Titre | The financial character of policing in Tunisia: collusions, extraversion and the criminalization of informality | |
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Auteur | Daniela Musina | |
Revue | L'année du Maghreb | |
Numéro | no 31, 2024 | |
Rubrique / Thématique | Varia & recherches en cours |
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Résumé |
Cet article cherche à éclairer le développement de l'assemblage sécuritaire financier en Tunisie, en adoptant une perspective de sociologie politique internationale. Cette approche examine le développement des pratiques de sécurité et de maintien de l'ordre sous un angle transnational et postcolonial. Le policing financier dans le Sud global se manifeste aujourd'hui à travers la combinaison des programmes de lutte contre le blanchiment d'argent (AML) et le financement du terrorisme (CFT). Ces programmes sont systématiquement et racialement couplés pour cibler les contextes asiatiques ou africains, excluant ainsi largement les fonds et profits des acteurs et contextes à forte concentration de capital, souvent blanchis pour l'évasion fiscale. Pour soutenir son argument, l'article s'appuie sur des théories sociologiques qui déconstruisent et dépassent le nationalisme méthodologique et l'exceptionnalisme dans l'analyse du pouvoir coercitif en Tunisie et dans la région. Il contribue à ces perspectives en utilisant les concepts d'enchevêtrement, d'assemblage et de collusion pour comprendre les pratiques et les effets des programmes de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Ces concepts éclairent le caractère co-constitutif (enchevêtré) de ces pratiques, leurs configurations extraverties et complexes, ainsi que les relations de légitimation (collusions) qui permettent, à des moments critiques, des manipulations discursives et matérielles pour recentraliser le pouvoir, repositionnant les acteurs de la sécurité autour du pouvoir présidentiel central. Cela a été particulièrement évident lors du tournant de 2021.L'article donne une importance empirique à cet argument théorique en retraçant les développements de l'intelligence financière et préemptive. Il explore les pratiques transnationales des ‘listes noires' (qui ont touché la Tunisie en 2018) et les mesures de suivi et de profilage traçage et de gel des fonds qui en résultent. Ce processus engendre trois effets visibles dans le contexte tunisien. Premièrement, il entraîne une expansion juridique de la police financière, y compris dans ses résultats répressifs, et crée une exception à comprendre dans son caractère performatif, expérimental et relationnel, et non comme ontologiquement absolue. Deuxièmement, de nouvelles institutions sont intégrées dans des réseaux transnationaux, et elles canalisent des stratégies extraverties vis-à-vis des bailleurs et partenaires extérieurs. La Commission Nationale de Lutte Contre le Terrorisme (CNLCT) et la Commission Tunisienne d'Analyse Financière (CTFA) en sont des exemples. En même temps, ces institutions sont soumises aux manipulations du pouvoir central et coercitif. Les expériences avec les nouvelles technologies, comme la blockchain, entrent également en jeu ici – conformément à une tendance plus large visible dans tout le continent africain – non seulement comme pratiques d'extraversion visant à dé-sanctionner la Tunisie et à rassurer financièrement les investisseurs étrangers et les institutions économiques internationales, mais aussi car elles font prevue du caractère expérimental et infrastructurel de la sécurité contemporaine. Enfin, le troisième effet est la disqualification et la criminalisation de l'économie informelle, observée à travers la manière dont les canaux hawala et les réseaux d'échange pour la circulation de l'argent, des biens et des personnes sont de plus en plus ciblées et utilisés pour légitimer ces tentatives de contrôle. Bien que leur efficacité soit relative, les mesures financières coercitives ont des conséquences violentes pour les économies vulnérables à la frontière tunisienne et au-delà. Ce processus est accéléré par l'amalgame arbitraire entre les circuits informels de circulation de l'argent, la mobilité et le transit des migrants, et la confusion entre passeurs de fonds et trafiquants. Source : Éditeur (via OpenEdition Journals) |
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Résumé anglais |
This article attempts to shed light on the development of a financial/security assemblages in Tunisia, from an international political sociology perspective that looks at the development of practices of security and policing from a transnational and postcolonial vantage point. Financial policing in the Global South nowadays takes largely shape through the combination of anti-money laundering (AML) and counter financing of terrorism (CFT) agendas, which are systematically and racially coupled to target Asian or African contexts and, as such, largely exclude money and profits benefitting high capital concentration contexts and actors that is usually laundered for tax evasion. To advance the argument, the article first aligns with theoretical sociological accounts that deconstruct and overcome methodological nationalism and exceptionalism of analyses of coercive power in Tunisia and the region. It contributes to these perspectives by mobilizing together concepts of entanglement, assembled and collusion for understanding the practices and effects of the AML/CFT agenda. These concepts serve to illuminate the co-constitutive (entangled) character of these practices, while bearing their negotiated dependent extraverted configurations, but also their complex and networked (assembled) character. Finally, they serve to identify relations of legitimation (collusions) that follow horizontal lines while enabling, in particular critical junctures, discursive and material manipulations used to recentralize power vertically, ultimately repositioning the ‘security custodians' around central presidential power: an effect rendered particularly sharp by the self-coup of 2021 and its unfolding consequences. The article then attempts to give empirical salience to the theoretical argument by tracing the processual developments of financial and pre-emptive intelligence from transnational forms of blacklisting (which affected Tunisia in 2018) to profiling, tracking, fund freezing practices that unfold contextually. This process generates three visible effects in the Tunisian context. Firstly, it generates a legal expansion of the financial policing assemblage, including in its repressive outcomes, and the making of exception that has to be understood in its performative, experimental and relational character, and not as ontologically absolute. Secondly, the related creation of new institutions that, although having little power on their own and being substantially controlled by the presidential power and that of the Ministry of Interior, are embedded in transnational networks and serve to channel extraverted strategies vis à vis donors and external partners. The Commission National de Lutte Contre le Terrorisme (CNLCT) and especially the Commission Tunisienne d'Analyse Financière (CTFA), this latter receiving the bulk of attention here, with all their different functional and political significances, are a case in point. Experiments with new technologies, such as blockchain, come into play here (and in line with a broader trend visible in the whole African continent) not only as extraversion practices to reassure investors in European countries and international economic institutions, and consequently exit sanctioning lists, but as they strengthen the contemporary experimental and infrastructural character of 'security' which maintains and reproduces its regimes. Finally, the third effect considered is the disqualification and criminalisation of the informal economy, considered here through the observation of how hawala channels and exchange networks for money, good and people circulation acquire centrality to legitimize these attempts at control, whose effectiveness must be relativized, but which nevertheless have violent and disqualifying consequences for vulnerable economies at the Tunisian border and beyond. This process is accelerated by the progressive conflation of informal money circulation channels with mobility and migrant transit, and of money couriers (passeurs de fonds) with smugglers. Source : Éditeur (via OpenEdition Journals) |
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Article en ligne | https://journals.openedition.org/anneemaghreb/13122 |