Contenu du sommaire : L'œil numérique

Revue Sociétés & Représentations Mir@bel
Numéro no 55, 2023
Titre du numéro L'œil numérique
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  • L'œil numérique

    • Avant-propos - Laurence Danguy, Julien Schuh p. 9-11 accès réservé
    • Cahier iconographique - p. 13-54 accès réservé
    • L'œil numérique : vers une culture visuelle hybride - Laurence Danguy, Julien Schuh p. 55-69 accès réservé
    • Une intelligence artificielle nous « regarde » : Les représentations filmiques en « séries » de la surveillance du corps humain et social à l'ère numérique - Alain Boillat p. 71-97 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'article propose d'examiner, dans le cinéma hollywoodien de science-fiction et dans quelques séries télévisées, les diverses modalités de mise en forme narrative et visuelle de la représentation de la surveillance à l'ère du numérique, et ce dans le cas spécifique où elle est prise en charge par une intelligence artificielle. Plusieurs passages d'une série qui peut être considérée à cet égard comme emblématique, Person of Interest, sont analysés et inscrits dans une filiation qui remonte à 2001: A Space Odyssey, et qui comprend des formulations spécifiques dans certaines productions moins connues, à l'instar de Colossus: The Forbin Project ou Demon Seed. « L'œil » rouge de Hal chez Kubrick, qui est celui d'une caméra offrant à la machine une vision panoptique sur l'ensemble du vaisseau, trouve sur le petit et le grand écran des déclinaisons ultérieures qui se multiplient après l'affaire Snowden, comparée ici en termes d'impact sur l'essor de films de complot au scandale du Watergate quatre décennies plus tôt. Depuis les années 2010, la question de l'exploitation des données personnelles constitue un enjeu spécifique, mais le motif principal de la peur suscitée dans ces récits en général sous-tendus par une conception technophobe réside dès les années 1970 dans la mise en réseau elle-même de l'IA, sorte de contamination qui lui confère un pouvoir absolu et délétère.
      The article examines the different modes of narrative and visual representation of surveillance in Hollywood sci-fi cinema and some TV series, specifically when this surveillance is carried out by an artificial intelligence. Some extracts from a series that may perhaps be considered emblematic in this respect, Person of Interest, are analysed, and situated in a genealogy that traces them back to Kubrick's 2001: A Space Odyssey, not forgetting specific reformulations in certain lesser-known productions such as Colossus: The Forbin Project or Demon Seed. Hal's red “eye” in the Kubrick film, the eye of a camera which transmits a panoptical vision of the spacecraft to the machine, generates later avatars on the small and big screens. With the Snowden case, their numbers soared, a phenomenon compared here, as regards its impact on the number of conspiracy fllms produced, to the effects of the Watergate scandal 40 years earlier. Since the 2010s, the issue of the exploitation of personal data arouses particular suspicion, but the main cause of the fear generated in these narratives, which generally convey a technophobic approach, is the networking of AI, which started in the 1970s, and is represented as a kind of contamination which gives it an absolute and negative power.
    • Dans l'œil du viseur : vision armée, images opératoires et contre-visualités : Autour du film d'Éléonore Weber, Il n'y aura plus de nuit (2020) - Jean-Paul Fourmentraux p. 99-123 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      À l'ère numérique, l'acte de voir n'a peut-être jamais été autant articulé à une soumission aveugle aux machines. Dans le cas des drones et des « images opératoires » à l'œuvre dans les conflits armés, ce premier couplage du regard aux machines se dédouble : voir y est également synonyme de viser une cible et de l'atteindre par les armes. L'œil numérique devient « œil armé » lorsque le mouvement du regard est appelé à diriger celui de canons mitrailleurs ou de lance-missiles embarqués à bords de drones ou d'hélicoptères de combats.
      In the digital age, the act of seeing has perhaps never been so closely linked to a blind submission to machines. In the case of drones and “operating images” at work in armed conflicts, this initial coupling of the gaze to machines is duplicated: seeing is also synonymous with aiming at a target and reaching it with weapons. The digital eye becomes the “armed eye” when the movement of the gaze is called upon to direct that of machine guns or missile launchers aboard drones or combat helicopters.
    • Des images fantômes qui nous regardent : l'œil de la machine soumis au regard des artistes - Nathalie Dietschy p. 125-146 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      À la fin des années 1980, Paul Virilio (1988) observe la délégation croissante de l'œil humain par les machines de vision. Le régime des images automatisées est caractérisé par l'« aveuglement » des machines. Cet article propose de réfléchir aux rapports entre œil humain et vision computationnelle et les manières dont ces regards sont traités par plusieurs artistes contemporains aux pratiques et approches très différentes (Harun Farocki, Trevor Paglen, Julien Prévieux, Eva et Franco Mattes, Miguel Chevalier, Paolo Cirio). Des images opérationnelles (Farocki, 2004) dans un contexte militaire aux enregistrements de Google Street View, en passant par la reconnaissance faciale, cet article propose, par l'analyse de quelques œuvres exemplaires, de réfléchir aux visions de l'ordinateur et invite à penser l'œil machinique comme un œil qui n'est jamais « naïf » (Debray, 1994), mais qui s'inscrit au contraire toujours dans des enjeux et des contextes matériels, sociaux, politiques ou économiques, autrement dit proprement humains, et dont il s'agit de dévoiler la teneur pour que les yeux « aveugles » de la machine soient rendus visibles.
      In the late 1980s, Paul Virilio (1988) observed the increasing delegation of the human eye by the machine vision. This regime of automated images is characterized by the machines' “blindness”. This paper wishes to explore the relationships between the human eye and computer vision and how it is addressed by several contemporary artists whose practices are very different but who all question computer vision (Harun Farocki, Trevor Paglen, Julien Prévieux, Eva and Franco Mattes, Miguel Chevalier, and Paolo Cirio). From operative images (Farocki, 2004) in a military context, to Google Street Views recordings or facial recognition, this article aims to reflect upon the interactions of the human eye with the one of the computer. By analyzing key artworks, this paper wishes to think the computer eye as an eye that is never “naïve” (Debray, 1994), but that is on the contrary always inscribed in material, social, political, or economic stakes and contexts, in other words in properly human issues. These issues must be analyzed to make the machine “blind” eye visible.
    • La planche de bande dessinée à l'épreuve du numérique - Gaëlle Kovaliv, Olivier Stucky p. 147-162 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article explore les renouvellements formels issus de la transition numérique de la bande dessinée en s'intéressant à la manière dont la publication numérique permet de repenser la planche, comprise comme une unité centrale de production, de perception et de diffusion du médium dans sa version imprimée. Dans le champ des études sur la bande dessinée, la planche est encore souvent confondue avec la notion de page. Or, les caractéristiques de l'écran invitent à interroger à nouveaux frais la solidarité entre ces deux notions, dont l'applicabilité se conforme difficilement aux manifestations observables dans la publication numérique. Ce travail s'attardera sur des bandes dessinées existant à la fois sous forme imprimée ainsi que dans des versions numériques plurielles : les albums numérisés diffusés sur la plateforme Izneo, le feuilleton Les autres gens de Thomas Cadène et le travail polymorphe de Lisa Mandel dans Une année exemplaire.
      This paper explores the formal renewals resulting from the digital transition of comics by focusing on the way in which digital publication allows us to rethink the notion of comic board, understood as a central unit of production, perception and diffusion of the medium in its printed version. In the field of comics studies, the notion of board is still often confused with the page. However, the characteristics of the screen invite us to question again the solidarity between these two notions, whose applicability hardly conforms to the observable manifestations in digital publication. This work will focus on comics existing both in printed form and in plural digital versions: the digitized albums distributed on the Izneo platform, the serial Les autres gens by Thomas Cadène and the polymorphic work of Lisa Mandel in Une année exemplaire.
    • Expérience esthétique en milieu numérique - Théodora Domenech p. 163-177 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'article interroge l'influence de l'environnement numérique sur notre expérience des œuvres d'art. Il s'agit d'identifier certains traits saillants des modifications structurelles de notre rapport aux œuvres, en mettant en dialogue le paradigme de l'expérience esthétique tel qu'il est défini par Jean-Marie Schaeffer, et le paradigme de l'attention post-numérique pensé par Katherine Hayles et Yves Citton. Cette réflexion, portant sur l'effet de l'environnement numérique sur nos comportements cognitifs, affectifs, sensoriels, ne se limite donc pas à l'étude d'œuvres d'art utilisant un medium numérique.
      This article examines the influence of the digital environment on our experience of works of art. The aim is to identify certain salient features of the structural modifications of our relationship to works of art, by putting into dialogue the paradigm of aesthetic experience as defined by Jean-Marie Schaeffer, and the paradigm of post-digital attention thought up by Katherine Hayles and Yves Citton. This reflection on the effect of the digital environment on our cognitive, affective and sensory behaviour is not limited to the study of artworks using a digital medium.
    • Que veulent les images de l'IA ? : Une exploration de la communication scientifique visuelle de l'intelligence artificielle - Alberto Romele, Marta Severo p. 179-201 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'hypothèse de cet article est qu'il existe une difficulté intrinsèque à représenter visuellement l'intelligence artificielle (IA), en particulier pour un public non expert. Les magazines de vulgarisation scientifique répondent à ce défi de différentes manières. Dans la première partie, nous proposons une analyse sémiotique de la manière dont l'IA est représentée visuellement dans le Journal du CNRS et dans la revue Research*EU publiée par CORDIS, le service d'information sur la recherche et le développement de la Commission européenne. De cette analyse, nous extrayons une typologie des représentations visuelles de l'IA que nous examinons dans la deuxième partie. Nous distinguons notamment trois manières de représenter visuellement l'IA, dont aucune ne semble satisfaire le besoin de représenter la « chose en soi » : (1) selon l'algorithme, (2) selon la technologie dans laquelle l'algorithme est censé être intégré, et (3) selon les imaginaires. Dans la troisième partie, nous présentons un argumentaire épistémologique et éthique par rapport à ces représentations. Contrairement à un biais référentialiste très courant dans la communication scientifique, et qui conduit à préférer (1) à (2) et (2) à (3), nous incitons à la « pensivité » des images. Dans la conclusion, nous soutenons que le problème des images de l'IA n'est pas qu'elles ne font pas référence aux « choses mêmes », mais qu'elles ne favorisent aucune forme de débat et l'anesthésient plutôt.
      This article supposes that a visual representation of artificial intelligence (AI) is intrinsically problematic, in particular for a non-expert public. Popular science journals react to this difficulty in different ways. In the first part, we carry out a semiotic analysis of the way in which AI is represented visually in the Journal du CNRS and the journal Research*EU published by CORDIS, the European Commission's Community Research and Development Information Service. From this analysis we derive a typology of visual representations of AI, which we examine in the second part. We will show that there are three ways of representing AI visually, none of which seem to correspond to the need to represent the "thing in itself": (1) according to algorithms, (2) according to the technology in which the algorithms are to be integrated, and (3) according to how it is imagined. In the third part, we present an epistemological and ethical argument in relation to these representations. Unlike the referentialist bias which is so common in scientific communication, and which privileges (1) over (2) and (2) over (3), we advocate the "pensivity" of images. In the Conclusion, we argue that the problem of images of AI is not that they do not refer to "the things themselves", but rather that far from stimulating debate, they stifle it.
    • Un œil mondial ? : La mondialisation par l'image au prisme du numérique : le cas du projet Visual Contagions - Béatrice Joyeux-Prunel, Nicola Carboni, Adrien Jeanrenaud, Cédric Viaccoz, Céline Belina, Thomas Gauffroy, Marie Barras p. 203-226 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      La mondialisation par l'image n'a jamais été un objet de recherche au-delà des études monographiques, malgré le tournant mondial de l'histoire de l'art. Cependant la disponibilité croissante d'images numérisées, du présent comme du passé, ouvre de nouvelles perspectives pour la recherche, grâce aux méthodes computationnelles qui permettent des études à grande échelle. C'est ce que tente le projet Visual Contagions, tirant parti des méthodologies numériques pour analyser la circulation mondiale des images dans les imprimés illustrés du long xxe siècle à l'échelle mondiale. Cet article présente les premiers résultats du projet et s'interroge sur l'apport et les limites des méthodes computationnelles dans ce travail historien, car un œil numérique nourri d'images ne peut suffire pour produire un point de vue pertinent sur la mondialisation par l'image. Pour articuler au mieux le distant reading (ou distant viewing) et le close reading (ou close viewing), il nous faut réfléchir plus que jamais sur nos sources, sur la manière dont nous les décrivons et les nommons, avant de nous interroger sur ce que l'œil numérique nous permet de voir, et sur ce qu'il nous empêche de voir.
      The globalization of images has never been a full-fledged research topic. Despite its global turn (cultural transfers, postcolonial and decolonial approaches), art history has essentially been content with monographic studies – images in circulation, hybrid motifs, and stylistic crossbreeding. Methods and questions of global art history have remained focused on the specificity of individual case studies, possibly due to the colossal amount of material and inadequate analytical instruments. However, thanks to the increasing availability of digital material and the growing analytical capacities of computational tools, we are finally able to examine the globalization of images in its full extent. The Visual Contagions project takes advantage of these novel digital methods to analyze the global circulation of images in illustrated prints. Nevertheless, the mere use of a digital eye fed with a corpus of international images is not sufficient to provide a distant and complete view of the globalization of images. To overcome the limitations of the machine, it is crucial to introduce art-historical knowledge and to adapt traditional research methodologies to the computational process. In this article, we present our findings, showcasing the limitations rooted in the nature of digital methodology itself, and how they constrain what the digital eye allows us to observe or prevents us from seeing. We reflect upon novel ways of understanding globalization, on the significancy of our sources, and on how the way we classify them can change our perspectives of global circulation.
    • Vision distante et archive photographique - Daniel Foliard p. 227-247 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article s'appuie sur plusieurs projets récents ou en cours de développement qui se situent à l'articulation de l'apprentissage profond, de la visualisation de données et de l'histoire de la photographie. Il vise à interroger les utilisations de l'intelligence artificielle à des fins de recherche et d'exploitation de photographies patrimoniales. Des expérimentations de plus en plus fréquentes ont démontré que ces outils peuvent offrir de nouveaux points d'entrée dans de très grands corpus visuels. Ces approches rencontrent toutefois une forme de résistance chez les spécialistes de l'histoire de la photographie et des études visuelles. Le risque notamment d'un effacement du contexte, favorisé par le traitement des images, est souvent mis en avant. Les biais préexistants dans des jeux de données comme Imagenet ou ceux qui sont introduits par les ré-entraînements des réseaux neuronaux peuvent paraître par ailleurs poser d'insurmontables problèmes éthiques et épistémologiques. À l'instar de la photographie de la seconde moitié du xixe siècle – cet « œil prosthétique » qui épousa dans les Indes l'habitus colonial de l'empire britannique selon Christopher Pinney –, « l'œil numérique » de la vision computationnelle semble ainsi coïncider avec de profondes évolutions culturelles inscrites dans ce début du xxie siècle, qui vont de la fin supposée de la vie privée à l'extractivisme numérique en passant par une automation préjudiciable à l'interprétation fine des documents. À l'inverse, les praticiens des cultural analytics défendent l'idée selon laquelle les très grands corpus de données sont devenus d'incontournables objets, ouvrant des perspectives totalement inédites aux spécialistes du champ des humanités. Cet article vise à nuancer les surestimations positives et négatives de ce que peuvent faire les outils de l'apprentissage profond et de la science des données en matière d'analyse des images. Ni myope, ni presbyte, l'œil numérique offre de nouvelles entrées dans l'écrasante masse documentaire que produit la numérisation accélérée des patrimoines visuels.
      This article is based on upcoming research projects that stand at the intersection of deep learning, data visualization, and the history of photography. It questions the application of artificial intelligence functionalities to historical photographs. Recent advances have demonstrated that computation can open new entry points into the analysis of very large visual corpora. However, many specialists in the history of photography and visual studies still doubt the effectiveness of these digital approaches. Image processing and computation favor an erasure of context that can be extremely problematic from a historical perspective. Pre-existing biases in datasets such as Imagenet or those introduced by the re-training of neural networks can also seem to create insurmountable ethical and epistemological issues. Computer vision reflects and intensifies early 21st-century cultural evolutions that range from the supposed end of privacy to digital extractivism by means of automation, which can be detrimental to context-based interpretations of documents. This article will demonstrate how this coincidence offers similarities with earlier articulations between mechanical vision and sociocultural structures. Christopher Pinney has analyzed how photography's “prosthetic eye” was woven into the fabric of the British colonial habitus in 19th-century India. The article will expand on his suggestion that techniques of vision can work both as a cure and as a poison. On the other hand, the promoters of cultural analytics argue that big cultural data have become legitimate objects of study. In their view, the implied change in scale opens up fruitful new perspectives for specialists in the humanities. This article aims at rebalancing the positive and negative overestimations of what artificial intelligence can do for the history of photography. It argues that computer vision is neither short-sighted nor long-sighted, its “digital eye” can help researchers navigate the ever-expanding ocean of digitized historical photographs.
    • Ce que les machines ont vu et que nous ne savons pas encore - Isabella di Lenardo, Frédéric Kaplan p. 249-267 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article conceptualise l'idée qu'il existe une « matière noire » composée des structurations latentes identifiées par le regard machinique sur de grandes collections photographiques patrimoniales. Les campagnes photographiques de l'histoire de l'art, au xxe siècle, avaient pour ambition implicite de transformer toutes les œuvres d'art en documents plus facilement étudiables. Au fil du temps, la création de ces collections visuelles a permis de produire un corpus d'informations potentiellement plus dense et plus riche que ce que ses créateurs avaient initialement imaginé. En effet, la conversion numérique de ces immenses corpus visuels permet aujourd'hui de réanalyser ces images avec des techniques de vision par ordinateur, l'intelligence artificielle ouvrant ainsi la voie à des perspectives d'études bien différentes de celles envisageables au siècle dernier. Nous pourrions ainsi dire qu'il y a dans ces images un immense potentiel latent de connaissance, un réseau dense de relations qui n'a pas encore été mis en lumière. Qu'est-ce que les machines ont vu ou vont pouvoir voir dans ces collections d'images que l'homme n'a pas encore identifié ? Quelle étendue la connaissance visuelle de l'homme couvre-t-elle par rapport à ce que la machine a pu analyser ? Les nouvelles techniques d'indexation des images et des motifs qui les constituent nous rapprochent d'une révolution copernicienne du visuel dans laquelle l'homme peut, grâce à la machine-prothèse, analyser beaucoup plus d'images qu'il ne pouvait le faire par une simple activité mnémonique et sélectionner des perspectives spécifiques en comparant des ensembles de motifs les uns par rapport aux autres. Cette vision augmentée est fondée sur une pré-analyse conduite par la machine sur l'ensemble de ces corpus visuels, un entraînement qui permet de retrouver la structure sous-jacente du système d'images. La vision humaine est ainsi étendue par le regard artificiel préalable de la machine. Pour comprendre les enjeux de cette nouvelle alliance, il faut étudier la nature de ce regard artificiel, comprendre son potentiel pour découvrir des structures jusqu'à présent inconnues et anticiper les nouvelles formes de connaissances humaines auxquelles il pourra donner naissance. L'enjeu sera donc, pour les prochaines années, de comprendre ce que les machines ont vu et que nous ne savons pas encore.
      This article conceptualizes the idea that there is a “dark matter” composed of the latent structurations identified by the machine gaze on large heritage photographic collections. The photographic campaigns of art history in the 20th century had the implicit ambition of transforming all works of art into more easily studied documents. Over time, the creation of these visual collections has produced a body of information potentially denser and richer than its creators had originally imagined. Indeed, the digital conversion of these immense visual corpora allows us today to reanalyze these images with computer vision techniques, artificial intelligence opening the way to perspectives of study quite different from those envisaged in the last century. We could thus say that there is in these images an immense latent potential of knowledge, a dense network of relations that has not yet been brought to light. What have the machines seen or will they be able to see in these collections of images that man has not yet identified? How much of the human's visual knowledge does it cover compared to what the machine has been able to analyze? The new techniques of indexing images and the patterns that constitute them bring us closer to a Copernican revolution of the visual in which man can, thanks to the machine-prosthesis, analyze many more images than he could do by simple mnemonic activity and select specific perspectives by comparing sets of patterns to each other. This augmented vision is based on a pre-analysis conducted by the machine on the whole of these visual corpora, a training which allows to find the underlying structure of the image system. Human vision is thus extended by the machine's prior artificial look. To understand the stakes of this new alliance, it is necessary to study the nature of this artificial gaze, to understand its potential to discover hitherto unknown structures and to anticipate the new forms of human knowledge to which it could give rise. The stake will be, for the next years, to understand what the machines have seen and that we do not know yet.
  • Lieux et ressources

  • Regards croisés

    • Discours et patrimoine dans la réhabilitation historique du mouvement techno de la ville de Détroit (États-Unis) - Marjolaine Casteigt, Gérard Régimbeau p. 287-308 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Le tournant créatif de Détroit (États-Unis) est accompagné d'un tournant narratif qui intéresse en premier lieu la musique techno et ses pionniers afro-américains générant un discours de réhabilitation et un effort de patrimonialisation du mouvement techno dans son ensemble. Dans les médias et dispositifs médiatiques que sont la radio, les films documentaires et les espaces muséaux, des storytellers, des acteurs et des relais (re)valorisent l'apport noir de Détroit ( Black Detroit) dans un contexte d'industries culturelles qui ne l'ont pas toujours estimé à sa juste place.
      The creative turning point of Detroit (USA) is accompanied by a narrative turning point that first concerns techno music and its African American pioneers which generates a discourse of rehabilitation and an effort to build the legacy (patrimonialize) techno movement as a whole. In the media and media devices such as radio, documentary films and museum spaces, storytellers, actors and relays (re)value the black contribution of Detroit (Black Detroit) in a context of cultural industries that have not always properly considered his contribution.
  • Trames

  • Retours sur…

  • Actualités

  • Grand entretien

  • Hors cadre

    • La télévision française face à la mort de Franco - Théo Sorroche p. 371-389 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Le 23 novembre 1975, la télévision française retransmettait pendant plusieurs heures les funérailles du général Franco. La cérémonie diffusée grâce à l'Eurovision était la conclusion d'un feuilleton médiatique de plus d'un mois durant lequel la télévision française avait consacré près de vingt heures d'antenne à la question franquiste et mobilisé des dizaines d'invités. Nous interrogeons ici les attitudes du petit écran et les différents rôles endossés par ses acteurs face à cet événement, qu'il définit comme historique, à travers trois expressions télévisuelles, celles du débat, de la nécrologie et du direct. Ce questionnement vient éclairer les tabous historiques qui régissent encore la télévision un an après l'éclatement de l'ORTF.
      On November 23, 1975, French television broadcasted General Franco's funeral for several hours. The ceremony broadcasted thanks to Eurovision was the conclusion of a media « serial » lasting more than a month during which French television had dedicated nearly twenty hours of air time to the Franco issue and mobilized dozens of guests. Here we examine the television demeanor facing this event already defined as historical through three television formats : debate, obit and live tv. This issue also sheds light on the historical taboos that still govern French television a year after the ORTF break-up.