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Titre Darwinners du futur
Auteur Sébastien LEMERLE, Baptiste MOUTAUD, Joséphine HERBELIN
Mir@bel Revue Terrain
Numéro Hors-série, juin 2021 Bureaucratie sublime
Rubrique / Thématique
Formes, Formules, Formulaires
Page 82-93
Résumé Que faudrait-il pour que la recherche devienne elle aussi céleste ? Considérée comme un bien commun, une zone de liberté, une des dernières sans doute qui auraient échappé à l'esprit de contrôle, elle subit les mêmes injonctions que bien d'autres domaines, sauf que nous pensions que la liberté de création y demeurait encore protégée… Les modules visant à quantifier toujours plus l'activité s'empilent, la recherche moderne croule sous l'effet des formules (et des formulaires) pour répondre à l'idéal d'une recherche efficace, optimale, libre d'inventer, mais suffisamment contrôlée pour que rien de ce qu'elle produit ne puisse échapper. En chemin, on oublie bien souvent de se mettre à la place des chercheurs et de leur poser la question : de quoi avez-vous besoin pour faire de la recherche vivante ? Dans ce contexte, le dossier d'enquête exhumé du futur par Sébastien Lemerle, Baptiste Moutaud et Joséphine Herbelin depuis le double fond d'une armoire des archives de la gendarmerie du Gard relève de la satire, mais aussi de la science-fiction ou de l'anticipation. Il n'est pas sans rappeler, par ses procédés d'estrangement, Erewhon de Samuel Butler, un classique du genre. Tout est parti d'une formule malheureuse prononcée par Antoine Petit, directeur du CNRS, et interprétée comme une défense du « darwinisme » en matière de recherche. Le professeur de génétique visionnaire Ángelos Charistéas a choisi de prendre la formule à la lettre (tout comme Gil Bartholeyns prend au sérieux la formule des poulets). Sauf que cette fois il s'agit de décrire ce qu'il faudrait pour produire enfin des chercheurs darwiniens, autrement dit des poulets capables d'obéir à leur propre formule et de s'optimiser par eux-mêmes. Prendre au sérieux la formule de Darwin (en matière de recherche) implique ici toute une série d'opérations. Si personne ne se met à la place des chercheurs, les chercheurs n'ont pas d'autre choix que de se mettre à la place des technocrates qui se font les défenseurs du « darwinisme » pour tenter de leur faire comprendre les implications de certains de leurs présupposés. Ici on ne s'en tient pas à organiser la production ou le comportement, on va jusqu'à produire des êtres à part entière, grâce à une formule transgénique (ou transgéniale) qui vise à fabriquer des chercheurs au génie optimisé dès le plus jeune âge. Il s'agit ensuite de pousser la formule jusqu'au bout, car, tout comme la bureaucratie céleste, la transgéniocratie pourrait bien faire rêver certains dirigeants. Quel meilleur moyen alors que la fiction comme thérapie au déficit d'imagination ? Chapô : EMMANUEL GRIMAUD & ANTHONY STAVRIANAKIS
Source : Éditeur (via OpenEdition Journals)
Article en ligne http://journals.openedition.org/terrain/21790