Contenu de l'article

Titre Organiser l'émeute : la méthode « Black Bloc » expliquée
Auteur Louis Vuarin
Mir@bel Revue Gérer et comprendre (Annales des mines)
Numéro no 151, mars 2023
Rubrique / Thématique
Réalités méconnues
Page 28-41
Résumé Le « Black Bloc », groupe d'activistes habillés de noir se livrant à diverses actions subversives ou émeutières durant les manifestations, s'est imposé comme une pratique bouleversant à la fois les habitudes des groupes contestataires et celles du maintien de l'ordre (Wood, 2007 ; Dupuis-Déri, 2003 ; 2018 ; Farde, 2020 ; Véchambre, 2020). Dans cet article, nous proposons une analyse organisationnelle du phénomène, au travers d'un matériel inédit composé d'observations (sous couverture « semi partielle » et « totale », cf. Roulet et al., 2017) et d'interviews collectées au cœur de groupuscules activistes franciliens entre 2016 et 2020. Au-delà de toutes considérations politiques, le Black Bloc est analysé en ce qu'il représente un dispositif organisationnel exemplaire, dans la veine de travaux sur les émeutes et le maintien de l'ordre en théorie des organisations (Lacaze, 2004 ; Kudesia, 2021). Notre étude met notamment en avant un surprenant équilibre entre processus intégrateurs et processus désintégrateurs, permettant d'assurer au Black Bloc à la fois une forme de cohésion assurant sa stabilité face aux tentatives de déstabilisation des manœuvres policières, et une imprévisibilité qui le rend plus dangereux et moins contrôlable. L'autre raison du succès du Black Bloc apparaît être sa capacité à maintenir une convergence entre sous-groupes aux idéologies et méthodes différentes, et parfois même concurrentes. En effet, la culture organisationnelle du Black Bloc permet un obscurcissement des dissimilarités entre ses membres au sein d'une expérience politique commune. En entretenant un flou assimilateur, le Black Bloc peut radicaliser, mais aussi tempérer certains des sous-groupes qui le composent.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais The “Black Bloc,” a group of activists dressed in black who engage in various subversive or riotous actions during demonstrations, has emerged as a practice that disrupts both the habits of protest groups and those of policing (Wood, 2007; Dupuis-Déri, 2003; 2018; Farde, 2020; Véchambre, 2020). In this article, we propose an organizational analysis of the phenomenon, through unpublished material composed of observations (under “semi partial” and “total” coverage, cf. Roulet et al., 2017) and interviews collected in the heart of activist groupings in Paris between 2016 and 2020. Beyond all political considerations, the Black Bloc is analyzed insofar as it represents an exemplary organizational device, in the vein of works on riots and policing in organizational theory (Lacaze, 2004; Kudesia, 2021). In particular, our study highlights a surprising balance between integrating and disintegrating processes, allowing the Black Bloc to have both a form of cohesion that ensures its stability in the face of attempts to destabilize police maneuvers, and an unpredictability that makes it more dangerous and less controllable. The other reason for the success of the Black Bloc appears to be its ability to maintain a convergence between sub-groups with different – and sometimes even competing – ideologies and methods. Indeed, the organizational culture of the Black Bloc allows for an obscuring of dissimilarities between its members within a common political experience. By maintaining an assimilative blur, the Black Bloc can radicalize, but also temper some of the subgroups that comprise it.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=GECO1_151_0028 (accès réservé)