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Titre L'État démocratique menacé par la corruption
Auteur Paul Dumouchel
Mir@bel Revue Les cahiers de la justice
Numéro no 2022/2 Face à la corruption, quelles stratégies ?
Rubrique / Thématique
Dossier - Face à la corruption, quelles stratégies ?
Page 301-312
Résumé Il est difficile de définir la corruption par un ensemble d'actions spécifiques et dans l'intention de frauder. Elle s'inscrit dans une relation concernant toujours au moins trois acteurs (principal auteur, mandataire et victime) et, au sein des démocraties, offre deux acceptions. D'abord, la corruption comme détournement de l'autorité publique à des fins privées, ensuite la corruption au sens moral, et quasi biologique, d'un mal qui entraîne la dégénérescence, la décomposition progressive d'un organisme à l'origine sain. Elle est donc à la fois un crime et une maladie du corps politique, une maladie contagieuse du politique. Si la corruption prend place dans le rapport triadique entre l'État, ses mandataires et le public, la question de savoir quels actes constituent de la corruption et quels actes sont perçus comme telle dépend de la forme de l'État. Si depuis peu nous sommes devenus beaucoup plus rigoureux envers les différentes formes de corruption, c'est parce que la forme de nos États et même le principe de leur légitimité a changé. Or, la forme de l'État dans les démocraties libérales serait en cours de transformation depuis 1990, passant de l'État-nation à l'État-marché. Il n'y a vraisemblablement pas moins de corruption dans l'État-marché que dans l'État-nation, mais elle se présente autrement. Ce qui est réprouvé, ce n'est plus le manquement aux intérêts de l'État, mais le scandale que constitue le passe-droit.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais It is difficult to define corruption on the basis of a specific set of actions and the intent to defraud. It exists in the context of a relationship that always involves at least three actors (the primary perpetrator, the agent, and the victim), and in democratic societies it has two distinct meanings. First there is the sense of corruption as a misuse of public authority for private ends; then there is corruption in the moral and quasi-biological sense, as a sickness that causes the degeneration and progressive decomposition of an originally-healthy organism. It is therefore both a crime and an illness of the body politic, a contagious disease of politics. If corruption occurs within the triadic relationship between the State, its agents and the public, the question of what acts constitute corruption and what acts are perceived as such depends on the form of the State. If we have become much less intolerant of the various forms of corruption in recent times, this is because the form of our States and even the premises underlying their legitimacy have changed. Since 1990, the form of the State in liberal democracies has been undergoing a process of transformation, from the nation-state to the market-state. In all likelihood, there is just as much corruption in the market-state as in the nation-state, but it presents itself differently. What is now condemned is no longer the breach of State interests, but the scandal of preferential treatment.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=CDLJ_2202_0301 (accès réservé)