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Titre Silence intérieur et machineries de la communication au XIXe siècle
Auteur Manuel Charpy
Mir@bel Revue Socio-anthropologie
Numéro no 41, 2020 Bruits et chuchotements
Rubrique / Thématique
Dossier : Bruits et chuchotements
Page 23-38
Résumé Les intérieurs bourgeois deviennent au XIXe siècle des sanctuaires frappés de silence. La distinction est sociale : aux appartements sonores des quartiers populaires répond la quiétude des beaux quartiers. Cette construction est toute matérielle comme l'indiquent les archives privées, les brevets et les manuels pratiques. Car le silence se conquiert et se défend par des dispositifs qui font système. Il s'agit de se couper des bruits venus de l'extérieur et des voisins et de contrôler les sons intérieurs. D'une part, on calfeutre portes et fenêtres, on pose des parois acoustiques et des doubles vitrages et on installe des systèmes d'interphone qui mettent la rue à distance. D'autre part, un grand soin est porté pour étouffer les bruits intérieurs. Le monde bourgeois est feutré au sens strict : pantoufles sous les pieds, thibaudes sous les tapis, sourdines sur les pianos, capitonnages aux portes des pièces intimes… Le commandement des domestiques, ces corps populaires, doit aussi se faire en silence. L'appartement est traversé de complexes systèmes. Tubes acoustiques, fils de fer, fils électriques, sonnettes puis sémaphores silencieux chorégraphient en silence la vie domestique. Le silence est bien un contrôle des corps, interdisant gesticulations, brusqueries et cacophonies. Silence et chuchotements deviennent la condition d'une intimité bourgeoise, comme si le monologue intérieur nécessitait le silence des autres.
Source : Éditeur (via OpenEdition Journals)
Résumé anglais Bourgeois interiors in the 19th century became shrines of silence. Social distinction: at the opposite of the noisy apartments in working-class districts, appartements in bourgeois district were quiet. Private archives, patents and practical manuals underline that this construction was material. Silence is won and defended by devices that created systems. They shutt off noises from outside and neighbors and controled interior sounds. On the one hand, bourgeois caulked doors and windows, installed acoustic walls and double glazing and installed intercom systems that put the street at a distance. On the other hand, great care was taken to muffle interior noises. The bourgeois world was hushed in the strict sense: slippers under the feet, underlays under the carpets, mutes on the pianos, upholstery at the doors of rooms... The commandment of the popular bodies of the servants had also to be done in silence. The apartment was crossed by complex systems. Speaking tubes, mechanical or electric wires, bells then silent semaphores silently choreographed domestic life. Silence was a control of the bodies, prohibiting posturing, abruptness and cacophony. Silence and whispers become the condition of the bourgeois intimacy, as if the inner monologue requires the silence of others.
Source : Éditeur (via OpenEdition Journals)
Article en ligne http://journals.openedition.org/socio-anthropologie/6561