Titre | Ce que les machines ont vu et que nous ne savons pas encore | |
---|---|---|
Auteur | Isabella di Lenardo, Frédéric Kaplan | |
Revue | Sociétés & Représentations | |
Numéro | no 55, 2023 L'œil numérique | |
Rubrique / Thématique | L'œil numérique |
|
Page | 249-267 | |
Résumé |
Cet article conceptualise l'idée qu'il existe une « matière noire » composée des structurations latentes identifiées par le regard machinique sur de grandes collections photographiques patrimoniales. Les campagnes photographiques de l'histoire de l'art, au xxe siècle, avaient pour ambition implicite de transformer toutes les œuvres d'art en documents plus facilement étudiables. Au fil du temps, la création de ces collections visuelles a permis de produire un corpus d'informations potentiellement plus dense et plus riche que ce que ses créateurs avaient initialement imaginé. En effet, la conversion numérique de ces immenses corpus visuels permet aujourd'hui de réanalyser ces images avec des techniques de vision par ordinateur, l'intelligence artificielle ouvrant ainsi la voie à des perspectives d'études bien différentes de celles envisageables au siècle dernier. Nous pourrions ainsi dire qu'il y a dans ces images un immense potentiel latent de connaissance, un réseau dense de relations qui n'a pas encore été mis en lumière. Qu'est-ce que les machines ont vu ou vont pouvoir voir dans ces collections d'images que l'homme n'a pas encore identifié ? Quelle étendue la connaissance visuelle de l'homme couvre-t-elle par rapport à ce que la machine a pu analyser ? Les nouvelles techniques d'indexation des images et des motifs qui les constituent nous rapprochent d'une révolution copernicienne du visuel dans laquelle l'homme peut, grâce à la machine-prothèse, analyser beaucoup plus d'images qu'il ne pouvait le faire par une simple activité mnémonique et sélectionner des perspectives spécifiques en comparant des ensembles de motifs les uns par rapport aux autres. Cette vision augmentée est fondée sur une pré-analyse conduite par la machine sur l'ensemble de ces corpus visuels, un entraînement qui permet de retrouver la structure sous-jacente du système d'images. La vision humaine est ainsi étendue par le regard artificiel préalable de la machine. Pour comprendre les enjeux de cette nouvelle alliance, il faut étudier la nature de ce regard artificiel, comprendre son potentiel pour découvrir des structures jusqu'à présent inconnues et anticiper les nouvelles formes de connaissances humaines auxquelles il pourra donner naissance. L'enjeu sera donc, pour les prochaines années, de comprendre ce que les machines ont vu et que nous ne savons pas encore. Source : Éditeur (via Cairn.info) |
|
Résumé anglais |
This article conceptualizes the idea that there is a “dark matter” composed of the latent structurations identified by the machine gaze on large heritage photographic collections. The photographic campaigns of art history in the 20th century had the implicit ambition of transforming all works of art into more easily studied documents. Over time, the creation of these visual collections has produced a body of information potentially denser and richer than its creators had originally imagined. Indeed, the digital conversion of these immense visual corpora allows us today to reanalyze these images with computer vision techniques, artificial intelligence opening the way to perspectives of study quite different from those envisaged in the last century. We could thus say that there is in these images an immense latent potential of knowledge, a dense network of relations that has not yet been brought to light. What have the machines seen or will they be able to see in these collections of images that man has not yet identified? How much of the human's visual knowledge does it cover compared to what the machine has been able to analyze? The new techniques of indexing images and the patterns that constitute them bring us closer to a Copernican revolution of the visual in which man can, thanks to the machine-prosthesis, analyze many more images than he could do by simple mnemonic activity and select specific perspectives by comparing sets of patterns to each other. This augmented vision is based on a pre-analysis conducted by the machine on the whole of these visual corpora, a training which allows to find the underlying structure of the image system. Human vision is thus extended by the machine's prior artificial look. To understand the stakes of this new alliance, it is necessary to study the nature of this artificial gaze, to understand its potential to discover hitherto unknown structures and to anticipate the new forms of human knowledge to which it could give rise. The stake will be, for the next years, to understand what the machines have seen and that we do not know yet. Source : Éditeur (via Cairn.info) |
|
Article en ligne | https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=SR_055_0249 (accès réservé) |