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Titre Des larmes de crocodile ? Culpabilité et stress post-traumatique chez les pilotes de drones armés
Auteur Amélie Ferey
Mir@bel Revue A contrario
Numéro no 29, 2019/2 La guerre des drones
Rubrique / Thématique
Articles
Page 43-61
Résumé L'utilisation de drones armés par les États-Unis a fait l'objet de critiques nourries. Tandis que certaines mettent en doute la légalité des frappes, d'autres dénoncent la « déshumanisation » d'une guerre à distance. En particulier, la controverse s'articule autour de l'hypothèse dite du tampon moral selon laquelle la grande distance à laquelle est placé l'opérateur de la personne ciblée facilite le passage à la violence. Si l'on suit cette logique, la possibilité offerte par les drones de projeter sa force à des milliers de kilomètres sans mettre sa vie en danger fait courir le risque d'une « virtualisation de la conscience de l'homicide » (Chamayou 2013 : 153). Dans cette perspective, cet article s'intéresse aux cas d'états de stress post-traumatique (ESPT) dont souffrent les pilotes de drones américains. Ces pathologies ont été mobilisées au plan rhétorique par les partisans de ce type d'armement afin de contrer l'association faite entre drones armés et « mentalité de jeu vidéo ». Or la présence d'ESPT n'indique pas simplement une prise de conscience de l'acte de donner la mort. Elle est aussi liée à des facteurs conjoncturels tels que les conditions de travail des pilotes. En particulier, la cohabitation entre l'espace domestique et l'espace de guerre complique la prise en charge morale de la violence. Ainsi, l'hypothèse du tampon moral reste entière et n'est pas invalidée par les états de stress post-traumatiques ressentis par le personnel navigant américain. Après avoir brièvement distingué les critiques légales-contextuelles des critiques technologiques-principielles du drone armé (I), nous analysons la théorie dite du tampon moral selon laquelle la distance désinhibe l'acte de tuer (II). La présence d'états de stress post-traumatique parmi ses pilotes de drones ne permet pas d'invalider le rôle joué par la distance dans la désinhibition de la violence, laissant entières les interrogations sur les conséquences morales de la technologie du drone armé (III).
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais The American use of armed drones has been highly criticized. While some authors question the legality of US drone strikes, other denounce more radically the “deshumanization” induced by the increased distance between the operator and the target. The controversy revolves around the idea that the greater the distance is, the easier it is to kill: the so-called “distance hypothesis”. In this perspective, the possibility offered by drones to project US forces thousand miles away without risking the lives of soldiers may result in a “virtualization of the conscience of the homicide” (Chamayou 2013: 153). This article focuses on post-traumatic stress disorder (PTSD) experienced by American drone pilots. These pathologies are part of a rhetoric used by drone enthusiasts to disassociate the use of armed drones from the idea that drone pilots may kill with a “video game mentality”. However, the presence of PTSD does not automatically indicate the pilot's awareness of his own act of killing. PTSD may also be explained by structural factors such as the working conditions of pilots. In particular, the cohabitation between domestic life and war complicates the pilots' relationship to violence. Thus, the “distance hypothesis” remains intact and is not invalidated by the PTSD experienced by American personnel. After briefly distinguishing a contextual-legal from a radical-technological critic (I), we analyze the “distance hypothesis” according to which distance eases the act of killing (II). We conclude by arguing that it is difficult to draw conclusion from PTSD experienced by American drone pilots with regard to the moral implications of drone technology (III).
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=ACO_192_0043