Contenu du sommaire
Revue | La Revue de l'IRES |
---|---|
Numéro | no 64, 2010/1 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Salaires et crise - Pierre Héritier, Joël Maurice p. 5 Il faut placer la question des salaires au cœur de la lutte contre la crise – parce que la crise trouve son origine dans un affaiblissement de la part des salaires dans la valeur ajoutée. Une analyse du rapport Cotis souligne cet affaiblissement en France, depuis 1983. Mais plusieurs rapports internationaux (OIT, OCDE) attestent la généralisation de cet affaiblissement, depuis une dizaine d'années voire davantage, en Europe et dans le monde. Ce mouvement se double partout d'un élargissement des inégalités. Il en résulte un déséquilibre insoutenable entre la demande et l'épargne financière. Ce mouvement est le produit de l'idéologie libérale dominatrice, qui a conféré un excès de pouvoir aux actionnaires et contraint les organisations syndicales à la défensive. Ce diagnostic appelle une remontée de la part des salaires dans la valeur ajoutée, non dans un seul pays, mais par un mouvement coordonné, en Europe et dans le monde.Salaries and Crisis
The issue of salaries must be central in order to tackle the economic and financial crisis – because the crisis originated in the decline of the wage share. An analysis of the Rapport Cotis, submitted by the general director of the National Institute of Statistics and Economics Studies in 2009, points to that very decline in France since 1983. However, several international reports (ILO, OECD) prove that the decline has been global for ten years at least, within Europe and worldwide. This movement has also enlarged inequalities around the world, which has resulted in an unsustainable demand-investment unbalance. This movement derives from the dominant liberal ideology, which has empowered shareholders too much while it has forced unions to adopt a defensive position. This diagnosis calls for a heightened wage share, coordinated in Europe and worldwide. - Le partage de la valeur ajoutée en Europe - Michel Husson p. 47 Cet article est consacré à la baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée. La première partie documente cette tendance repérée par divers organismes internationaux comme le FMI ou l'OCDE et qui concerne la plupart des pays développés depuis le début des années 1980. Elle montre qu'elle s'accompagne d'un double écart : entre profit et investissement, d'une part, et entre salaires et dividendes, d'autre part. Autrement dit, la baisse de la part des salaires n'a pas été consacrée par les entreprises à un surcroît d'investissement mais à une distribution accrue de dividendes à leurs actionnaires. La deuxième partie passe en revue les études qui cherchent à expliquer ce phénomène à partir de changements dans les conditions de production ; elle montre que cette ligne d'analyse manque de cohérence théorique et qu'elle ne conduit pas à une lecture globale de l'ensemble des faits stylisés. Ni la substitution du capital au travail, ni les chocs exogènes (prix du pétrole ou taux d'intérêt réel) ne fournissent une explication satisfaisante des évolutions à l'œuvre depuis plusieurs décennies. Enfin, la troisième partie propose un schéma d'interprétation et une esquisse de modélisation qui visent à rendre compte de cette cohérence d'ensemble. La conclusion résume les principaux enseignements de cette étude et souligne les liens entre les faits stylisés repérés et la trajectoire de la crise.Wage Share in Europe
This article deals with the diminution of the wage share. It first gives an overview of the literature revolving around this phenomenon, as observed by various international organisations like the IMF or the OECD, which has arisen in the 1980s in most of the developed countries. It calls attention to a double tendency: the growing divisions between profit and investment on the one hand, and between salaries and dividends on the other. In other terms, the diminution of the wage share has not been allocated to investment by firms but rather to increase the dividends distributed to shareholders. This article will then analyse the studies which attempt to explain this phenomenon by the changes affecting the conditions of production. It will show that this reasoning lacks theoretical coherence and does not give an overview of stylized facts. Neither substitution between labour and capital nor exogenous shocks (petrol prices or real interest rate) satisfactorily explanation the evolutions that have been happening for the last decades. This article will then offer an interpretation scheme and a modelling outline which will aim to show the coherence of this all. It will last sum up our main conclusions and stress the relations found between stylized facts spotted in the data and the financial crisis course. - Les administrateurs syndicaux dans la gestion paritaire de l'assurance maladie : une comparaison franco-allemande - Udo Rehfeldt, Catherine Vincent p. 93 Les fondements des systèmes d'assurance maladie français et allemands sont proches : financement basé sur les cotisations et gouvernance paritaire. Des deux côtés du Rhin également, les pouvoirs politiques et législatifs déterminent les contours institutionnels et l'économie du système. Cependant, les gouvernements ont le plus souvent cherché à s'assurer le soutien des interlocuteurs sociaux, et plus particulièrement des syndicats, avant de décider des réformes de l'Etat providence. Les années quatre-vingt-dix marquent un tournant dans cette tradition de concertation et ouvrent une période de remises en cause plus profondes des modes de décision et d'organisation. Après avoir présenté les évolutions historiques dans les deux pays, l'objet de cet article est de regarder à l'intérieur des caisses de sécurité sociale pour y analyser le rôle des administrateurs et conseillers mandatés par leur organisation syndicale pour siéger dans les instances de l'assurance maladie. Il est basé sur une comparaison entre une enquête quantitative menée à l'IRES auprès de l'ensemble des représentants syndicaux dans les caisses locales de sécurité sociale et une étude allemande similaire dont le champ se limite aux caisses d'assurance maladie. Malgré des différences institutionnelles évidentes et des systèmes de relations professionnelles présentés communément comme opposés, l'article montre une certaine proximité dans les parcours syndicaux des représentants, dans leur mode de désignation. Il met aussi en évidence des enjeux syndicaux communs aux deux pays concernant la place de la gestion de la protection sociale dans la stratégie des organisations syndicales.Trade Unions as Actors in the Social Insurance System: a Comparative Analysis of French and German Health Funds. The bases of health insurance systems in France and Germany are similar: both are financed by employers' and employees' contributions and have equal numbers of union and employer representatives. On both sides of the Rhine also, the State and the legislators shape the economic and institutional rules of the welfare system. However, governments have rather sought cooperation with the interest groups, and more particularly with trade unions, before making decisions on welfare reforms. The nineties were a turning point in welfare policies, based on consultations and negotiations: the reforms called into question the legitimacy of that system of management and decision-making. We will first outline the historical evolutions of health insurance systems in both countries, before we will attempt to give new insights into the role of trade unions' administrators and representatives in the day-to-day management of the social security institutions. Our research was based on a quantitative survey aimed at all union board members of the French local health funds and a similar German study, limited to health insurance funds. In spite of obvious institutional differences and supposedly divergent employment relationships, the comparison highlights similar developments in the roles and the process of designation of representatives. It also points to common trade unions issues, as trade unions' strategies regarding the management of social protection.
- L'aide à domicile face aux services à la personne et registres d'action contradictoires : des politiques aux organisations - Florence Jany-Catrice, Emmanuelle Puissant p. 121 Cet article vise à mettre en exergue quelques-unes des tensions suscitées par le regroupement d'activités de nature différente dans les services à la personne. Nous montrons que la mise en œuvre intentionnelle, dans ce champ, de politiques publiques différentes, aux objectifs parfois contradictoires, engendre des tensions macro socio-économiques, qui se manifestent concrètement au niveau des organisations de services à domicile. Dans les associations d'aide à domicile en particulier, certaines des tensions sont surtout portées par les salariés en charge de la coordination et de l'encadrement intermédiaire.Emergence of Contradictions within Home and Personal Care Activities: from Politics to Organisations
This article aims at showing some of the tensions that emerge from the grouping of varied activities within “personal care services”. We will demonstrate that the will to implement public policies – which contain potentially contradictory objectives – within that sector, creates macro socio-economic tensions within home care organisations. In home care associations in particular, some of these tensions affect mainly the workers in charge of their management and coordination. - Immigration choisie, immigration subie : du discours à la réalité - Mouna Viprey p. 149 Aujourd'hui et pour la première fois depuis la suspension de l'immigration du travail en 1974, le discours public en matière d'immigration repose non plus sur l'idée de cessation des flux d'immigration économique et de canalisation des autres flux mais sur la substitution d'une immigration dite « subie », c'est-à-dire reposant sur l'exercice d'un droit fondamental à une immigration « choisie » strictement économique et dirigée vers les secteurs déficitaires en main-d'œuvre. Les statistiques disponibles nous permettent de dépasser la construction politique qui voudrait que l'immigration économique serait choisie et utile à la France, et l'immigration familiale, un fardeau. Dans la réalité, il ne s'agit nullement de rejeter l'immigration dans son principe mais plutôt de conjuguer une fermeté politique et des exigences économiques.« Chosen » Immigration, « Suffered » Immigration: Discourse and Reality
At present, and for the first time since labour immigration was suspended in 1974, the public discourse on immigration has ceased to revolve around the suspension of economic immigration inflows and the restriction of other kinds of inflows. It rather strives to impose a strictly economic immigration choisie (“chosen” immigration), aimed at sectors with important labour shortages at the expanse of an immigration subie (“suffered” immigration), which is based on the fundamental right to family reunion. The statistics available enable us to get beyond the political discourse implying that economic immigration is useful to and controlled by the nation, while family immigration is a burden. In reality, it is not a matter of rejecting the principle of immigration, but rather to combine political firmness with economic requirements.