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Titre Vision distante et archive photographique
Auteur Daniel Foliard
Mir@bel Revue Sociétés & Représentations
Numéro no 55, 2023 L'œil numérique
Rubrique / Thématique
L'œil numérique
Page 227-247
Résumé Cet article s'appuie sur plusieurs projets récents ou en cours de développement qui se situent à l'articulation de l'apprentissage profond, de la visualisation de données et de l'histoire de la photographie. Il vise à interroger les utilisations de l'intelligence artificielle à des fins de recherche et d'exploitation de photographies patrimoniales. Des expérimentations de plus en plus fréquentes ont démontré que ces outils peuvent offrir de nouveaux points d'entrée dans de très grands corpus visuels. Ces approches rencontrent toutefois une forme de résistance chez les spécialistes de l'histoire de la photographie et des études visuelles. Le risque notamment d'un effacement du contexte, favorisé par le traitement des images, est souvent mis en avant. Les biais préexistants dans des jeux de données comme Imagenet ou ceux qui sont introduits par les ré-entraînements des réseaux neuronaux peuvent paraître par ailleurs poser d'insurmontables problèmes éthiques et épistémologiques. À l'instar de la photographie de la seconde moitié du xixe siècle – cet « œil prosthétique » qui épousa dans les Indes l'habitus colonial de l'empire britannique selon Christopher Pinney –, « l'œil numérique » de la vision computationnelle semble ainsi coïncider avec de profondes évolutions culturelles inscrites dans ce début du xxie siècle, qui vont de la fin supposée de la vie privée à l'extractivisme numérique en passant par une automation préjudiciable à l'interprétation fine des documents. À l'inverse, les praticiens des cultural analytics défendent l'idée selon laquelle les très grands corpus de données sont devenus d'incontournables objets, ouvrant des perspectives totalement inédites aux spécialistes du champ des humanités. Cet article vise à nuancer les surestimations positives et négatives de ce que peuvent faire les outils de l'apprentissage profond et de la science des données en matière d'analyse des images. Ni myope, ni presbyte, l'œil numérique offre de nouvelles entrées dans l'écrasante masse documentaire que produit la numérisation accélérée des patrimoines visuels.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais This article is based on upcoming research projects that stand at the intersection of deep learning, data visualization, and the history of photography. It questions the application of artificial intelligence functionalities to historical photographs. Recent advances have demonstrated that computation can open new entry points into the analysis of very large visual corpora. However, many specialists in the history of photography and visual studies still doubt the effectiveness of these digital approaches. Image processing and computation favor an erasure of context that can be extremely problematic from a historical perspective. Pre-existing biases in datasets such as Imagenet or those introduced by the re-training of neural networks can also seem to create insurmountable ethical and epistemological issues. Computer vision reflects and intensifies early 21st-century cultural evolutions that range from the supposed end of privacy to digital extractivism by means of automation, which can be detrimental to context-based interpretations of documents. This article will demonstrate how this coincidence offers similarities with earlier articulations between mechanical vision and sociocultural structures. Christopher Pinney has analyzed how photography's “prosthetic eye” was woven into the fabric of the British colonial habitus in 19th-century India. The article will expand on his suggestion that techniques of vision can work both as a cure and as a poison. On the other hand, the promoters of cultural analytics argue that big cultural data have become legitimate objects of study. In their view, the implied change in scale opens up fruitful new perspectives for specialists in the humanities. This article aims at rebalancing the positive and negative overestimations of what artificial intelligence can do for the history of photography. It argues that computer vision is neither short-sighted nor long-sighted, its “digital eye” can help researchers navigate the ever-expanding ocean of digitized historical photographs.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=SR_055_0227 (accès réservé)