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Revue | Gérer et comprendre (Annales des mines) |
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Numéro | no 151, mars 2023 |
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Réalités méconnues
- La « gestionnarisation » du processus de planification des grands projets industriels - Lambert Lanoë p. 3-17 Dans cet article, nous visons à analyser le processus d'élaboration des plannings de réalisation de grands projets industriels se caractérisant par une complexité multidimensionnelle. Ces grands projets doivent en effet répondre à des enjeux politiques majeurs, impliquant une forte exposition médiatique, et induisent également une complexité temporelle faisant de la planification une activité essentielle à leur réussite. Dans ce cadre, nous verrons dans un premier temps comment des ambitions politiques déconnectées des réalités industrielles conjuguées à une « gestionnarisation » de ces organisations ont conduit à la construction de plannings stratégiques fictionnels, artificiellement affranchis de la réalité. Dans un second temps, nous verrons que cette situation accroît les écarts de représentation entre les acteurs des projets, et conduit à des problématiques délétères en matière de construction et d'évaluation de la charge de travail.This paper aims to analyze the process of drawing up planning for the realization of large industrial projects characterized by multidimensional complexity. Indeed, these major projects must respond to major political challenges, involving strong media exposure, and also induce temporal complexity, making planning an essential activity for their success. In this context, we will first see how political ambitions disconnected from industrial realities, combined with a “managerialism” of these organizations, have led to the construction of fictional strategic plans, artificially freed from reality. Secondly, we will see that this situation increases the representation's gaps between the actors of the projects, and leads to deleterious problems in terms of construction and evaluation of workloads.
- Le sureffectif : coût à réduire ou « slack » à favoriser ? - Stéphane Deschaintre, Salomon Bernier-Khedache p. 18-27 Le sureffectif appartient communément aux coûts qu'il faudrait réduire. En s'appuyant sur deux cas industriels, notre recherche présente pourtant des dirigeants qui le prônent. Pour analyser ce résultat contre-intuitif, le concept de « slack organisationnel » est mobilisé. Les arguments des dirigeants se structurent alors autour de fonctions du slack organisationnel : le sureffectif permet de préparer l'avenir et de préserver les salariés. Montrer le sureffectif comme un slack à favoriser est inhabituel dans le contexte actuel et interroge plus largement les représentations courantes d'un (sur)effectif à nécessairement réduire. Notre recherche éclaire également le concept de slack organisationnel, en montrant qu'il peut être consciemment rationalisé par des dirigeants, et qu'il peut ainsi relever d'une logique managériale raisonnée.Overstaffing is commonly seen as a cost that should be reduced. However, our research, based on two industrial cases, presents managing directors who advocate it. To analyze this counter-intuitive result, we use the concept of organizational slack. The arguments of the managing directors are then structured around functions of organizational slack: Overstaffing allows them to prepare for the future and to preserve their employees. Showing overstaffing as a slack to be favored is unusual in the present context, and questions more broadly the widespread representations of a workforce that must necessarily be reduced. Our research also sheds light on the concept of organizational slack by showing that it can be consciously rationalized by managing directors, and therefore be part of a reasoned managerial logic.
- Organiser l'émeute : la méthode « Black Bloc » expliquée - Louis Vuarin p. 28-41 Le « Black Bloc », groupe d'activistes habillés de noir se livrant à diverses actions subversives ou émeutières durant les manifestations, s'est imposé comme une pratique bouleversant à la fois les habitudes des groupes contestataires et celles du maintien de l'ordre (Wood, 2007 ; Dupuis-Déri, 2003 ; 2018 ; Farde, 2020 ; Véchambre, 2020). Dans cet article, nous proposons une analyse organisationnelle du phénomène, au travers d'un matériel inédit composé d'observations (sous couverture « semi partielle » et « totale », cf. Roulet et al., 2017) et d'interviews collectées au cœur de groupuscules activistes franciliens entre 2016 et 2020. Au-delà de toutes considérations politiques, le Black Bloc est analysé en ce qu'il représente un dispositif organisationnel exemplaire, dans la veine de travaux sur les émeutes et le maintien de l'ordre en théorie des organisations (Lacaze, 2004 ; Kudesia, 2021). Notre étude met notamment en avant un surprenant équilibre entre processus intégrateurs et processus désintégrateurs, permettant d'assurer au Black Bloc à la fois une forme de cohésion assurant sa stabilité face aux tentatives de déstabilisation des manœuvres policières, et une imprévisibilité qui le rend plus dangereux et moins contrôlable. L'autre raison du succès du Black Bloc apparaît être sa capacité à maintenir une convergence entre sous-groupes aux idéologies et méthodes différentes, et parfois même concurrentes. En effet, la culture organisationnelle du Black Bloc permet un obscurcissement des dissimilarités entre ses membres au sein d'une expérience politique commune. En entretenant un flou assimilateur, le Black Bloc peut radicaliser, mais aussi tempérer certains des sous-groupes qui le composent.The “Black Bloc,” a group of activists dressed in black who engage in various subversive or riotous actions during demonstrations, has emerged as a practice that disrupts both the habits of protest groups and those of policing (Wood, 2007; Dupuis-Déri, 2003; 2018; Farde, 2020; Véchambre, 2020). In this article, we propose an organizational analysis of the phenomenon, through unpublished material composed of observations (under “semi partial” and “total” coverage, cf. Roulet et al., 2017) and interviews collected in the heart of activist groupings in Paris between 2016 and 2020. Beyond all political considerations, the Black Bloc is analyzed insofar as it represents an exemplary organizational device, in the vein of works on riots and policing in organizational theory (Lacaze, 2004; Kudesia, 2021). In particular, our study highlights a surprising balance between integrating and disintegrating processes, allowing the Black Bloc to have both a form of cohesion that ensures its stability in the face of attempts to destabilize police maneuvers, and an unpredictability that makes it more dangerous and less controllable. The other reason for the success of the Black Bloc appears to be its ability to maintain a convergence between sub-groups with different – and sometimes even competing – ideologies and methods. Indeed, the organizational culture of the Black Bloc allows for an obscuring of dissimilarities between its members within a common political experience. By maintaining an assimilative blur, the Black Bloc can radicalize, but also temper some of the subgroups that comprise it.
- La « gestionnarisation » du processus de planification des grands projets industriels - Lambert Lanoë p. 3-17
Autres temps, autres lieux
- La chute de Kodak : une affaire classée ? - Albéric Tellier p. 42-52 La faillite de Kodak est généralement considérée comme un cas exemplaire de disruption. Notre objectif est de revenir sur cette thèse, qui est aujourd'hui très largement partagée par les chercheurs et le grand public.L'analyse systématique des données publiées sur l'entreprise entre septembre 2003 et janvier 2008 révèle que la théorie de la disruption n'explique pas complètement le déclin de Kodak. Notre étude met notamment en évidence le rôle joué par les actionnaires dans le refus du plan initial de développement dans le numérique.Ces résultats montrent l'effet de l'activisme actionnarial sur les stratégies d'innovation de rupture. Ils permettent également de discuter des risques de biais de circularité dans l'utilisation de cas d'école pour illustrer des approches théoriques.Kodak's bankruptcy is generally considered to be an exemplary case of disruption. Our objective is to revisit this thesis, which is now widely shared by researchers and the general public.A systematic analysis of data published on the company between September 2003 and January 2008 demonstrates that the disruption theory does not fully explain Kodak's decline. In particular, our analysis highlights the role played by shareholders in the rejection of the initial plan for digital development.These results show the impact of shareholder activism on disruptive innovation strategies. They also allow us to discuss the risks of circularity bias in the use of case studies to illustrate theoretical approaches.
- La chute de Kodak : une affaire classée ? - Albéric Tellier p. 42-52
Mosaïque
- Les modes d'existence (in)filtrés par le discours managérial - Aude Montlahuc-Vannod p. 53-54