret entre opacité et transparence
Rubrique / Thématique
Dossier. Le secret entre opacité et transparence
Page 347
Résumé Notre justice a longtemps privilégié le secret. C'est vrai du système inquisitoire dont la longue phase d'instruction préalable a longtemps absorbé le procès. C'est vrai du droit lui-même qui non content d'être opaque est de plus en plus bavard et technique. C'est vrai aussi des professions qui cultivent trop souvent l'entre soi et le corporatisme. Cette culture fortement étatique cède pourtant de plus en plus de terrain devant les exigences de la société démocratique. Tout se passe comme si chez nous comme disent les Anglais, « Justice doit être rendue mais il faut aussi voir qu'elle a été rendue ». On le note en procédure pénale où les vertus du débat contradictoire et public ne cessent de progresser (C. Ambroise Casterot et Ch. Combeau) alors que l'action de la presse est garantie par le secret des sources élaboré par la Cour européenne des droits de l'homme (Ph. Piot). Même le secret du délibéré que les juges doivent garder « religieusement » est remis en question notamment par l'intérêt suscité par la publication des opinons dissidentes (N. Fricero). Ce mouvement irrésistible qui assimile la transparence et la vertu (un essai récent de Daniel Soulez Larivière porte ce titre) n'est pas sans danger. Face à la volonté de tout dire et de tout montrer, le secret s'apparente à « une opacité génératrice de méfiance » (J.L. Gillet). Nous oublions que le secret garde des vertus lorsqu'il protège la vie privée ou nous préserve des abus de pouvoir. La procédure est là pour nous rappeler qu'elle permet de ne pas savoir, d'oublier (prescription) ou d'ignorer (nullités). Voilà pourquoi chaque profession doit repenser les règles du secret professionnel. Toutes celles qui sont en contact avec le public sont traversées par une interrogation sur le partage de l'information (F. Noé). Le but n'est pas de tout savoir mais de partager ce qui peut être légitimement et déontologiquement admis. Notamment quand elles travaillent avec les services de police ou en milieu carcéral, les professions sociales ou médicales s'efforcent de préserver autant leur identité que celle des personnes qui leur sont confiées. Travail indispensable car si la transparence est celle des personnes et non des décisions et des procédures, elle est dangereuse. Auquel cas, conclut R. Geadah, elle ne serait plus que l'ultime refuge d'une démocratie qui aurait perdu ses rêves, « la dernière bouée d'une société sans morale ».
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=CDLJ_1403_0347