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Titre Quand le citoyen devint associé : effets de traduction et emprunts au droit des affaires dans la pensée politique française du xviiie siècle
Auteur Henri-Pierre Mottironi
Mir@bel Revue Mots. Les langages du politique
Numéro no 132, juillet 2023 Les mots du vote de la Rome antique à la Révolution française
Rubrique / Thématique
Dossier
Page 83-100
Résumé Avec l'essor d'une société tournée vers le grand commerce au xviiie siècle s'opère un changement majeur dans l'idée de citoyenneté : le citoyen en vient à être considéré comme un actionnaire de la chose publique. En adaptant au domaine politique la terminologie du droit des affaires, s'est imposée progressivement à la fin de l'époque moderne une conception plus économique et contractuelle du lien entre électeurs et élus, qui fonde l'idée de mandat représentatif. Cet article vise à retracer certaines étapes de cette transformation sémantique en montrant le rôle des traductions de l'anglais au français dans ce phénomène au xviiie siècle. À la fin du xviie siècle, l'image du magistrat comme tuteur de la république, que l'on doit à Cicéron, est reconvoquée dans la pensée politique britannique. Mais elle est traduite dans les termes du droit du trust dans les grands textes anti-absolutistes et républicains britanniques, faisant émerger tout une doctrine du bon gouvernement comme un gouvernement limité de dirigeants trustees des libertés de leur peuple. Difficilement traduisible, cette terminologie politique est transcrite en français au xviiie siècle dans le vocabulaire de la commission et la procuration. Ce jeu de traductions participe à politiser un ensemble de termes jusqu'alors cantonnés à un usage commercial et qui devient par la suite constitutif du vocabulaire politique de la Révolution française : « commettants », « commis », « constituants » et « pouvoirs constitués » transforment ainsi le citoyen en associé.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais ‪With the rise of “commercial society” in the 18th century, a major change took place in the idea of citizenship: the citizen came to be considered as a shareholderin public affairs. By adapting the terminology of business law to the political domain, a more economic and contractual approach to the link between electors and elected officials took over progressively at the end of the Early Modern era, and this led to the idea of representative mandate. This article aims to trace some of the stages of this semantic transformation by showing the part played by translations from English to French in this phenomenon in the18th century. At the end of the 17th century, Cicero's image of the magistrate as guardian of the republic was revived in British political thought, but it was translated into the terms of the law of trust in the great British anti-absolutist and republican texts, leading to the emergence of a whole doctrine of good government as a limited government by rulers who were trustees of their people's liberties. Difficult to translate, this political terminology was transcribed into French in the 18th century using the vocabulary of commission and proxy. This set of translations led to the politicising of a set of terms that had previously been confined to commercial use and that would come to constitute the political vocabulary of the French Revolution, such as commettants (“principals)”, commis (“employees”), constituants (“constituents”), and pouvoirs constitués (“established. powers”). All this transformed citizens into political shareholders.‪
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=MOTS_132_0083 (accès réservé)