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Titre Cuisiner avec Lévi-Strauss et les femmes enawenê-nawê : à la recherche de la condition humaine dans les subtilités de l'expérience quotidienne
Auteur Chloe Nahum-Claudel
Mir@bel Revue Cahiers d'anthropologie sociale
Numéro no 20, 2020 Claude Lévi-Strauss Penser le monde autrement
Page 133-151
Résumé Les femmes enawenê-nawê du Brésil central entretiennent des relations intimes avec un élément de leur culture alimentaire, le manioc amer et ses tubercules toxiques dans leur état cru. Contrôler le contact avec le manioc exige une attention constante de la part des membres d'un foyer (déplacement de la cuisine, précautions chamaniques, cuisine de mets particuliers etc.) puisque s'y trouvent souvent des personnes vulnérables aux effets néfastes de la plante, conçu comme un sujet féminin hyper-animé – ce sont les femmes qui ont leurs règles, leurs partenaires, des parents de nouveau-nés ou des adolescent(e)s. En suivant la voie frayée par Claude Lévi-Strauss et en me plongeant dans l'ethnographie de cette coexistence quotidienne nécessaire mais quelquefois perturbante, j'explore comment la condition humaine est « cuisinée », par des processus qui sont toujours à la fois pratiques et métaphysiques. Il s'agit précisément d'interroger la façon dont la pratique et l'expérience sensorielles de la vie s'articulent avec le mythe et l'idéologie la femme-manioc. L'intérêt de ce travail de Claude Lévi-Strauss sur la cuisine, est de se pencher sur les petites choses de l'expérience quotidienne et d'offrir des clés heuristiques faisant de ces petites choses – qui concernent souvent les femmes – des révélateurs de sens déterminants. Au moyen d'une relecture critique du « triangle culinaire » de Claude Lévi-Strauss, je propose donc une perspective féministe sur l'acte de cuisiner la condition humaine.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais Enawenê-nawê women in Central Brazil are intimately connected with bitter manioc, a staple crop whose tubers are toxic in their raw state. Controlling contact with manioc demands constant care on the part of household members (moving the kitchen, taking shamanic precautions, cooking special meals etc.) since there will often be someone in the household who is vulnerable to the dangers posed by the hyper-animate plant woman – women on their periods and their partners, parents of newborns, and adolescents. Following Lévi-Strauss's initiative and via the ethnography of this everyday coexistence – which is essential but nonetheless risky and delicate – I explore the way that the human condition is « ooked » by means of processes that are always at once practical and metaphysical. I question precisely how it is that the practical and sensory aspects of everyday life articulate with mythic or ideological discourses about manioc-woman. What I find so useful in Lévi-Strauss's work on cookery is that he attends to the small things – things that often concern women – and offers a heuristic in which the deepest meanings are revealed by these little details. Through a critical re-reading of Lévi-Strauss's « culinary triangle » I thus offer a feminist perspective on what it means to « cook » the human condition.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=CAS_020_0133 (accès réservé)