Contenu du sommaire : Diasporas

Cet article analyse le rôle des élites kurdes d'Istanbul du début du XXe siècle dans le processus de la formation de l'identité nationale kurde. Ce processus résulte de la crise que traverse l'Empire ottoman et il connaît un développement inégal. Des élites kurdes apportent des réponses visant initialement le renforcement de l'identité ottomane en crise. Les premières publications et associations visant le relèvement des Kurdes par l'éducation voient le jour à Istanbul. Les recherches sur la langue, l'histoire, le pays kurde correspondant à la phase initiale d'un mouvement national aboutissent à la fin de la Première Guerre avec la revendication d'un État kurde indépendant. Cependant, loin du Kurdistan, ces élites ne parviennent pas à rallier les masses populaires à leur projet lors de la dissolution de l'État ottoman.

Cet article traite de l'influence et des limites des diasporas dans les relations internationales, en mettant l'accent sur le cas arménien. La diaspora arménienne, une des diasporas « classiques », est largement une conséquence du génocide de 1915. Depuis les années 1960, elle a été largement mobilisée pour une reconnaissance internationale contre le négationnisme turc. Avec l'émergence d'une Arménie indépendante en 1991, la diaspora est devenue un acteur des relations internationales en développant son influence politique en Arménie et en exerçant son action de lobbying dans les grandes capitales comme Washington. Cependant, comme le récent rapprochement arméno-turc l'a montré, le poids de la diaspora est efficace quand il marche la main dans la main avec l'orientation politique d'Erevan, mais pas contre elle.

À travers l'étude de quelques exemples, cet article démontre la fidélité persistante d'Israël à l'objectif d'immigration de masse proclamé durant les dernières années du mandat britannique. Il défend que, dans les cas où intérêts nationaux et intérêts de la diaspora sont entrés en conflit, Tel-Aviv a eu recours à l'action clandestine ou à la diplomatie parallèle pour ne pas avoir à sacrifier l'objectif sioniste de « rassemblement des exilés ». Pour déjouer l'opposition de certains pays au départ de leurs Juifs, Israël n'a donc pas craint de renouer avec des pratiques héritées de la période mandataire. Son usage de l'action clandestine et de la diplomatie parallèle contribue à accréditer, au moins dans le domaine de l'immigration, la thèse de l'exceptionnalisme israélien en matière de politique étrangère.

Jugeant les méthodes communautaires traditionnelles désormais inefficaces pour assurer la libération de la Pologne et protéger les immigrés polonais et leurs enfants de l'assimilation, le Comité électoral s'est efforcé de promouvoir la citoyenneté française comme moyen alternatif de défendre les intérêts de la nation polonaise, incluant tant ses membres dispersés que ceux restés en Pologne. Fondé sur les archives laissées par Jerzy Jankowski, leader du Comité durant vingt-trois ans, cet article ne cherche pas à évaluer le succès d'une telle entreprise, mais s'efforce plutôt d'analyser l'intégration et la politique d'exil comme des processus indissociables, conduisant à la transformation d'une communauté immigrée en diaspora. Ce faisant, il questionne les différentes acceptions du mot « Polonia ».

Les diasporas serbe, croate, kosovare et bosniaque ont-elles influencé la politique américaine dans les Balkans ? Interrogation légitime si l'on considère leur activisme à la fin de la Guerre froide et l'évolution de la politique étrangère américaine en ex-Yougoslavie de 1989 à 1995. Le Congrès américain occupe une place centrale dans cette analyse, comme cible principale du lobbying des diasporas, et comme origine de la pression sur l'exécutif par son vote historique de juillet 1995 pour la levée de l'embargo en Bosnie. On verra que la coalition des groupes de pression pro-bosniaques issus de la société américaine a pesé de toute son influence sur les parlementaires. Or cette coalition n'aurait pas été possible sans la mobilisation dès 1989 des diasporas « yougoslaves » aux États-Unis.

Non seulement la Chine représente une des plus anciennes diasporas dans le monde et la plus nombreuse, mais il faut encore tenir compte des Chinois de Taiwan séparés de Pékin depuis 1949, de ceux de Hong Kong et de Macao qui, bien que redevenus ressortissants de la République populaire de Chine, jouissent d'un statut différent de celui qui prévaut sur la terre ferme. Après avoir retracé les principales étapes des mouvements migratoires, l'auteur insiste sur la période contemporaine, sur le grand rôle des Chinois de Hong Kong, de Taiwan, de l'Asie du Sud?Est dans le développement de la Chine depuis les années 1980. Il importe enfin de mettre en relief la forte pénétration des Chinois en Afrique depuis l'an 2000.

Le présent article porte sur les succès, doutes et perspectives d'avenir de la diaspora tibétaine en Inde. Il a en particulier pour objectif de discuter l'hypothèse, défendue par le gouvernement tibétain en exil, selon laquelle les camps de réfugiés tibétains en Inde, véritables microcosmes du Tibet, auraient aidé les réfugiés à recréer un sentiment d'appartenance proprement tibétain. Le système des camps de réfugiés a-t-il véritablement permis à la communauté tibétaine de l'exil de développer un « vouloir vivre ensemble » ? Et, surtout, est-il encore adapté aujourd'hui ? Les questions abordées portent sur les rapports que les réfugiés tibétains entretiennent depuis cinquante ans avec la société indienne, rapports qui oscillent entre volonté d'isolement et besoin d'intégration.