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Titre Quand le débat public échoue à prévenir le conflit : retour sur la contestation d'un projet industriel de transition énergétique dans les Landes (France)
Auteur Sylvie Clarimont
Mir@bel Revue L'Espace Politique
Numéro no 42, 2020/3 Frontières et souveraineté : quelles déclinaisons américaines ? + Varia
Rubrique / Thématique
Varia 2021
Résumé Les dispositifs participatifs dans le domaine de l'environnement et de l'aménagement tendent à se généraliser (Alban et al., 2005). En France, la participation habitante est encouragée par un important mouvement législatif à partir des années 1980-1990 qui a conduit à la mise en place de différents types de dispositifs de consultation de la population (Raymond, 2009), les uns pérennes, les autres plus ponctuels. L'action publique doit désormais intégrer la participation habitante. Ce développement de la démocratie participative fait cependant l'objet de nombreuses critiques. Certains y voient un risque d'affaiblissement de la démocratie représentative ; d'autres regrettent, au contraire, le manque d'ambition des processus participatifs qui aboutissent rarement à la co-décision et sont souvent inégalitaires. En France, le débat public a été institué par la Loi n° 95-101, du 2 février 1995, relative à la protection de l'environnement. Il a été mis en place pour trouver une solution au blocage de grands projets, notamment ferroviaires (Lolive, 1999), observé au début des années 1990 et dont les causes seraient un déficit d'information un manque de prise en compte des populations concernées (Dziedzicki, 2001). C'est un dispositif de consultation ouvert à tous les citoyens et prévu pour des projets d'aménagement à fort impact environnemental. Il vise à construire l'acceptabilité sociale d'un projet à partir de la confrontation de points de vue différents. Dans les faits, cette arène publique ne parvient pas toujours à construire le consensus. Quelle est la place accordée à la parole contestataire dans un dispositif participatif qui vise à éviter le conflit pour faire émerger un accord négocié sur un projet ? Quelle est la réalité de l'empowerment des citoyens dans le débat public ? L'article vise à répondre à ces questions en évaluant la qualité de la participation, dans le cas d'un débat public organisé en 2011-2012, dans le sud des Landes. Ce débat portait sur un projet industriel de stockage de gaz qui devait contribuer, selon le porteur de projet, à la transition énergétique. La méthode de recherche repose sur l'analyse d'un corpus textuel constitué par les verbatim des neuf réunions publiques organisées par la Commission locale chargée d'organiser le débat public (CPDP) et sur l'observation participante (puisque l'auteur a été membre de cette commission. Quelques résultats principaux peuvent être mis en avant : — Dans ce débat public, les possibilités d'expression des citoyens étaient très encadrées. — Pourtant, la participation citoyenne à ce débat public a été très importante. — Dans et aux marges du dispositif participatif, un mouvement structuré et argumenté d'opposition au projet s'est peu à peu mis en place. — L'apparition de ce conflit a des causes multiples et s'explique notamment par les spécificités du territoire du projet.— Les citoyens mobilisés contre le projet n'ont jamais boycotté ou empêché le débat public, mais ils l'ont détourné de son dessein originel pour en faire une tribune de la contestation.— Certaines recherches ont souligné l'instrumentalisation des citoyens mobilisés (Neveu, 2011) ou leur dépolitisation (Gourgues, 2018) dans le débat public, c'est le contraire qui a été observé dans le cas étudié.
Source : Éditeur (via OpenEdition Journals)
Résumé anglais Participatory practices in the environment and planning fields are tending to become more widespread (Alban et al., 2005). In France, citizen participation has been encouraged by a significant legislative trend since the 1980s and 1990s, which has led to the implementation of various types of public consultation processes (Raymond, 2009), some permanent, others temporary and most of which now have to include the participation of residents (Blondiaux, 2008; Muller, 2005). This development in participatory democracy, however, has come in for much criticism (Gourgues et al., 2013): some see the risk of it weakening representative democracy; others, on the contrary, deplore the lack of ambition of participatory processes, which rarely lead to co-decisions and often fail to secure equal expression for all points of view. In France, the Public Debate process was established by law under Act n°95-101 of February 2, 1995 on protection of the environment. The aim was to find a solution to address the strong opposition to major infrastructure projects, particularly high-speed railway lines (Lolive, 1999), observed in the early 1990s, the causes of which were considered to be a lack of information and a lack of consideration for the local populations affected (Dziedzicki, 2001). This consultation process is open to all citizens and was designed for major development projects with a high environmental impact. It aims to build up the social acceptability of a project through exchanges of different points of view (Gaudin, 2007; Doury et al., 2006; Blondiaux, 2008; Oiry, 2015). In reality, this public sphere for consultation does not always succeed in building consensus. How far are contentious positions taken into account in a participatory process that aims to avoid conflict in order to bring about a negotiated agreement on a project? How real is citizen empowerment in such public debates?This article aims to answer these questions by assessing the quality of participation in the case of a public debate process organized in 2011-2012 in south-western France (Landes département). This debate concerned an industrial gas storage project which, according to the project leader, would contribute to the energy transition. The research method was based on analysis of a textual corpus made up of verbatim transcriptions of the nine public meetings organized by the local committee in charge of organizing the public debate (CPDP) and on participant observation (the author being a member of this committee).The following results can be highlighted: - During this public debate, possibilities for citizens' expression of their views were very restrictive. - However, citizen participation in the public debate was very high.- During and outside the public debate process, a well-structured and cogently argued opposition movement to the project was gradually set up.- The emergence of this conflict has multiple causes and can be explained in particular by the specific characteristics of the area affected by the project.- The citizens mobilizing against the project never boycotted or obstructed the public debate process, but diverted it from its original purpose to turn it into a forum for protest.- While some researchers have emphasized the instrumentalization of mobilized citizens (Neveu, 2011) or their depoliticization (Gourgues, 2018) in public debates, the opposite was observed in the case studied here.
Source : Éditeur (via OpenEdition Journals)
Article en ligne http://journals.openedition.org/espacepolitique/9113