Contenu du sommaire : Keats's Odes, 200 Years On
Revue | Etudes anglaises |
---|---|
Numéro | Vol. 73, no 2, avril-juin 2020 |
Titre du numéro | Keats's Odes, 200 Years On |
Texte intégral en ligne | Accès réservé |
Articles
- Préface. In memoriam : Stanley Plumly (1939-2019), lecteur de Keats - Caroline Bertonèche p. 131-136
- The Romantic Ode and the Art of Brinkmanship - David Duff p. 137-158 Cet article réévalue l'ode romantique à travers le concept de brinkmanship (stratégie de la corde raide) conçu par Edward Young en 1728 et relancé et développé par Coleridge. Young dépeint l'ode pindarique comme un genre à risque qui semble sauvage et « imméthodique », mais qui « a autant de logique au fond, qu'Aristote ou qu'Euclide ». Coleridge élabore cette « logique » poétique et fait de l'idée de forces mentales conflictuelles mais harmonisées une partie de sa théorie de l'imagination. Ses spéculations critiques illuminent sa propre écriture d'odes et celle d'autres poètes romantiques qui utilisent le genre de manière autoréflexive, pour tester les limites de l'imagination et explorer son fonctionnement. L'article se concentre sur l'« Intimations Ode » de Wordsworth et l'« Ode to a Nightingale » de Keats, soulignant leur audace imaginative, leur déploiement stratégique de dispositifs pindariques tels que les transitions, les apostrophes et les paradoxes, et leur audacieuse intertextualité. Les aspects des odes de Keats normalement considérés comme des signes de retenue horatienne sont interprétés à la place comme des manifestations distinctives de la technique du pindarisme.This article reappraises the Romantic ode through the concept of brinkmanship introduced by Edward Young in 1728 and revived and developed by Coleridge. Young portrays the Pindaric ode as a risk-taking genre which appears wild and “immethodical” but “has as much Logick at the bottom, as Aristotle, or Euclid.” Coleridge elaborates this poetic “logic” and makes the idea of opposed but harmonised mental forces part of his theory of imagination. His critical speculations illuminate his own ode-writing and that of other Romantic poets who use the genre self-reflexively, to test the limits of imagination and explore its workings. The article focuses on Wordsworth's “Intimations Ode” and Keats's “Ode to a Nightingale,” emphasising their imaginative audacity, their strategic deployment of Pindaric devices such as transitions, apostrophes and paradoxes, and their daring intertextuality. Aspects of Keats's odes normally taken as signs of Horatian restraint are interpreted instead as distinctive displays of Pindaric brinkmanship.
- On the Birth of the Keatsian Ode: In-scribing the Other - Christian La Cassagnère p. 159-170 Cette étude cherche à mettre en lumière les motivations qui poussèrent Keats à créer son ode telle qu'elle prit forme au sommet de son art lyrique, en mai 1819. Reconsidérant, au départ, l'écriture lyrique de Keats dans la forme qui lui est essentiellement associée jusqu'en avril 1819, celle du sonnet, et lisant ces textes comme, au fond, des « fragments d'un discours amoureux », on observe un trait étrange qui est l'absence du signifiant, la seconde personne, qui capterait le « toi » aimé dans l'énoncé : achoppement, lacune au cœur d'un discours amoureux qui assigne ainsi à l'objet le statut étranger, interdit, de l'Autre au sens lacanien du terme. On peut donc voir l'élaboration de l'ode comme l'effet d'un besoin fondamental, celui d'in-scrire enfin l'Autre dans l'espace de l'énonciation. L'ode keatsienne n'est donc pas seulement une nouvelle forme métrique, mais plus fondamentalement un nouveau langage : la mise en place d'une nouvelle grammaire poétique qui se donne à voir dans l'ode inaugurale, l'« Ode à Psyché ». L'« Ode à Psyché » est à lire comme un rituel qui établit un lien organique entre manque (l'Autre interdit) et création : le poème lui-même`np pagenum="160"/b, qui instaure un « Toi » agrammatical (parce que désignant l'absent, la non-personne) dont l'absence nourrit le « chant ». L'écriture keatsienne rejoue ainsi le drame orphique tout en inversant sa signification : transformant l'échec d'Orphée (à retrouver l'Autre) en triomphe, celui de son chant. Ce que découvre l'Orphée keatsien, dans l'« Ode sur la Mélancolie », au bout de son voyage au royaume des morts, n'est pas l'Autre à retrouver, mais un[e] Autre à créer par la force de la « langue » : « Mélancolie voilée », figure fascinante qui devient le nouvel objet d'amour. Déplacement du désir, sublimation de l'amour inhérents à la poétique des odes, en lesquels Keats trouva sans doute, dans sa vie, son propre salut.This study intends to explore the motive forces that drove Keats to create his ode form as it took shape in May 1819, at the acme of his lyrical art. Reconsidering, to begin, Keats's lyrical writing in the form with which it is essentially associated until April 1819, that of the sonnet, and reading those texts as, at bottom, “fragments of a lover's discourse,” one observes a strange feature which is the absence of the signifier, the second person, which would capture the loved “Thee” in the utterance: an impediment, a gap at the heart of a love discourse which gives the object the foreign, prohibited status of the Other, in the Lacanian sense of the term. The motive force behind Keats's construction of his ode may thus be seen as an essential need, that of in-scribing the prohibited Other within the space of enunciation. The Keatsian ode is thus not only a new metrical form, but more fundamentally a new language with its own poetic grammar whose elaboration is displayed in the inaugural ode, the “Ode to Psyche.” The “Ode to Psyche” should be read as a ritual which establishes an organic link between lack (the estranged Other) and creation: the poem itself which installs an agrammatical “Thou” (because referring to the absent, the no-person) whose absence nurtures the “song.” Keats's ode writing thus replays the Orphic drama while reversing its significance: turning Orpheus's failure (to retrieve the Other) into the triumph of his song. What the Keatsian Orpheus discovers, in the “Ode on Melancholy,” at the end of his journey to Hades, is not an Other to retrieve, but an Other to create by the “strenuous tongue”: “veil'd Melancholy,” a fascinating shape that becomes the new object of love. A displacement of desire, a sublimation of love inherent in the poetics of the odes, in which Keats, in his life, may have found his salvation.
- Negation and Poetic Capability in Keats's Odes - Oriane Monthéard p. 171-185 À l'exception de « Ode to Autumn », dont la modalité et la tonalité restent très marquées par l'assertion, la langue poétique dans les odes de Keats se fonde souvent sur des structures et formes négatives. Si le mode négatif dans ces poèmes se fait assurément l'écho de motifs romantiques tels que le désenchantement, la mélancolie ou un sentiment de perte, cet article ne cherche pas à analyser les odes à travers le concept de négativité, mais prend pour point de départ le phénomène de la négation en tant qu'opération linguistique qui constitue l'imagination. Tout d'abord, les structures négatives contribuent à la complexification du système métaphorique de ces textes : les images engendrées dans la contradiction ou le rejet sont simultanément créées et annulées par la négation, dans un dédoublement qui alimente ce que l'on pourrait voir comme une « imagination négative ». Mais la négation porte également sur la structure des odes qui, à des degrés divers selon les textes, se contredit et se défait à mesure qu'elle avance. Le négatif au sens de l'« envers » figure ainsi les fluctuations de la perspective qui souvent gouvernent la structure instable des odes. Enfin, les constructions négatives, qui élaborent dans ces textes une rhétorique de l'incapacité — à trouver le mot juste, à voir ou à savoir — permettent en même temps aux sujets poétiques d'affirmer leur présence et leur pouvoir créateur.`np pagenum="172"/bIn his odes, with the exception of “Ode to Autumn,” whose mode and tonality are mainly overassertive, Keats frequently resorts to negative constructions, a linguistic trait which certainly echoes romantic motives such as disenchantment, melancholy, or a sense of loss. This article, rather than analysing the concept of negativity, starts from negation as a linguistic operation that defines Keats's imagination in his most accomplished poems. Negative forms in the odes first contribute to the sophistication of the metaphoric system, with images that are simultaneously created and discredited, and thus emerge out of contradiction or denial. Along with this duplication of images that fuel what may be called Keats's “negative imagination,” negation also affects overall structure in the odes, in which contradictory movements seem to threaten progression. The negative, which may also be understood as “the other side,” or the “reverse” is then embodied in the multiples perspectives that often govern the odes' structure. Finally, the negative constructions constantly used by the ode subjects tend to build up a rhetoric of inability—to find the right words, to see or even to know. Nevertheless, the negative context of these limitations also allows the subjects to assert their poetic presence and thus to turn self-effacement into self-empowerment.
- Lyric Embarrassment and the Phenomenology of Alterity in Keats's Two Odes on Art - David Lo p. 186-202 À la lumière des observations de Jonathan Culler sur l'embarras dont se charge l'apostrophe, l'article qui suit suggère que Keats montre dans « Ode to a Nightingale » et « Ode on a Grecian Urn » un sens aigu de l'altérité, qui lui permet de refaçonner la poésie lyrique pour en faire un genre de l'intersubjectivité. En dramatisant le rossignol antithétique et l'urne énigmatique, Keats fait le portrait d'un locuteur embarrassé, qui voit constamment lui échapper les destinataires de sa parole. L'embarras, en tant qu'affect conscient de l'être-l'autre, illustre le concept de chair selon Merleau-Ponty, qui rend compte de la réversibilité des positions entre percevant et perçu, et remet en question le dualisme sujet/objet. En mettant en lumière cet embarras lyrique — conséquence de la résistance de l'autre — Keats démontre la capacité de la poésie lyrique à négocier l'altérité.In light of Jonathan Culler's observation of the embarrassment of apostrophes, this essay argues that Keats in “Ode to a Nightingale” and “Ode on a Grecian Urn” displays an acute sense of alterity, through which he refashions lyric poetry into a genre as an expression of intersubjectivity. In dramatising the antithetical nightingale and the enigmatic urn, Keats portrays an embarrassed speaker whose addressees constantly elude him. Embarrassment as a self-conscious affect of being the other exemplifies Maurice Merleau-Ponty's concept of flesh, which captures the reversibility between the perceiver and the perceived and challenges the dualism between the subject and the object. In highlighting such lyric embarrassment as an outgrowth of the resistance of the other, Keats further shows the capability of lyric poetry to address alterity.
- Making Sense of Wilfred Owen's Keatsian Heritage: “Exposure” and “Ode to a Nightingale” - Laure-Hélène Anthony p. 203-221 En lisant l'œuvre de Wilfred Owen, on s'accorde souvent à dire que son admiration pour John Keats s'est estompée pendant la guerre ; sa poésie se serait alors retournée contre celle de Keats. C'est pourquoi les premiers vers de « Exposure », qui paraphrasent l'ouverture de « Ode to a Nightingale », ont été perçus comme un rejet de l'ode. Cet article soutient qu'on peut lire le poème d'Owen comme une version inversée et radicalisée de l'ode. Bien que « Exposure » soit plus violent et politique que « Ode to a Nightingale », le poème ne rejette pas la conception keatsienne de la souffrance humaine et de la nature. Au contraire, il s'appuie sur la brève description de l'humanité présentée dans « Ode to a Nightingale » et la développe. On trouve également dans « Exposure » des échos aux sombres descriptions de l'hiver qui apparaissent dans des poèmes moins connus de Keats, ce qui permet à la fois de donner un nouvel éclairage à la lecture de « Ode to a Nightingale » et de faire du poème d'Owen la triste conclusion de l'ode.Readers of Wilfred Owen usually agree that the war poet's early admiration for John Keats faded after he enlisted in the army; his poetry then turned against Keats's. The opening paraphrase of Owen's poem “Exposure” is thus often read as a rejection and a subversion of the Romantic poet's “Ode to a Nightingale.” This essay will argue that Owen's poem can be seen as a radical reversal of Keats's ode. While “Exposure” is indeed more violent and political than “Ode to a Nightingale,” it does not depart from Keats's conception of human suffering and of nature. Instead, the war poem builds on Keats's fleeting description of suffering humanity in “Ode to a Nightingale” and extends it. It also echoes bleak descriptions of winter found in lesser known poems by Keats, which sheds new light on “Ode to a Nightingale” and can turn “Exposure” into a grim conclusion to Keats's ode.
- On the Self-Enveloped Selflessness of Keats's Last Great Ode - Jeremy Elprin p. 222-234 L'ode à l'automne de Keats demeure, 200 ans après sa publication, l'un des poèmes les plus connus de la littérature anglaise. Il est néanmoins important de se rappeler qu'il fut transcrit, partagé, et conservé (par le biais d'une correspondance privée) bien avant sa diffusion imprimée destinée à un lectorat anonyme — y compris des critiques potentiellement hostiles. Cet article se propose de réinsérer le poème dans son contexte épistolaire original, afin de mettre en exergue sa qualité de don privé. En lisant le poème, ainsi que la série de lettres qui le firent émerger, à la lumière de l'étude classique de Lewis Hyde sur l'esprit du don et de la création artistique (The Gift), cet article examine le lien entre altruisme et effacement de soi qui fait de cette dernière grande ode de Keats un chef-d'œuvre du don.In the 200 years since its publication, Keats's ode “To Autumn” has enjoyed one of the most prolific afterlives of any poem written in English. But it is important not to lose sight of the means through which, prior to its being published for an anonymous body of readers (and potentially hostile critics), it was first transcribed, shared, and preserved—embedded in the medium of private correspondence. This article proposes to read the poem back through the epistolary material which framed its initial transmission, a lens which brings into focus the gift-like nature of Keats's private offering. By bringing the poem (and the set of letters which paved the way for its composition and dissemination) into dialogue with Lewis Hyde's classic study, The Gift, this article aims to reconsider the selflessness of Keats's last great creative achievement, while celebrating its vital gratuitousness.
Étude critique
- Keats, les lieux et les formules. À propos de "Keats's Places", Richard Marggraf Turley (éd.) - Laurent Folliot p. 235-248