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Titre Au-delà des représentations de la Belle Edo : la marchandisation culturelle d'une époque et d'une ville
Auteur Iwabuchi Reiji
Mir@bel Revue Extrême-Orient, Extrême-Occident
Numéro no 44, 2020 Histoire(s) à vendre : la marchandisation du passé dans l'Asie contemporaine
Rubrique / Thématique
I. Vendre l'histoire des lieux
Page 41-80
Résumé Il est communément admis que « l'invention de la tradition » est le produit de deux phénomènes conjoints : d'une part l'interventionnisme du gouvernement découlant de la mise en place des États-nations contemporains, et d'autre part, le processus de « marchandisation ». Au Japon, la « marchandisation des traditions » se poursuit à un rythme effréné à l'approche des Jeux olympiques de Tokyo. L'objectif à court terme est d'attirer les touristes étrangers afin de stimuler l'économie du pays et à l'heure actuelle la recherche d'un « patrimoine culturel lucratif » est devenue le moteur de la politique culturelle et économique de la nation japonaise. Au cœur de cette marchandisation se trouve l'époque Edo, considérée comme le berceau d'une culture traditionnelle émanant du peuple. La marchandisation d'Edo qui s'opère à travers la mode vestimentaire, en passant par les romans et films historiques, et qui s'étend jusqu'au domaine du jeu vidéo, tend à présenter une vision unilatérale de cette période, celle d'une société dépourvue de contradictions, à l'origine de ce que nous nommerons « les représentations de la Belle Edo ». Par ailleurs, la construction de ces « représentations » constitue également un moyen pour l'État-nation d'encourager l'intégration d'une conscience nationale chez les Japonais, en les amenant à se détourner des problématiques actuelles pour contempler avec nostalgie les traditions d'une société bienheureuse. Après avoir analysé la genèse et la transformation des « représentations de la Belle Edo », nous examinerons de manière détaillée le projet de réalisation du « district des ressources culturelles de Tokyo » s'inscrivant au cœur d'une série de mesures politiques visant à la transformation du patrimoine culturel en ressources touristiques, et du programme culturel des jeux olympiques ; pour finir nous tâcherons de mettre en évidence de manière concrète les différentes problématiques liées à cette entreprise. Au-delà de la question des Jeux olympiques, il nous semble primordial que les historiens se mobilisent afin de contrer la déferlante du nationalisme culturel suscitée par la marchandisation des « représentations de la Belle Edo ».
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais It is generally accepted that the “invention of tradition” is the product of two combined phenomena: on the one hand, government intervention in the economy resulting from the establishment of contemporary nation-states, and on the other hand, the process of “commodification”. In Japan, the “commodification of traditions” is being carried out at a tremendous pace in the run-up to the Tokyo Olympics. The short-term objective is to attract foreign tourists to Japan in order to stimulate the country's economy, and at present, the search for a “Profitable Cultural Heritage” has become the driving force of the Japanese nation's cultural and economic policies. The Edo period, during which a traditional culture created by the people was born, is at the heart of this process of commodification. The “commodification of Edo”, which appears through clothing trends, historical fictions and movies, and also video games, tends to present a one-sided vision of this period, a vision of a society devoid of any contradiction, which is at the origin of what we will call “representations of the Good Old Edo.” Moreover, the construction of these “representations” also constitutes a means for the nation-state to encourage the integration of a national consciousness among Japanese people, leading them to turn away from current problems to contemplate with nostalgia the traditions of a happy society. After first analyzing the constitution and evolution of “representations of the Good Old Edo”, we will examine in detail the creation of the “Tokyo cultural resources district,” which is at the heart of a series of political measures aimed at transforming cultural heritage assets into tourist resources, and at the center of the cultural program of the Tokyo Olympics. Finally, we will highlight in a concrete way the various problems related to this project. Beyond the matter of the Tokyo Olympics, it seems important to us that historians get to work in order to counter the wave of cultural nationalism caused by the spread of these “representations of the Good Old Edo”.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=EXTRO_044_0041