Titre | Crash | |
---|---|---|
Auteur | Éléonore ROQUES, Nelson JACOMIN | |
Revue | Terrain | |
Numéro | Hors-série, juin 2021 Bureaucratie sublime | |
Rubrique / Thématique | Sublimations |
|
Page | 190-199 | |
Résumé |
Les crashs d'avions génèrent une masse considérable de données techniques, d'analyses spécialisées, de rapports d'enquête, toute une bureaucratie qui est à la mesure de la puissance de perturbation de l'événement. Éléonore Roques a examiné notamment les rapports du Bureau des enquêtes et des analyses (BEA) et de l'Agence nationale de l'aviation civile et de la météorologie (ANACM). Elle montre que plus l'énigme est intense, plus les rapports et les enquêtes se multiplient dans une véritable tentative d'épuisement des possibilités. Cette « bureaucratie du crash », comme elle la nomme, fait resurgir l'activité d'une foule d'agents ignorés, de forces et de facteurs invisibles qui vont bien au-delà des derniers gestes du pilote, de la boîte noire ou des dernières perturbations vécues par l'appareil. Tout élément présent dans l'environnement technique, humain, météorologique, peut devenir, à un moment, un autre « agent trouble » et nécessite un travail fastidieux de cartographie et une enquête scrupuleuse. Quand ? On s'enferme dans une boîte en suspens dans l'air, tout élément devient actif, dynamique, potentiellement cause ou effet. On sous-estime généralement que le soleil, les nuages, le vent, la gravité, ont un fonctionnement propre au même titre qu'un moteur à réaction, l'aileron d'un avion ou le siège d'un passager. Ce n'est que lorsqu'il y a crise ou crash que l'on va s'intéresser à la répartition des forces en présence, à leur contribution sous l'angle de leur fonctionnement et à la possibilité que surgissent des événements incompréhensibles ou qui dépassent nos capacités de codage. C'est ce problème des limites de nos facultés à coder l'inattendu ou l'imprévu qu'Éléonore Roques et Nelson Jacomin ont cherché à interroger en mimant le crash du rapport lui-même (ou du processus d'enquête) : le rapport, entre leurs mains, passe à travers plusieurs couches de codage/lissage et se perd ensuite dans une sorte d'infini informatique, constitué d'une seule ligne de code qui se répète à l'infini. Le crash ici n'est donc pas celui d'un avion, mais celui de la technicité qui fait face soudain à son angle mort, à ce qu'elle ne peut embrasser, appréhender, réguler ou coder. Chapô : EMMANUEL GRIMAUD & ANTHONY STAVRIANAKIS Source : Éditeur (via OpenEdition Journals) |
|
Article en ligne | http://journals.openedition.org/terrain/21935 |