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Titre Présentation
Mir@bel Revue Les cahiers de la justice
Numéro no 2015/4 Des juges sous influence
Rubrique / Thématique
Dossier. Des juges sous influence
Page 499-500
Résumé Les textes présentés dans ce dossier surprendront le lecteur français habitué à une approche juridique de l'activité judiciaire. Depuis une cinquantaine d'années, le courant du réalisme juridique et de la sociological jurisprudence né aux États-Unis prend l'activité judiciaire comme un véritable objet d'étude. À l'opposé de notre approche déductive du droit (le juge applique la loi), il soutient que l'acte de juger est avant tout le produit d'une activité humaine pratique. Karl Lewellyn (1893-1962), figure majeure de ce courant, met au premier plan la création du droit par les juges. « Ce que les officiels (juges, sheriffs, avocats...) qui font face aux conflits jugent c'est, à mon avis, écrit-il, le droit lui-même ». Un livre comme Court on trial (Jérôme Franck, 1950) prend au sérieux les représentations que les juges ont des faits et des conséquences concrètes de leurs décisions. La seule chose qui compte est la formation de la décision judiciaire. Les seules questions qui comptent sont : comment cette décision est prise ? Comment doit-elle être prise ? Pour l'analyser, ces auteurs s'écartent des règles procédurales ou substantielles pour ne regarder que les conséquences, les résultats, les faits. C'est le sens du mot du juge Holmes, un fameux représentant de ce courant : « La prévision de ce que les tribunaux décideront en fait, et rien de plus, voilà ce que j'entends par le terme droit. »On comprend mieux, dans ce contexte, l'inspiration qui gouverne les textes qui suivent. Leur particularité est de passer au crible des sciences sociales le processus concret qui conduit à la décision de justice. Ainsi, la recherche de l'anticipation si fréquente dans les stratégies des avocats anglo-saxons est très présente dans l'étude de l'influence des médias sur la cour d'assises (Arnaud Philippe) ou de nos conseils de prudhommes dont les choix sont scrutés selon les tendances plus ou moins réformatrices de ses membres (Claudine Desrieux, Romain Espinosa). Les discutants de ces articles (Sylvie Perdriolle, Florence Audier) s'interrogent sur l'existence et la pertinence de cette stratégie d'anticipation dans nos audiences. Même approche appliquée à notre conseil constitutionnel dont la faible indépendance est attestée du fait des nominations politiques même si certaines précautions éthiques les atténuent (Romain Espinosa),L'analyse de « l'effet d'ancrage » sur la décision judiciaire inspirée par la théorie des « biais cognitifs » est tout aussi dérangeante dans la mesure où elle remet en cause certains points forts de notre procès équitable comme la collégialité ou le rôle de l'avocat (Julien Goldszlagier). Analyse qui laisse un « malaise profond » chez l'avocat (Jean-Luc Rivoire) tandis qu'un magistrat (Alain Blanc, ancien président de cour d'assise), sans nier l'existence de ces facteurs, suggère de pistes pour « débiaiser » les juges.Pour compléter ce dossier, nous proposons la traduction de deux textes classiques issus d'enquêtes effectuées dans des pays de common law. L'un inspiré de la psychologie sociale démontre l'impact de la fatigue et du repos sur les capacités cognitives des juges chargés des commissions d'application des peines en Israël. L'autre relie les comportements de juges à des facteurs d'explication en général peu abordés : ainsi la réduction des affaires par la Cour suprême, s'expliquerait par un besoin de satisfaction au travail mais aussi la volonté de laisser du temps libre pour des activités non juridictionnelles. Ce dossier a peu de précédents à notre connaissance. Nous avions rendu compte dans un précédent numéro des Cahiers (Le métier de procureur, printemps 2009) d'une étude sur les procureurs de la République qui comportait une approche en psychologie du travail appuyée sur un séminaire de l'École nationale de la magistrature (Les procureurs entre vocation judiciaire et fonctions politiques, PUF, 2010)
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=CDLJ_1504_0499