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Titre Quelques réflexions sur l'activité guerrière à l'époque contemporaine
Auteur Odile Roynette
Mir@bel Revue Inflexions
Numéro no 2, 2006/1 Mutations et invariants. « Soldats de la paix », soldats en guerre
Rubrique / Thématique
Articles
Page 29-44
Résumé Ce texte s'efforce de discerner au sein de l'activité guerrière conduite par les sociétés occidentales au cours des deux siècles qui viennent de s'écouler quelques mutations et quelques invariants majeurs.Peu à peu diffusée à un nombre croissant d'hommes et de femmes au point qu'elle est devenue avec les deux grands conflits mondiaux du premier xxe siècle une expérience de masse, l'expérience guerrière s'est vue ensuite de plus en plus étroitement confinée au sein d'armées composées de professionnels envoyés sur des théâtres d'opérations éloignés pour des durées limitées. Cette marginalisation de l'activité guerrière s'est accompagnée d'une féminisation progressive des forces armées, venant contredire l'invariant anthropologique qui éloignait les femmes du port et de l'usage des armes, en partie seulement car celles-ci ont été pour l'essentiel tenues à l'écart de la violence du champ de bataille.Pour être en mesure de faire face à cette violence, toutes les armées ont formé et forment encore des communautés humaines fermées sur elles-mêmes, régies par un ensemble de contraintes fondées sur l'obéissance et le devoir de réserve de leurs membres. Face au danger, elles sont organisées dans les unités combattantes en groupes primaires au sein desquels la complémentarité, la cohésion et la solidarité, à défaut de rendre l'expérience du combat supportable, en atténuent du moins le stress et en particulier la peur, qui apparaît comme un invariant majeur lié au combat.Pour faire face à la souffrance individuelle et collective engendrée par l'activité guerrière, les sociétés occidentales ont peu à peu forgé, au cours de l'époque contemporaine, une nouvelle culture de la mort à la guerre, fondée sur l'individualisation de l'hommage au sein de l'armée et de la communauté nationale. S'est ainsi élaborée une commémoration civique des défunts dont les modèles se sont fixés progressivement, la Grande Guerre constituant ici un tournant majeur. Toutefois, c'est aussi et peut-être surtout dans le regard porté par les sociétés sur la guerre menée en leur nom que se joue, pour les combattants, un possible apaisement des blessures psychiques et corporelles gravées en eux. À cet égard, les conflits de l'époque contemporaine révèlent clairement combien ceux qui ont reçu l'assentiment des nations, fût-ce au prix d'un reniement des valeurs humanistes les plus fondamentales, ont permis aux combattants de mieux traverser les épreuves endurées, alors que les guerres discréditées ou oubliées par les opinions publiques ont laissé les survivants comme les familles des victimes dans un grand désarroi, voire un impossible deuil.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais The aim of this text is to try and find, within the warfighting activity led by western societies over the past two centuries, some changes and some major invariants. This warfighting experience was progressively acquired by an increasing number of men and women, so much that the two major conflicts of the 20th century turned into a "mass experience". Then, it started again being the prerogative of armed forces made up of professionals sent to theatres of operations far from the homeland, for limited periods of time. This marginalization of the warfighting activity was accompanied by a progressive feminization of the armed forces, which was in contradiction with the anthropological invariant which would keep women away from the employment of weapons, but only partly so, since most women continued to be preserved from the violence of the battlefield. In order to be able to face this violence, all the armed forces have formed – and still form – rather closed human communities, governed by a set of constraints based on obedience and the duty of confidentiality of all their members. In front of the danger, their combatant units are organised into basic teams within which complementarity, cohesion and solidarity might not make it entirely possible to make combat bearable, but at least succeed in reducing the resulting stress, and especially fear, which is one of the major combat-linked invariants. In order to face the individual and collective sufferings due to warfighting activities, western societies have progressively created, during the contemporary era, a new culture of death at war, based on the individual homage paid by the army and the nation. Step by step, a civic type of commemoration of the deceased was developed, and its modalities were slowly defined. In that respect, the First World War has been a major turning point. However, the fact that societies understand that a war is fought for them might be the most important element to soothe the psychological and body injuries they have suffered. Modern conflicts have clearly shown how much easier it has been for the soldiers to bear the ordeals they suffered during conflicts accepted by the nations, even if it meant for these nations to disavow the most fundamental humanistic values, than for those who were engaged in conflicts discredited or forgotten by the public opinions. In the latter, the survivors and the families of the deceased were left in terrible distress, sometimes unable to mourn their deaths.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=INFLE_002_0029