Titre | Les élections contre l'État ? Clientélisme et « logique du centrifuge » dans le Delta Amacuro (Venezuela) | |
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Auteur | Olivier Allard | |
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Revue | Cahiers d'anthropologie sociale |
Numéro | no 22, 2025 Pierre Clastres, en héritage | |
Page | 105-124 | |
Résumé |
Au début du xxie siècle, les peuples autochtones du Venezuela ont connu un brutal changement de leur condition politique : dans le contexte de la nouvelle « République bolivarienne » fondée par Hugo Chávez, la majorité d'entre eux se sont mis à voter et à recevoir de multiples aides publiques. Peut-on encore dire, à la suite de Pierre Clastres, qu'ils étaient « contre l'État », alors que les institutions étatiques devenaient omniprésentes et qu'ils en étaient même demandeurs ? En m'appuyant sur une clarification théorique des thèses de Clastres ainsi que sur des enquêtes ethnographiques menées auprès des Warao de l'État Delta Amacuro, je défends l'idée que la compétition électorale et le clientélisme ont paradoxalement œuvré contre l'État en favorisant une « logique du centrifuge » et de la fragmentation comparable à celle que Clastres avait mise au jour dans son analyse de la guerre. Une telle dynamique n'a toutefois pas seulement empêché la stabilisation d'un pouvoir séparé de la société, mais aussi la constitution de la société comme totalité distincte de ses membres : Clastres, qui conçoit avant tout l'État comme une séparation entre gouvernants et gouvernés, a été moins sensible à cette seconde dimension, qui renvoie en fait à l'État comme communauté politique (au nom de laquelle le pouvoir peut être exercé). Le recours à d'autres approches anthropologiques de l'État, et notamment celles qui le conçoivent comme une réalité double, permet ainsi de prolonger certaines analyses clastriennes pour comprendre les transformations contemporaines de la vie politique en Amazonie. Source : Éditeur (via Cairn.info) |
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Résumé anglais |
At the beginning of the xxist century, the indigenous peoples of Venezuela underwent a brutal change in their political status : in the context of the new “Bolivarian Republic” founded by Hugo Chávez, the majority of them began to vote and to receive a great deal of public aid. Can we still say, following Pierre Clastres, that they were “against the State”, when State institutions were becoming omnipresent and indigenous peoples were even asking for them ? Based on a theoretical clarification of Clastres's theses and on ethnographic surveys conducted among the Warao of the Delta Amacuro state, I argue that electoral competition and clientelism paradoxically worked against the state by encouraging a “centrifugal logic” and fragmentation comparable to that which Clastres revealed in his analysis of war. However, such a dynamic not only prevented the stabilisation of a power separate from society, but also the constitution of society as a totality distinct from its members : Clastres, who primarily conceives of the State as a separation between those who govern and those who are governed, was less sensitive to this second dimension, which in fact refers to the State as a political community (in whose name power can be exercised). By drawing on other anthropological approaches to the state, particularly those that conceive it as a dual reality, we can extend certain Clastrian analyses to understand contemporary transformations in political life in Amazonia. Source : Éditeur (via Cairn.info) |
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Article en ligne | https://shs.cairn.info/revue-cahiers-d-anthropologie-sociale-2025-1-page-105?lang=fr (accès réservé) |