Titre | Migration, race, and gender: the policing of subversive solidarity actors in Morocco | |
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Auteur | Sébastien Bachelet, Maria Hagan | |
Revue | L'année du Maghreb | |
Numéro | no 30, 2023 Dossier : L'ordre et la force | |
Rubrique / Thématique | Dossier : L'ordre et la force |
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Résumé |
Le contrôle policier des personnes migrantes racisées au Maroc et dans les pays du Maghreb, depuis les années 1990, s'avère violent. L'intimidation de celles et ceux qui soutiennent les personnes migrantes et cherchent à dénoncer la violation de leurs droits est devenue un volet important du contrôle aux frontières. Cet article s'intéresse au contrôle et à l'intimidation des acteurs engagés dans une « solidarité subversive » : défenseurs des droits de l'homme et militant.e.s engagé.e.s qui critiquent, publiquement ou de façon discrète, les politiques et pratiques de contrôle migratoire au Maroc. L'État considère ces formes de militantisme menaçantes, car elles rendent visible la brutalité du contrôle des personnes migrantes que l'État cherche à dissimuler. Les militant.e.s deviennent donc des objets de méfiance et de suspicion et subissent quotidiennement des actes d'intimidation et de criminalisation. S'appuyant sur des observations ethnographiques et des entretiens avec des personnes migrantes et des personnes engagées dans une forme de solidarité « subversive », cet article démontre que ces personnes solidaires - tout comme les personnes migrantes - sont différemment ciblées en fonction de leurs caractéristiques intersectionnelles. Les logiques de gouvernance racistes et genrées qui caractérisent la gestion de la migration aux frontières s'infiltrent dans la manière de gouverner ceux qui osent agir ou s'exprimer en faveur des droits des personnes migrantes. Des considérations de race et de genre influencent les comportements policiers, et ces comportements sont renforcés lorsque les personnes visées sont engagées dans des actions politiques ou des actes de solidarité considérés comme subversifs. Cette dynamique est renforcée par la persistance de hiérarchies raciales dans la société marocaine postcoloniale, qui porte à la fois l'héritage de l'esclavage des personnes racisées noires dans le pays et celui de la colonisation européenne. Dans un premier temps, cet article aborde la question de la différence raciale en démontrant les différentes façons dont les personnes solidaires sont contrôlées, selon qu'elles sont noires, marocaines ou blanches-européennes. Alors que les solidaires racisé.e.s noir.e.s sont souvent des personnes migrantes régularisées et installées au Maroc, le fait qu'ils et elles s'engagent dans des pratiques et discours de solidarité « subversive » les démarque comme étant des « hôtes ingrats » et les relègue à une position de vulnérabilité dans laquelle leur statut administratif est compromis. À l'opposé, les Européens blancs au Maroc ont tendance à bénéficier de privilèges et de libertés (notamment au sein de la bureaucratie). Celles et ceux qui s'engagent dans des actes de solidarité « subversifs » peuvent être victimes d'intimidation par l'État ou d'actes punitifs d'exclusion administrative du pays, mais en général (à quelques exceptions près) les conséquences sont moins brutales comparées aux expériences de leurs homologues noirs et marocains. Enfin, les Marocain.es qui s'engagent dans des actes de solidarité subversive sont perçu.es comme des « ennemis internes » de l'État, et sont hyperconscients qu'ils et elles pourraient faire l'objet de punition à tout moment. Dans un second temps, cet article s'intéresse au genre, qui joue également un rôle important dans la façon de contrôler les personnes solidaires et leur champ d'action. L'inégalité des sexes reste profondément enracinée au Maroc, et les normes sociales sont profondément genrées. L'activisme des femmes en particulier est considéré comme un comportement déviant, donnant lieu à un contrôle policier et social accru de leurs actes, tentant de modifier leur comportement. Alors que les hommes ont tendance à faire l'objet de menaces professionnelles pour les dissuader de leur activisme, les femmes font plutôt face à des formes d'intimidation qui ciblent leur famille ou leur vie intime.L'article insiste sur l'importance de prendre en compte les stratégies de contrôle des acteurs et actrices solidaires pour appréhender de façon plus large les stratégies de contrôle des personnes migrantes, et souligne que le maintien de l'ordre raciste et genré des personnes migrantes s'applique aussi au contrôle de ceux et celles qui les soutiennent. Nous concluons par une discussion des effets de ce maintien de l'ordre sur les acteurs, les actrices, et les réseaux solidaires « subversifs », notamment la création d'un sentiment général de peur qui entrave l'action individuelle et collective. La plupart des personnes solidaires interrogées avaient conscience des différences intersectionnelles qui influent sur la façon dont elles sont contrôlées. Nous appelons les personnes solidaires à mobiliser ces différences intersectionnelles et leurs expériences communes pour renforcer leur action sur les questions migratoires et leur capacité à résister à l'intimidation des autorités étatiques. Source : Éditeur (via OpenEdition Journals) |
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Résumé anglais |
The policing of racialised migrant people in Morocco and across the Maghreb has been violent since the 1990s. The intimidation of those who support migrant people and seek to denounce human rights abuses against them has become an important dimension of border control. This article investigates the policing of “subversive solidarity actors”: human rights defenders and activists who publicly or covertly engage in a critical stance on migration control policies and practices in Morocco. These forms of activism are considered a threat by the state because they make visible the brutality of migration governance and control in the country, which the state seeks to conceal. As objects of state mistrust and suspicion, solidarity actors experience everyday acts of intimidation and criminalisation. Drawing on ethnographic material and interviews with migrant people and subversive solidarity actors, this article demonstrates how these solidarity actors - much like migrant people themselves - are differentially targeted according to intersectional differences. Racist and gendered bordering logics characteristic of migration management seep into the differential policing of those who dare act or speak out in support of migrants' rights. Race and gender provoke particular policing behaviours which are reinforced when people engage in politics or acts of solidarity considered subversive. This is reinforced by the persistence of racial hierarchies of domination in post-colonial Morocco, which still bear the legacy of the active enslavement of Black people in the country and the legacy of the country's colonisation by Europeans. First, honing in on racial difference, the article sheds light on the differential policing of Black, Moroccan and white-European solidarity actors. While Black solidarity actors are often migrant people who have regularised their status and settled in Morocco, their decision to engage in subversive solidarity work marks them as “ungrateful guests” and relegates them to a position of vulnerability in which their administrative status is compromised. In contrast, white Europeans in Morocco tend to benefit from privileges and freedoms, including within the bureaucratic realm. Those engaging in subversive acts of solidarity may experience state intimidation or punitive acts of administrative exclusion from the country, however these usually (with some stark exceptions) amount to better treatment relative to the experiences of their Black and Moroccan counterparts. Finally, Moroccans engaging in subversive solidarity action are framed as “internal enemies” to the state and are hyper-aware that punitive action might be set in motion against them at any moment. Second, this article focuses on gender, which also plays an important role in determining the ways in which solidarity actors are policed and their scope of action. Gender inequalities remain deeply entrenched in Morocco and social norms profoundly gendered. Particularly for women, activism is considered deviant, giving rise to greater police and social scrutiny of their acts and attempts to govern their behaviour. While men tend to face professional threats as insidious punishment for their activism, attacks on women more often target their family or intimate life. This article emphasises the importance of taking the policing of solidarity actors into account to understand the policing of migration more broadly, stressing how the racist and gendered policing of migrant people bleeds into the disciplining of those who support them. We conclude with a discussion of how this policing impacts subversive solidarity actors and networks, by instilling fear and hindering (coordinated) action. While some interviewees demonstrated an awareness of both intersectional differences and overlapping experiences, we call for solidarity actors to mobilise these differences and experiences to strengthen their action on migration issues and their ability to withstand intimidation from state authorities. Source : Éditeur (via OpenEdition Journals) |
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Article en ligne | https://journals.openedition.org/anneemaghreb/12574 |