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Titre «  Nous sommes des sans-droits  ». La nécropolitique du VIH pour les sans-papiers en Belgique
Auteur Charlotte Pezeril
Mir@bel Revue L'année du Maghreb
Numéro no 25, 2021 Dossier : Face au VIH/sida
Rubrique / Thématique
Dossier : Face au VIH/sida
Page 113-130
Résumé Cet article analyse les atteintes au principe de biolégitimité, telle que définie par Didier Fassin en 2001, qui accorde le droit du sol aux personnes malades ne pouvant se faire soigner dans leur pays. À partir d'une enquête menée sur les plaintes pour discrimination liée au VIH reçues à Unia, le Centre interfédéral belge de lutte contre les discriminations, il s'intéresse à trois figures anthropologiques permettant de rendre compte de trajectoires emblématiques de sans-papiers originaires du Maghreb et vivant avec le VIH en Belgique. Les figures d'Ahmed, de Djamila et de Saïd renvoient à des trajectoires idéales-typiques, relevant d'enjeux de sexualité, de genre et de criminalisation, profondément modulées par les politiques migratoires, de régularisation, d'asile et d'expulsion. Dans la trajectoire d'Ahmed, le VIH se mêle aux enjeux de sexualité, dans la mesure où le diagnostic de séropositivité vient s'ajouter à une homosexualité difficilement vécue. Or les restrictions d'accès à la régularisation sur base de l'état de santé ne lui permettent plus d'être légal sur le territoire. La seconde figure, incarnée par Djamila, renvoie à l'histoire genrée du VIH car elle s'inscrit dans un parcours de dépendance à un homme et de violences sexuelles. Le VIH est alors le moindre de ses problèmes, noyé dans une accumulation de dénis de droits, surtout que le rapprochement familial nécessite des années de cohabitation. Enfin, dans la troisième figure, personnifiée par Saïd, le VIH s'inscrit dans une dimension criminelle, aggravant la double peine des étrangers enfermés pour des délits ou du simple fait d'avoir été arrêtés sans papier, voire permettant une triple peine du fait de la récente pénalisation de la transmission et de l'exposition au risque de transmission du VIH. Ainsi, le durcissement des politiques migratoires européennes s'apparente aujourd'hui davantage à une nécropolitique qui crée des mondes de sans-droits et finalement de « morts-vivants » pour reprendre l'expression d'Achille Mbembe (2006).
Source : Éditeur (via OpenEdition Journals)
Résumé anglais This article aims to analyze the contemporary effectiveness of bio-legitimacy as defined by Fassin in 2001, which allows sick people to stay in Europe if they cannot be treated in their own country. Based on a survey studying HIV-related discrimination complaints received at Unia (Pezeril, 2017), the Belgian Centre for Equal Opportunities and the Fight against Discrimination, three anthropological figures are identified in order to stress the emblematic trajectories of undocumented migrants with HIV coming from the Maghreb to Belgium. The figures of Ahmed, Djamila and Saïd refer to ideal-typical trajectories, linked to the sexual, gendered and criminalized history of HIV, which are deeply shaped by migration policies, and by regularization, asylum and expulsion practices. Ahmed's story shows how the HIV diagnosis complicates an already difficult situation of homosexuality which is partly hidden. Restrictions on regularization based on health status will prevent him from being legally established in the country. The second figure, Djamila, refers to the gendered history of HIV insofar as it finds its root in a conflictual relation with a man and in sexual violence. In this case, HIV is felt as being the least of her problems. Rather, she is preoccupied by her legal situation, as she cannot claim the right to stay in Europe without returning with and cohabitating with this abusive man. Finally, in the case of Saïd, HIV is grasped through his criminal history. His situation is typical of the double punishment encountered by foreigners who are incarcerated for petty offences or for having been arrested without adequate administrative documents. We may even analyse his situation as a triple punishment since transmitting HIV or exposing oneself to the illness has recently been criminalized. Thus, the restriction of European migration policies today is akin to a necropolitics which creates a world of people with no rights. And ultimately, as Achille Mbembe's calls it (2006), a world of “living deads”.
Source : Éditeur (via OpenEdition Journals)
Article en ligne http://journals.openedition.org/anneemaghreb/7979