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Titre Hiérarchie sociale et classement des routes. Ce que les itinéraires royaux nous apprennent sur les déplacements au XIVe siècle
Auteur Boris Bove, Laurent Costa
Mir@bel Revue Revue historique
Numéro no 698, avril 2021
Page 463-499
Résumé L'article croise l'étude statistique et spatiale des itinéraires des rois du XIVe siècle avec le témoignage des contemporains et les cartes des routes au XVIe-XVIIIe siècle pour tenter, à travers la construction de ce référentiel, une sociologie des usages de la route dans le royaume en général, et en Beauvaisis en particulier. On constate alors que la mobilité est inversement proportionnelle au rang social et qu'à rang égal, le rayon d'action des femmes est nettement plus limité que celui des hommes, avec une correction notable à cette règle : les princes et plus encore les princesses en position de maîtriser leur patrimoine sont beaucoup plus mobiles que le roi, qui voyage ponctuellement mais sort peu de sa région de résidence francilienne au quotidien, et la reine ne quitte guère les environs de Paris. Croiser les voyages vers la Flandre avec la hiérarchie des routes permet de confirmer que les contraintes logistiques du roi en voyage le poussent à suivre les mêmes routes que les caravanes marchandes, et au même rythme – quoiqu'il ignore la voie d'eau et soit capable d'accélérations ponctuelles. L'étude sérielle des voyages du sacre permet néanmoins de nuancer cette constatation : si le voyage du sacre suppose un itinéraire stable avec comme étapes Paris, Reims, Corbeny, et dans une moindre mesure Laon et Soissons, son tracé entre ces géosymboles est extrêmement variable et emprunte même régulièrement des chemins non répertoriés sur les cartes modernes. Cette capacité du cortège royal à emprunter des chemins secondaires est confirmée par l'éloignement des étapes royales dans les itinéraires en général : entre la moitié et le tiers des étapes sont en effet situées à plus de 3 km des grands axes de circulation, ce qui suppose non seulement de faire passer des chariots sur des chemins de traverse, mais aussi de loger dans des gîtes médiocres puisque la moitié des étapes se situe dans des lieux uniques et en général obscurs. La sociologie des voies routières proposée par Philippe de Beaumanoir dans ses coutumes du Beauvaisis est donc une rationalisation en partie idéologique des pratiques contemporaines. La variété des routes empruntées par les rois s'explique par l'hétérogénéité des modelés des divers tracés qui composent chaque itinéraire.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais This article crosses the statistical and spatial study of the itineraries of 14th-century kings with the testimony of contemporaries and maps of roads drawn during the 16th-18th centuries to attempt, through the construction of this reference system, a sociology of roads used in the kingdom in general, and in Beauvaisis in particular. This confirms that mobility is inversely proportional to social rank, and for equal rank, women's range of action is much more limited, with a notable correction to this rule: princes, and even more so princesses in a position to control their wealth, are much more mobile than the king, who travels occasionally but remain mostly in his « region residence » of Ile-de-France, and the queen who hardly ever leaves the outskirts of Paris. Crossing royal mobility with the hierarchy of routes confirms that the logistical constraints of the king on his travels push him to follow the same routes as the merchant caravans, and at the same pace – although he ignores the waterways and is capable of punctual acceleration. The serial study of the voyages of the coronation nevertheless makes it possible to qualify this observation: if the voyage of the coronation presupposes a stable itinerary with Paris, Reims, Corbeny, and to a lesser extent Laon and Soissons as stops, its route between these geosymbols is extremely variable and even regularly takes paths not listed on modern maps. This ability of the royal procession to use secondary roads is confirmed by the distance of the royal stages in the itineraries in general: between half and a third of the stages are in fact located more than 3 km from the main traffic routes, which implies not only the use of carts on side roads, but also accommodation in mediocre lodgings since half of the stages are located in unique and generally obscure places. The sociology of roadways proposed by Philippe de Beaumanoir in his Beauvaisis customs is thus a partly ideological rationalization of contemporary practices that can be explained by the heterogeneity of the models of the various routes that make up each itinerary.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=RHIS_212_0463 (accès réservé)