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Titre Les nouvelles relations entre parquets et chancellerie : À l'occasion des 200 ans de la DACG
Mir@bel Revue Les cahiers de la justice
Numéro no 2016/1 Les nouvelles relations entre parquets et chancellerie
Rubrique / Thématique
Dossier. Les nouvelles relations entre parquets et chancellerie
Page 9-10
Résumé Conçu à l'occasion des 200 ans de la Direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice, ce dossier des Cahiers présente les mutations des relations entre justice et politique depuis deux siècles. La préface de la Garde des Sceaux Madame Christiane Taubira et le propos introductif de son directeur actuel Robert Gelli situent le moment de notre réflexion : la suppression des instructions individuelles du ministre aux parquets en même temps que l'affirmation du principe d'impartialité du parquet (loi du 25 juillet 2013). Le recul de l'histoire permet de mesurer la portée de cette réforme.Dans la première partie de ce dossier, Jean-Pierre Alline retrace l'héritage de l'histoire politique propre à cette direction du ministère très proche de la Chancellerie et de l'exécutif. De cette longue histoire, nous avons choisi deux moments. Le premier, sans doute le plus saisissant, est celui de la Libération. Sylvie Humbert évoque le récit par son auteur, Maurice Patin, de son arrivée en août 1944 au ministère de la justice où il sera nommé directeur des affaires criminelles. On le sait, le droit pénal avait été l'outil principal d'une politique xénophobe et antisémite du régime de Vichy. Il fallait reconstruire contre le régime de Vichy un droit pénal conforme à la légalité républicaine. Telle fut l'oeuvre de Maurice Patin, à la tête de la Direction des affaires criminelles et des grâces d'août 1944 à août 1946 durant le Gouvernement provisoire de la République française dirigé par le Général de gaulle.Second moment, plus proche de nous : le choc des premiers attentats terroristes dans les années 1980. Bruno Cotte témoigne de cette période puisqu'il était directeur des affaires criminelles entre 1984 et 1990 (époque des attentats de la rue des Roziers avant ceux d'Action directe en 1985-1986). De cette époque date le dispositif français de lutte contre le terrorisme issu de la loi du 9 septembre 1986 élaboré au ministère de la justice dans un contexte de cohabitation. En temps de crise, le pôle politique pèse lourdement mais aussi la tension avec les exigences de l'État de droit dont il revient à la chancellerie (et à sa direction) d'assurer l'équilibre réfléchi.En même temps, une mutation profonde est en cours depuis les années 1980 qui n'est pas propre à la France. Dans la seconde partie de notre dossier Jean-Claude Marin et Jean-Paul Jean questionnent la mutation des justices européennes. Comment évolue dans des pays dont nous sommes proches, le modèle des relations parquet/chancellerie ? Le modèle français où la chancellerie, via la direction des affaires criminelles, pilote d'en haut les réformes et la politique pénale - modèle en mutation comme on l'a vu - est-il unique ? Quelles sont les différences notables, les tendances observables et le rôle joué par la Cour européenne des droits de l'homme ?Fort de sa double expérience au ministère et au parquet, Marc Robert retrace avec précision les étapes qui ont peu à peu conduit à adopter dans notre pays la loi précitée qui propose une « clarification » des relations entre le ministre et ses parquets. Dorénavant, le Garde des Sceaux s'occupe de la politique pénale (les instructions générales en matière de lutte contre le terrorisme par exemple) alors que les procureurs de la République détiennent seuls l'action publique (le droit de poursuivre) sous le contrôle des procureurs généraux. Ainsi est-il mis fin à une « ère du soupçon » ouverte depuis trente ans. Nuançant cette analyse, la table ronde des anciens directeurs résumée par Sandrine Zientarra-Logeay montre combien la diversité des points de vue persiste sur l'opportunité de maintenir ou pas les instructions ou, à tout le moins, un dialogue entre la chancellerie et les procureurs généraux.Au total, l'hypothèse de nos travaux serait non de faire une généalogie de cette administration mais plutôt de la sortie d'une histoire administrative. La DACG se situe au carrefour de deux histoires qui se croisent l'une administrative, l'autre judiciaire. Elle entre peu à peu dans une sphère judiciaire, comme si ce ministère accomplissait une mue qui affecte les structures centralisées de notre État. Voilà pourquoi on ne peut dire sans une certaine prudence que cette Direction passe d'un rôle de relai du pouvoir politique à un rôle de soutien des parquets et des politiques pénales. Au seuil d'une telle révolution copernicienne, la Direction des affaires criminelles et des grâces se trouve à la croisée des chemins. Rien n'est acquis suggère Robert Gelli : « Dans la subtile architecture institutionnelle qui en fait l'interface entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif, sera-t-elle [la Direction] amenée à porter encore davantage la voix de la Justice auprès du monde politique plutôt que l'inverse ? »
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=CDLJ_1601_0009