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Titre Les affaires publiques d'une entreprise privée : Airbnb et l'orchestration d'un militantisme mercantile
Auteur Julie Gervais
Mir@bel Revue Actes de la recherche en sciences sociales
Numéro no 251, avril 2024 Affaires publiques, intérêts privés
Page 16-33
Résumé Certaines entreprises privées ont recours à un type de lobbying discret et encore peu connu, fondé sur la mobilisation de client∙es, éperonné∙es et outillé∙es pour peser sur les décisions publiques qui les concernent. Cette pratique du monde des affaires, qui associe le public à sa contestation du pouvoir régulateur étatique et local, participe à une entreprise de conquête et de domination du politique. À partir d'une enquête sur Airbnb (à San Francisco, Barcelone, Londres et Paris), l'article rend d'abord compte des modalités de cet « embrigadement consentant » (techniques de recrutement, profilage, formation, tactiques de mobilisation, instrumentalisation des relations sociales, activités récréatives, aide logistique, etc.) et montre comment ce « militantisme mercantile » s'articule à la politisation de l'activité de la multinationale − la location temporaire de meublés touristiques. Puis, il développe six arguments à l'appui de la thèse, défendue par l'autrice, de la politisation d'Airbnb comme forme d'opposition au « droit étatique à dire le droit » : la quête locale d'une légitimité sociopolitique et d'un « capital populaire » ; la revendication d'agir pour le bien commun ; la prétention à concurrencer l'État (social) ; la défense de valeurs progressistes ; l'ennoblissement de l'activité de ses client∙es ; et le cadrage des mobilisations sur le mode de la résistance et de la défense de droits fondamentaux. Le « militantisme mercantile » illustre ainsi une porosité entre des registres et des pratiques qui relèvent tout à la fois de l'intérêt général, du militantisme et du marché. Mise au service de la contestation du droit des États à réguler les activités du monde des affaires, cette porosité compromet l'autonomie des mondes sociaux et appauvrit la démocratie.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais Some private companies use a discreet and still little-known type of lobbying, based on the mobilization of customers, spurred on and equipped to influence the public decisions that affect them. This business practice, which associates the public with its contestation of state and local regulatory power, is part of an enterprise to conquer and dominate politics. Based on a study of Airbnb (in San Francisco, Barcelona, London and Paris), the article first looks at the ways in which this “consensual recruitment” takes place (recruitment techniques, profiling, training, mobilization tactics, instrumentalization of social relations, recreational activities, logistical assistance, etc.) and shows how this “corporate activism” is linked to the politicization of the multinational's business –the temporary rental of furnished tourist accommodation. It then develops six arguments in support of the autor's thesis of Airbnb's politicization as a form of opposition to the “right of the state to say what the law is”: the local quest for socio-political legitimacy and “democratic capital”; the claim to act for the common good; the claim to compete with the (social) state; the defence of progressive values; the ennoblement of its clients' activities; and the framing of mobilizations in terms of resistance and defending fundamental rights. “Corporate activism” thus illustrates the porosity between registers and practices that are part general interest, part activism and part market. Used to challenge the right of governments to regulate the activities of the business world, this porosity compromises the autonomy of social worlds and impoverishes democracy.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=ARSS_251_0016 (accès réservé)