Contenu de l'article

Titre Is Ontological Thinking a Dead End for Emancipatory Politics? : Radical Democracy, Embodiment, and Judith Butler's “ontological turn”
Auteur Lucile Richard
Mir@bel Revue Raisons Politiques
Numéro no 76, novembre 2019 Judith Butler : une politique du sensible
Rubrique / Thématique
Dossier
Page 55-75
Résumé L'investissement du champ ontologique par les théoriciens de la démocratie radicale fait l'objet, ces dernières années, d'un débat vif dans les cercles de la théorie démocratique d'inspiration critique. Celui-ci porte sur le type de méthode permettant de penser les conditions de l'émancipation individuelle et collective, et oppose, schématiquement, deux camps. Le premier, qui compte les démocrates radicaux eux-mêmes, avance que décrire l'essence du politique permet de distinguer efficacement les principes et les modalités des mobilisations politiques permettant la démocratisation de nos sociétés. Le second, dont Lois McNay est l'une des représentantes, repose sur l'idée qu'un mode de raisonnement aussi abstrait ne permet pas de prendre en compte de façon rigoureuse les effets débilitants de relations sociales asymétriques sur la capacité d'agir des sujets politiques. Selon elle, une méthode plus attentive à la logique incarnée des rapports de pouvoir, comme la phénoménologie, reste plus appropriée aux pensées de l'émancipation démocratique. Le « tournant ontologique » est, en d'autres termes, une impasse. Intervenant à l'intérieur de cette querelle, cet article se propose de souligner les limites de la position de Lois McNay. À partir d'une analyse des travaux de Judith Butler, il entend montrer d'une part ce qu'il y a de contre-productif à refuser tout raisonnement ontologique et d'autre part le fait qu'il n'est pas impossible d'y réfléchir les fondements concrets de l'agentivité. En d'autres termes, cet article avance que le débat repose sur une mécompréhension du problème qui l'occupe: en distinguant contenu et méthodologie, il se focalise sur la forme prise par le raisonnement quand c'est bien souvent ce qui y est « dit » des sujets politiques, qui est problématique. Je montrerai ainsi qu'il n'y a pas à opposer phénoménologie et ontologie comme Lois McNay le fait et qu'une « ontologie existentielle » (pour emprunter à Diana Coole son expression), telle celle développée par Judith Butler, permet d'élaborer une ontologie politique fondée sur une compréhension des relations entre pouvoir, corps et capacité d'agir.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais In recent years, radical democratic theorists' engagement with ontological thinking has been the object of lively debate in the critical circles of democratic theory. The key contention regards the type of method that should be used to think about the conditions of individual and collective emancipation. This dispute schematically pits two camps against each other. The first, which includes the radical democrats themselves, believes that describing the essence of the political makes it possible to effectively distinguish the principles and modalities of political mobilization. Ontological theorizing can therefore enhance democratization. The second, of which Lois McNay is one of the main advocates, considers that such an abstract mode of reasoning does not allow for rigorous consideration of the debilitating effects of asymmetric social relations on the political agency of marginalized subjects. According to Lois McNay, a method more attentive to the embodied logic of power relations, such as phenomenology, remains more appropriate for thinking democratic emancipation. The “ontological turn” is, in other words, nothing but a dead end. Intervening within this quarrel, this article highlights the limits of Lois McNay's position. Based on an analysis of Judith Butler's work, this article shows, on the one hand, that refusing to enter the ontological realm can be counter-productive and, on the other, that it is possible to reflect on the concrete foundations of agency using ontological tools. In other words, this article argues that the point of contention is misconstrued in the debate: the problem is not the method itself but whether or not theorists give an account of the embodied dimension of political subjects. Indeed, I will show that contrary to what Lois McNay argues, there is no reason to oppose phenomenology and ontology, and that “an existential ontology” (to borrow Diana Coole's expression) as the one developed by Judith Butler allows for the elaboration of a political ontology that is embedded in an understanding of the relationship between power, body and agency.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=RAI_076_0055