Titre | Du barbare au migrant : Crise des Lumières et crise d'aujourd'hui | |
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Auteur | Stéphane Lojkine | |
Revue | Raisons Politiques | |
Numéro | no 86, mai 2022 Crises et migrations | |
Rubrique / Thématique | Dossier |
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Page | 13-28 | |
Résumé |
L'étude de la genèse et de l'articulation théorique des notions de crise et de migration, telles qu'elles apparaissent dans les dictionnaires classiques, dans l'Encyclopédie et dans L'Esprit des lois de Montesquieu, révèle quelques surprises. Le migrant a été pensé, non comme l'étranger qui immigre et menace l'autochtone, mais comme la condition même de l'autochtone, dont le peuple a d'abord été migrant. Quant à la crise, ce fut d'abord une notion médicale, désignant l'issue de la maladie, la guérison ou la mort. La crise fait sortir le fluide qui met la santé en péril, alors que nous concevons la crise migratoire comme entrée d'un corps étranger. Nous nous méprenons peut-être aujourd'hui sur la crise parce que nous n'observons pas le bon flux, celui qui, de l'intérieur de notre système social et politique, cherche à sortir. Car dès les Lumières, la notion médicale de crise a pris une signification politique : chez Montesquieu, la crise désigne à la fin de L'Esprit des lois le moment où se constitue le régime féodal. Son origine n'a nullement été une translation pacifique des Romains aux Francs, mais bien une invasion et un asservissement. L'ancien régime romain n'a pas été aboli : une hybridation des systèmes s'est produite. Montesquieu y voit le germe de l'état de droit. Nous sommes, comme Européens, le produit de cette crise migratoire, sans laquelle nos valeurs n'auraient jamais vu le jour. Source : Éditeur (via Cairn.info) |
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Résumé anglais |
The study of the genesis and theoretical articulation of the notions of crisis and migration, as they appear in the classical dictionaries, in the Encyclopédie and in Montesquieu's Esprit des lois, reveals some surprises. The migrant has been thought of, not as the foreigner who immigrates and threatens the native, but as the very condition of the native, whose people were first migrant. As for the crisis, it was first a medical notion, designating the outcome of the illness, the cure or death. Crisis brings out the fluid that endangers health, whereas we conceive of migratory crisis as the entry of a foreign body. We may be misunderstanding the crisis today because we are not observing the right flow, the one that, from within our social and political system, seeks to exit. For as early as the Enlightenment, the medical notion of crisis took on a political meaning: in Montesquieu's Esprit des lois, crisis refers to the moment when the feudal regime was established. Its origin was by no means a peaceful translation from the Romans to the Franks, but an invasion and a subjugation. The old Roman regime was not abolished : a hybridisation of the systems occurred. Montesquieu sees in it the germ of the rule of law. We are, as Europeans, the product of this migratory crisis, without which our values would never have come into play. Source : Éditeur (via Cairn.info) |
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Article en ligne | http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=RAI_086_0013 (accès réservé) |