Quand les technologies nomades influencent simultanément le bien-être et le stress au travail - Pierre Loup, Jonathan Maurice, Florence Rodhain p. 9-49
L'objectif de cet article est d'étudier l'influence des technologies nomades (TN) sur le bien-être et le stress des individus au travail. Deux questions de recherche sont envisagées : (1) dans quelle mesure les individus perçoivent-ils ces technologies comme des exigences et/ou des ressources supplémentaires dans l'exercice de leur travail ? (2) Comment la combinaison des exigences et ressources liées aux TN influence-t-elle le bien-être, le stress et la performance au travail ? Pour répondre à ces questions, une étude qualitative a été menée au sein du groupe La Poste ayant introduit des TN pour ses directions commerciales. Les résultats montrent que ces dernières sont d'abord perçues comme des ressources par les individus, et entraînent une amélioration de leur bien-être au travail. Dans le même temps et indépendamment, elles engendrent une surcharge de travail et une invasion de la technologie dans la sphère personnelle, influençant le niveau de stress auquel peut être confronté l'individu. Sur le plan théorique, l'article met alors en exergue la déconnexion entre bien-être au travail et stress technologique, les deux pouvant émerger indépendamment lors de l'introduction de TN, à travers des comportements d'addiction. Nous développons grâce aux résultats un modèle job demands-resources (JD-R) adapté à ce contexte et construisons un ensemble de propositions de recherche émergeant de notre cas.
The aim of this article is to analyze the role of mobile technologies (MT) on employees' well-being and technostress. Two research questions are considered: (1) To what extent do employees perceive these technologies as additional job demands and/or resources in their daily work? (2) How does the combination of demands and resources given by MT influence well-being, stress and performance at work? To answer these questions, a qualitative study was conducted within La Poste group that introduced MT for its commercial departments. The results show that this kind of devices is perceived as resources by individuals and improve their well-being at work. At the same time, and independently, they generate techno-overload and techno-invasion in private life, increasing the level of stress to which the individual may be exposed. From a theoretical perspective, this study documents the disconnection between well-being at work and technostress. Both concepts can be fostered independently and simultaneously by the introduction of MT, namely through addictive behaviors. Based on our results, we develop a job demands-resources model (JD-R) adapted to such an introduction and formulate a set of research propositions.
Gestion des usages des technologies numériques dans les organisations : une approche qualitative par le contrôle organisationnel et les chartes informatiques - Étienne Thenoz p. 51-86
L'ouverture et la connectivité des technologies numériques basées sur Internet offrent un potentiel informatique inédit, mais conduisent néanmoins à une diversification et à un accroissement importants des risques et tensions liés à leur usage. Pour les organisations, ces risques soulèvent le problème de l'ajustement de leurs politiques de gestion des usages à ces technologies numériques, et notamment à l'usage de l'Internet relationnel, du cloud computing et des outils de mobilité. À partir d'une analyse qualitative d'entretiens avec des Directeurs des Systèmes d'Information, de chartes informatiques, de décisions de justice et des délibérations de la CNIL, nous examinons pourquoi les contrôles par les comportements, par les résultats, ou par socialisation sont plus ou moins adaptés à la gestion des usages de ces technologies numériques basées sur Internet et à leurs particularités. En particulier, nous analysons leur capacité à concilier contrôle et autonomie, stabilité et flexibilité, pratiques organisationnelles et culture numérique émergente. Nos résultats suggèrent une meilleure adéquation des contrôles par socialisation à la gestion des usages de ces technologies et soulignent les effets potentiellement délétères des contrôles comportementaux. Ils nous conduisent à proposer d'exploiter en premier lieu des contrôles par socialisation décentralisés et d'impliquer fortement les utilisateurs dans le développement de leurs compétences numériques et dans la conception de leurs usages.
The openness and connectivity of Internet-based digital technologies provide an unprecedented computational power. Nevertheless, a greater amount and variety of risks and tensions stem from their use, hence calling for adjustments in organizations' digital technologies use policies, in particular to manage the use of social web, cloud computing and mobile computing. Through a qualitative analysis of interviews with CIOs, ICT codes of ethics, court decisions and the French Data Protection Authority's deliberations, we examine how results, behavior, or socialization-based control modes are more or less suited to managing Internet-based digital technologies uses and their particularities. In particular, we analyze the capacity of these control modes to reconcile control and autonomy, stability and flexibility, organizational practices and an emerging digital culture. Our results suggest that social controls are more appropriate for managing Internet-based digital technologies uses and highlight the potential counterproductive effects of behavioral controls. For practitioners, we therefore propose prioritizing the use of decentralized social controls as well as a strong involvement of users in the development of their digital skills and in the design of their practices.