Titre | Être touareg dans le Sud libyen en transition: une citoyenneté encore inachevée | |
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Auteur | Pauline Poupart | |
Revue | L'année du Maghreb | |
Numéro | no 28, 2022 Dossier : Libye(s) en devenir. Déchiffrer le changement sociopolitique en diachronie et à plusieurs échelles | |
Rubrique / Thématique | Dossier : Libye(s) en devenir |
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Page | 59-81 | |
Résumé |
À travers le portait du mouvement civil La Lil Tamyiz (« Non à la discrimination ») formé début 2020 par un groupe de jeunes touaregs originaires des régions de Ghât, d'Oubari et de Sebha dans le sud libyen, cet article se propose d'interroger, dans une perspective socio-historique, l'évolution de la mobilisation pour l'accès à la nationalité libyenne au sein de la communauté touarègue des années 1950 jusqu'au délicat contexte actuel. Ce mouvement comprend notamment un nombre important de jeunes touaregs d'origine saharo-sahélienne, nés et été éduqués en Libye mais qui ne bénéficient pas de l'ensemble des droits accordés aux citoyens libyens. A titre d'exemples, leur capacité de vote demeure limitée, de même que la possibilité pour eux d'accéder à certains établissements universitaires publics. Ils n'ont également pas accès à un passeport. Le mouvement a ainsi pour objectif principal l'accès à une nationalité libyenne « totale » représentée par la naturalisation, l'inscription sur le registre principal de l'état civil et l'obtention d'un livret de famille. Si l'ensemble de ces inégalités les contraint au quotidien dans leurs trajectoires personnelles et professionnelles, elles introduisent également une différenciation latente entre Touaregs « libyens » et Touaregs « sahéliens ». En effet, les premiers font originellement partie du groupe socio-politique des Kel Ajjer établi entre l'Algérie et la Libye. Bien qu'ils soient toujours restés mobiles entre les deux pays, ils ont été enregistrés comme libyens lors de l'indépendance du pays. Ils possèdent, depuis lors, un livret de famille et ont accès à la représentation politique ainsi qu'à l'ensemble des services publics de l'État. Les Touaregs dits « sahéliens » se sont, quant à eux, installés plus tardivement dans le Sud libyen. Ils y ont notamment trouvé refuge dans les années 1970, à la suite de sécheresses répétées au Nord du Mali et du Niger ainsi que des politiques de contrôle, voire de répression, exercées contre eux par les pouvoirs malien et nigérien de l'époque. En plus d'y trouver de meilleures conditions de vie et des opportunités de travail, la Libye de Kadafi fut aussi un moyen pour certaines franges politiques touarègues de venir se former au maniement des armes avant de lancer des épisodes de rébellion dans les années 1990. Un certain nombre d'entre eux sont alors revenus par la suite en Libye avec leurs familles. En dépit des décennies passées sur le territoire et des demandes renouvelées de naturalisation, les seuls papiers en leur possession demeurent les cartes d'identité ainsi que des numéros administratifs changeants. Cette distinction durable au sein de la communauté a actuellement des répercussions sur sa représentation politique et sur sa capacité plus large à être reconnue comme partie intégrante et légitime de l'ensemble national. La première partie de cet article s'intéressera ainsi à ces jeunes militants, à la fois comme héritiers des relations instrumentales entre le régime du Colonel Kadhafi et les Touaregs venus du Niger et du Mali et représentants d'une « nouvelle génération » qui utilise les réseaux sociaux, les manifestations et les adresses publiques aux autorités politiques comme moyens pour faire aboutir des procédures administratives qui ont connu des décennies de fluctuations pendant et après la chute du régime Kadhafi. La seconde partie est consacrée à l'analyse des limites rencontrées par une mobilisation pacifique telle que La lil tamyiz qui a, certes, pu se structurer et se déployer dans le pays comme à l'étranger mais dont la capacité d'action est désormais entravée par les blocages politiques au niveau national, les rivalités au sein de la communauté touarègue et, plus encore, par la multiplication des groupes armés au Sud qui par leur violence confisquent l'espace public et font de celle-ci, dans leur rhétorique, le moyen le plus efficace pour accéder à terme à l'obtention des droits. Cette recherche s'appuie à la fois sur des références bibliographiques concernant les Touaregs en Libye, sur des documents et publications issus du mouvement et sur une sélection d'entretiens menés à l'oral ou à l'écrit en arabe, en français et en anglais, via les réseaux sociaux (WhatsApp, Skype) - avec des militants et militantes résidants dans le Sud libyen ou à l'étranger. Des échanges menés lors de mes terrains de thèse au Sud de l'Algérie et au Nord du Niger sont également utilisés comme compléments du fait des témoignages qu'ils apportent sur l'expérience combattante de certains Touaregs maliens et nigériens au sein de la Légion islamique et sur leur conservation d'attaches familiales en Libye. Source : Éditeur (via OpenEdition Journals) |
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Résumé anglais |
This article draws a portrait of a civil movement named La Lil Tamyiz (“No to discrimination”), formed at the beginning of 2020 by a group of young Tuaregs originating from the regions of Ghat, Ubari and Sebha. It questions, from a socio-historical perspective, the evolution of the mobilisation to access Libyan citizenship undertaken by the Tuareg community since the 1950s. This movement includes an important number of young Tuaregs of Sahelian origins, who were born and raised in Libya but did not benefit from the same rights granted to Libyan citizens. As an illustration, their voting capacity is limited as to their possibility of registering in the public universities of their choice. They also cannot apply for a national passport. The movement's first goal is to gain access to “full” Libyan nationality, meaning naturalisation, inscription on the general population register and obtention of the ‘family booklet'. These inequities are a hurdle in their daily individual and professional lives. They also have negative repercussions by creating a differentiation between “Libyan” Tuaregs and “Sahelian” ones. The first group mentioned is originally part of the Kel Ajjer community that established itself between Algeria and Libya. Despite their historic transnational movements and connections between both countries, they were registered as Libyan citizens when Libya became independent. Since the 1950s, they possess a family booklet that grants them access to political representation and all public services. The “Sahelian” Tuaregs came later to the country, looking for better conditions in the 1970s, as they were hit by repeated droughts and growing political surveillance and repression by the Malian and Nigerien authorities at the time. In addition, in order to improve their living conditions and potential job opportunities, they also found under Ghadafi's regime the possibility to be trained militarily, hoping to use these skills in further rebellions in their home countries during the 1990s. Some of them did return to Libya after and joined the ones who decided to settle with their families. Despite the decades spent in the Libyan South and the renewed demands for naturalisation, the only papers they possess are identity cards and changing administrative numbers. This lasting distinction in the community currently results in a flawed political representation and questions the ability to be recognised more broadly as a whole and legitimate part of the national ensemble. The first part of the argument will present these militants both as heirs of the instrumental relations that connected the Gadhafi regime with the Tuaregs from Niger and Mali and as representatives of a “new generation” who uses social networks, demonstrations and public addresses to national authorities, hoping to advance the ever-changing administrative procedures engaged during Gadhafi's time and after. The second part will analyse the limits to peaceful mobilisations like La Lil Tamyiz. If the movement could structure itself and expand in the country and abroad, it is currently constrained in its capacity for action. The main hardships it faces are the blocked political situation at the national level, internal rivalries among the Tuareg community and, most of all, the multiplication of armed groups who confiscated the public space while framing the use of force as the ultimate tool to access rights. This research is based on a review of the leading publications about Tuaregs in Libya, on documents and publications issued by the movement as to a selection of interviews with militants in the country and abroad via written or oral exchanges using social media (Whatsapp, Skype). Additional interviews from my PhD fieldwork in South Algeria and North Niger are also used as complementary elements regarding the experiences of former Malian and Nigerien Tuareg fighters in the “Islamic legion” who have maintained family ties in Libya. Source : Éditeur (via OpenEdition Journals) |
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Article en ligne | https://journals.openedition.org/anneemaghreb/11244 |