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Titre L'ethnographie militaire aux origines de la « politique berbère » du protectorat français au Maroc (1912-1915)
Auteur Mathieu Marly
Mir@bel Revue L'année du Maghreb
Numéro no 25, 2021 Dossier : Face au VIH/sida
Rubrique / Thématique
Varia
Page 205-221
Résumé Cet article propose une analyse exhaustive des archives militaires produites dans le Moyen Atlas marocain entre 1912 et 1915 dans lesquelles l'ethnonyme « berbère » devient une catégorie opératoire du pouvoir colonial. En l'absence de vastes enquêtes ethnographiques dans cette région du Maroc, les officiers sont les premiers à collecter et à analyser les informations disponibles sur les populations berbères avec les outils, les modèles interprétatifs et les préjugés d'une ethnographie militaire inspirée des bureaux arabes et des cercles soudanais. Ces archives de l'ethnographie militaire sont des lieux d'expérimentation et d'incertitudes dans lesquels les militaires analysent les informations recueillies sur les populations « indigènes », élaborent des hypothèses souvent contradictoires, sélectionnent et oublient les données avant que leurs observations ne se figent sous l'effet de la « politique berbère » du protectorat marocain visant à « protéger » l'autonomie des coutumes berbères au Maroc. Dans un premier temps, l'article analyse les préjugés des officiers quant à la légitimité politique du Maghzen, la « tiédeur religieuse » des populations berbères et le rôle politique du cadre tribal au Maroc. Dans un deuxième temps, l'article montre que l'ethnonyme berbère est produit dans un contexte opérationnel lié à la « pacification » du Moyen Atlas. En effet, à partir de 1913, un groupe d'officiers élabore un nouveau plan d'action politique fondé sur l'unité supposée des « coutumes berbères », espérant obtenir ainsi le ralliement des populations et faciliter la « pacification » de la région. Dans les archives militaires, cette nouvelle approche se traduit par l'apparition des questionnaires ethnographiques sur les coutumes berbères en complément des « fiches de tribus ». À partir de 1915 seulement, les militaires font appel aux représentants du monde académique pour mettre en forme leurs propres conceptions des « coutumes berbères » inspirées de leurs expériences auprès des populations kabyles et touarèg.
Source : Éditeur (via OpenEdition Journals)
Résumé anglais This article focuses on the military archives produced in the Moroccan Middle Atlas between 1912 and 1915, in which the ethnonym “Berber” becomes an operative category of colonial power. For lack of extensive ethnographic surveys in this region of Morocco, officers were the first to collect and analyze available information on Berber-speaking populations with the tools, interpretative patterns, and prejudices of a military ethnography inspired by bureaux arabes and Sudanese circles. These archives of military ethnography were spaces of experimentation and uncertainty, in which officers analyzed information collected on “indigenous” populations, developed often contradictory hypotheses, and selected and forgot data, before their observations were fixed by the “Berber policy” of the French Protectorate in Morocco. This article first focuses on the prejudices that officers had toward the political legitimacy of the Maghzen, the “religious lukewarmness” of Berber populations, and the political role of the tribal framework in Morocco. It then shows that the Berber ethnonym was produced in an operational context linked to the “pacification” of the Middle Atlas. From 1913 onwards, a group of officers drew up a new political action plan based on the supposed unity of “Berber customs,” hoping to thereby rally the populations and facilitate the region's “pacification.” This new approach is reflected in the military archives through the appearance of ethnographic questionnaires on Berber customs that complemented the “fiches de tribus.” It was only beginning in 1915 that members of the military called on representatives from the academic world to help shape their own conceptions of “Berber customs,” as inspired by their experiences with the Kabyle and Tuareg populations.
Source : Éditeur (via OpenEdition Journals)
Article en ligne http://journals.openedition.org/anneemaghreb/8103