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Titre On the Birth of the Keatsian Ode: In-scribing the Other
Auteur Christian La Cassagnère
Mir@bel Revue Etudes anglaises
Numéro Vol. 73, no 2, avril-juin 2020 Keats's Odes, 200 Years On
Rubrique / Thématique
Articles
Page 159-170
Résumé Cette étude cherche à mettre en lumière les motivations qui poussèrent Keats à créer son ode telle qu'elle prit forme au sommet de son art lyrique, en mai 1819. Reconsidérant, au départ, l'écriture lyrique de Keats dans la forme qui lui est essentiellement associée jusqu'en avril 1819, celle du sonnet, et lisant ces textes comme, au fond, des « fragments d'un discours amoureux », on observe un trait étrange qui est l'absence du signifiant, la seconde personne, qui capterait le « toi » aimé dans l'énoncé : achoppement, lacune au cœur d'un discours amoureux qui assigne ainsi à l'objet le statut étranger, interdit, de l'Autre au sens lacanien du terme. On peut donc voir l'élaboration de l'ode comme l'effet d'un besoin fondamental, celui d'in-scrire enfin l'Autre dans l'espace de l'énonciation. L'ode keatsienne n'est donc pas seulement une nouvelle forme métrique, mais plus fondamentalement un nouveau langage : la mise en place d'une nouvelle grammaire poétique qui se donne à voir dans l'ode inaugurale, l'« Ode à Psyché ». L'« Ode à Psyché » est à lire comme un rituel qui établit un lien organique entre manque (l'Autre interdit) et création : le poème lui-même`np pagenum="160"/b, qui instaure un « Toi » agrammatical (parce que désignant l'absent, la non-personne) dont l'absence nourrit le « chant ». L'écriture keatsienne rejoue ainsi le drame orphique tout en inversant sa signification : transformant l'échec d'Orphée (à retrouver l'Autre) en triomphe, celui de son chant. Ce que découvre l'Orphée keatsien, dans l'« Ode sur la Mélancolie », au bout de son voyage au royaume des morts, n'est pas l'Autre à retrouver, mais un[e] Autre à créer par la force de la « langue » : « Mélancolie voilée », figure fascinante qui devient le nouvel objet d'amour. Déplacement du désir, sublimation de l'amour inhérents à la poétique des odes, en lesquels Keats trouva sans doute, dans sa vie, son propre salut.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais This study intends to explore the motive forces that drove Keats to create his ode form as it took shape in May 1819, at the acme of his lyrical art. Reconsidering, to begin, Keats's lyrical writing in the form with which it is essentially associated until April 1819, that of the sonnet, and reading those texts as, at bottom, “fragments of a lover's discourse,” one observes a strange feature which is the absence of the signifier, the second person, which would capture the loved “Thee” in the utterance: an impediment, a gap at the heart of a love discourse which gives the object the foreign, prohibited status of the Other, in the Lacanian sense of the term. The motive force behind Keats's construction of his ode may thus be seen as an essential need, that of in-scribing the prohibited Other within the space of enunciation. The Keatsian ode is thus not only a new metrical form, but more fundamentally a new language with its own poetic grammar whose elaboration is displayed in the inaugural ode, the “Ode to Psyche.” The “Ode to Psyche” should be read as a ritual which establishes an organic link between lack (the estranged Other) and creation: the poem itself which installs an agrammatical “Thou” (because referring to the absent, the no-person) whose absence nurtures the “song.” Keats's ode writing thus replays the Orphic drama while reversing its significance: turning Orpheus's failure (to retrieve the Other) into the triumph of his song. What the Keatsian Orpheus discovers, in the “Ode on Melancholy,” at the end of his journey to Hades, is not an Other to retrieve, but an Other to create by the “strenuous tongue”: “veil'd Melancholy,” a fascinating shape that becomes the new object of love. A displacement of desire, a sublimation of love inherent in the poetics of the odes, in which Keats, in his life, may have found his salvation.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=ETAN_732_0159 (accès réservé)