Titre | Double enquête. Une leçon d'écriture chamanique en Amazonie | |
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Auteur | Andrea-Luz Gutierrez-Choquevilca | |
Revue | Gradhiva : revue d'anthropologie et de muséologie | |
Numéro | no 32, 2021 Livres sorciers | |
Rubrique / Thématique | dossier Livres sorciers |
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Page | 60-81 | |
Résumé |
Lors d'un rêve initiatique, un chamane amérindien affirme avoir reçu de « Dieu » en personne l'injonction de coucher sur papier les voix mystérieuses entendues au cours de ses visions : les esprits supay lui apparaissent sous la forme de « créatures lettres » étincelantes, identifiées comme la trace d'un monde invisible révélé. À son réveil, EW écrit ses chants de rêve ikara inspirés par les esprits. Sa biblioteca clandestine compte des dizaines de manuscrits et de feuilles déchirées, froissées, raturées. Qu'advient-il lorsque des sociétés dont la mémoire rituelle semblait, jusque-là, réservée à l'oralité, ont recours à la possibilité d'inscrire des voix révélées sous la forme d'une trace figée, détachée de son contexte d'énonciation originel ? Ce texte explore l'avènement et l'épistémologie de cette cryptographie en haute Amazonie. Le récit de la rencontre entre le chamane et l'anthropologue dévoile le geste complexe qui préside à l'inscription et au déchiffrement de ces textes poétiques. S'il est prêté aux chants ikara le pouvoir de sceller des pactes, de guérir ou de transformer l'ordre du monde, l'écrit est devenu pour EW la trace d'un corps, celui des petites âmes aya runa et des esprits supay. Une conception radicale de la traduction, opérant tant sur des signes que sur des êtres, met au jour une ontologie amérindienne du langage fondée sur la transformation. Source : Éditeur (via OpenEdition Journals) |
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Résumé anglais |
In an initiation dream, a yachak shaman, E. Wani, claimed that “God” himself told him to write down the mysterious “voices” he heard during his visions: the supay spirits had appeared to him as bright “letters”. They were tangible mark of an invisible world that was revealed to the shaman. The voices of these little souls were thus literally “transcribed” in alphabetical writing, during the space and timeframe of a dream. When he woke up, the shaman followed his divine initiator's orders and proceeded to transcribe and correct these curious texts-voices. He thus established a “databank” of clandestine magic writings comprising a dozen manuscripts and torn, crumpled sheets of paper with correction marks. They contain secret songs and inscriptions written either by EW himself or by other masters of speech. What happens when societies whose ritual memory seemed to rely exclusively on the oral now have the opportunity to write down revealed voices in the form of a fixed trace, which can be deciphered without its author, a trace of a voice which is taken down after it was uttered? How does shamanism assimilate writing? This article examines the conditions of inscription and the epistemology of these Amerindian shamanic writings. The story of the encounter between the shaman and the anthropologist sheds light on the complexity of inscribing and deciphering these very singular poetic texts. While ikara songs have the power to seal alliances, cure or transform the order of the world, EW considers that the written sign is the trace left by bodies, those of the aya souls and supay spirits. Such a radical approach to translation, which concerns both signs and beings, reveals an ontology of language based on semiotic transformation and permutation. Source : Éditeur (via OpenEdition Journals) |
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Article en ligne | http://journals.openedition.org/gradhiva/5416 |