Contenu du sommaire : Le Liban sur le fil du rasoir
Revue | Maghreb-Machrek |
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Numéro | no 205, automne 2010 |
Titre du numéro | Le Liban sur le fil du rasoir |
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Dossier : Le Liban sur le fil du rasoir
- Vers une polarisation durable de la vie politique libanaise ? - Pierre Berthelot p. 9 Les élections législatives libanaises de juin 2009 semblent avoir établi une polarisation entre une majorité « pro-occidentale » et une opposition réputée proche de l'axe syro-iranien. Il faut cependant rester prudent face à cette évolution politique récente, dans un pays habitué aux renversements d'alliances et il apparaît dès lors opportun de s'interroger sur sa pérennité. Afin de mieux évaluer cette perspective, un développement sera d'abord réservé à l'alliance nouée au sein de l'opposition depuis 2006 entre le Hezbollah et le Courant patriotique libre de Michel Aoun. Quant à « la majorité », elle aurait tort de crier victoire trop tôt, puisque sans le soutien de Walid Joumblatt, le leader druze, elle pourrait se retrouver très affaiblie, ce dernier ayant pris ses distances avec ses anciens amis.Towards a Constant Lebanese Political Polarization?
Lebanese parliamentary elections of june 2009 appear to have established a polarization between “the pro-western” majority, and opposition considered close to the syrian-iranian axis. We must remain cautious about these recent political evolution in a country accustomed to reversals of alliances, and it appears therefore appropriate to wonder about its durability. To better evaluate this prospect, a development will initially be reserved to the alliance tied within the opposition since 2006 between the Hezbollah and the Free Patriotic Movement of Michel Aoun. For “the majority”, it would be wrong to declare victory too soon, since without the support of Walid Jumblatt, the druze leader, it could become very weak, as he has gradually taken away from his old friends. - L'accord de Doha du 21 mai 2008 . Accord de droit inter(-)national - Hiam Mouannès p. 33 Conclu le 21 mai 2008 dans le but de contenir la crise au Liban, l'accord de Doha a fait intervenir les États-Unis d'Amérique, la France, les émirats, Bahreïn, l'Algérie, le sultanat d'Oman, la Jordanie, le Maroc, la Syrie et l'Iran. L'État libanais, principal intéressé, cédait sa place aux leaders de la majorité et de l'opposition. L'accord de Doha n'est pas un traité international au sens de la Convention de Vienne de 1969. Ce n'est pas non plus un acte de gouvernance interne régissant les relations entre les pouvoirs publics constitutionnels. Cet accord traite pourtant d'éléments de strict droit interne – désignation du président de sa République et formation d'un gouvernement d'union nationale – et tente de régler, en filigrane, des tensions internationales à un moment où le Liban devient membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies.The Doha Agreement of May 21, 2008. Agreement of Inter(-)national Law
Signed on May 21st, 2008 with the aim to end the crisis in Lebanon, the Doha Agreement involved the USA, France, the Emirates, Bahrain, Algeria, the Sultanat of Oman, Jordan, Morrocco, Syria and Iran. The Lebanese State, the interested party, was giving up its seat to the Opposition Leaders. The Doha Agreement is not an international treaty, as per the 1969 Vienna Convention. It is not either an internal governing action overseeing the relationship between the constitutional governing bodies. This agreement, however, deals with matters of strict domestic law -nominating the president of its Republic and installation of « national Union » government- and tries to solve, though very lightly, the international tensions when Lebanon becomes a non-permanent member of the United Nations Security Comittee. - La nouvelle dynamique libanaise. Un cheminement périlleux vers une refonte de l'entente nationale - Daniel Meier, Fouad Ilias p. 45 Quinze ans de guerre civile suivis de quinze années d'hégémonie syrienne ont fait du Liban un terrain à la fois sinistré en matière de rapport à son passé et à forte potentialité belligène entre ses segments communautaires ossifiés. Aussi, le retrait militaire syrien a-t-il ouvert plusieurs boîtes de Pandore qui toutes ont parties liées avec son histoire contemporaine. Trois domaines en particulier sont évoqués dans cette contribution : le jeu politique intérieur et ses rapports avec les puissances régionales et internationales, les questions sécuritaires qui vont de l'instabilité permanente de la frontière Sud à l'impact des armes du Hezbollah sur l'équation politique en passant par les réseaux jihadistes, et enfin la question palestinienne qui semble devoir être l'éternelle ressource politique entre groupes rivaux au détriment de l'avancée réelle de la cause des réfugiés eux-mêmes. Avec la crise actuelle liée à la publication de l'acte d'accusation délivré par le Tribunal Spécial pour le Liban (TSL), c'est toute la stabilité acquise avec l'accord de Doha (mai 2008) qui est mise en péril et illustre la sclérose d'un système qui, depuis 2005, a montré la nécessité d'une refonte des bases de l'entente nationale.A New Dynamic in Lebanon: A Perilous Process toward an Overhaul of the National Agreement
Fifteen years of civil war in Lebanon followed by fifteen years of Syrian hegemony have dramatically affected the country's relationship with its past and entrenched the risk of conflict between its ossified belligerent communities. Thus, the Syrian military withdrawal has opened several Pandora's boxes which are all related to the country's contemporary history. Three areas in particular are discussed in this contribution: the domestic political game and its relations with regional and international powers; security-related trends ranging from the ongoing instability at the southern border tothe impact of Hezbollah's weapons on the domestic political equation as well as the threat posed by jihadist networks, and finally the Palestinian issue which is likely to persist as the eternal political resource used by rival groups at the expense of any real progress on the issue of the refugeesthemselves. With the current crisis surrounding the publication of the indictment issued by the Special Tribunal for Lebanon (STL), it is the entirestability achieved with the Doha Agreement (May 2008) that is put at risk, illustrating the sclerosis of a system that has shown since 2005 the need to recast the foundations of the national agreement.»
- Vers une polarisation durable de la vie politique libanaise ? - Pierre Berthelot p. 9
Varia : Le colonialisme britannique (suite)
- L'enquête de cadastre britannique des terres agricoles égyptiennes (1897-1907) - Martin Bunton p. 65 Entre les années 1892 et 1907, l'administration britannique en Égypte a entrepris une enquête sur les revenus agricoles des impôts du pays. Non seulement toutes les délimitations de villages d'un bout à l'autre de l'Égypte furent réexaminées et cartographiées, mais aussi toutes les subdivisions à l'intérieur même des villages (appelées hod, allant de 50 à 100 dunums pour des qualités similaires de terres) ont également été recalculées et recensées à des fins fiscales. Le but de cet article est de saisir une partie de la complexité du projet d'arpentage en explorant les enjeux relatifs aux acteurs et aux organismes, humains ou non, comme les autorités britanniques elles-mêmes les avaient appréhendés. Les agriculteurs égyptiens et les terres riveraines qu'ils occupaient ont été plus qu'un simple arrière-plan, ils portaient toujours en eux un potentiel de résistance ou de collaboration. Ainsi sont-ils devenus de véritables acteurs dans l'élaboration du cours de l'enquête d'une manière telle qu'il a été bon de l'étudier.The British Survey of Egypt's Agricultural Land (1897-1907)Between the years 1892 and 1907, the British administration in Egypt undertook a survey of the country's agricultural tax revenues. Not only was every village boundary from one end of Egypt to the other reconsidered and mapped, but so too were village subdivisions (known as ‘hods', ranging from 50 to 100 dunams of similar quality land) also fixed and recorded for tax purposes. The aim is to capture some of the surveying project's complexity by exploring the issues of actors and agency, human and non human, as British officials themselves understood them. Egyptian cultivators and the riparian lands they inhabited were more than mere background, and always carried the potential for resistance or collaboration. Thus they became real actors in shaping the course of the survey in ways that would be useful to explore.
- Glubb Pacha (1930-1946) et le colonialisme britannique en Transjordanie - Yoav Alon p. 87 De tous les fonctionnaires britanniques qui ont été associés au projet colonial britannique en Jordanie, John Glubb fut le commandant de la Légion arabe qui obtint la plus haute renommée et l'attention de la sphère académique. Ces dernières années, cependant, l'image de Glubb dans la littérature scientifique a subi une transformation radicale. Son association de longue vie avec les nomades, son engagement à assurer leur bien-être et ses tentatives de préserver quelques-unes de leurs traditions dans le sillage d'une modernisation rapide ont été tournés en ridicule. Pis, il est considéré comme l'un des archétypes de l'orientaliste colonial venu d'Occident. Cet article propose de revenir sur ce portrait de Glubb de manière à le présenter comme un exemple singulier de l'administrateur colonial qui a su allier les intérêts de la Grande-Bretagne avec ceux des nomades locaux.British Colonialism and Orientalism in Arabia: Glubb Pasha in Transjordan (1930-1946)Of all British officials who were associated with the British colonial project in Jordan it was John Glubb, the commander of the Arab Legion, who earned the highest fame and most of the academic attention. In recent years, however, Glubb's image in the scholarly literature had undergone radical transformation. His life long association with the nomads, his commitment to their wellbeing, and his attempts to preserve some of the nomads' traditions in face of rapid modernization have been ridiculed. Instead he is now seen as an archetype of the Western colonial Orienalist. This article offers a corrective portrayal of Glubb. It argues that he represents a unique case of colonial administrator who knew how to combine the interests of Britain together with those of the local nomads.
- L'opération de Suez de 1956. "Le dernier [Anglais] debout" - Peter Hinchcliffe p. 109 L'auteur de cet article revient sur l'opération Mousquetaire Révisé – nom de code de l'opération anglo-française de Suez de novembre 1956 – auquel il a pris part en tant que sous-lieutenant au West Yorkshire Regiment. En novembre 1956, une attaque anglo-française est menée contre l'Égypte pour s'emparer du Canal de Suez, récemment nationalisé, et provoquer le renversement du président du pays, le jeune colonel Gamal Abdul Nasser. Les Français s'entremirent pour engager Israël et la Grande-Bretagne dans un pacte militaire ultrasecret. Les Israéliens avaient leurs propres raisons pour confronter Nasser. Les Égyptiens avaient empêché les navires israéliens d'emprunter le Canal de Suez, et les positions militaires égyptiennes dans le Sinaï rendaient l'utilisation d'Eilat difficile. Le 24 octobre 1956, on conclut le protocole de Sèvres, par lequel il était décidé qu'Israël attaquerait l'Égypte et, débouchant du Sinaï, ferait route vers le Canal. La France et la Grande-Bretagne enjoindraient les deux parties de s'arrêter et de se retirer de la zone en question. Israël accepterait, mais les Égyptiens refuseraient certainement, car accepter impliquerait l'abandon du Sinaï... Cet article revient sur la crise de Suez de 1956 et le retrait d'Aden, deux épisodes de l'aventure coloniale britannique d'après-guerre qui marquèrent la fin de jeu pour ce qu'il en restait de cet Empire au Moyen-Orient.The Suez Operation in 1956. “The Last [English] Standing”The author of this article discusses the operation Musketeer Revised – code named of the Operation Anglo-French Suez in November 1956 – which he takes part as a sub-lieutenant in the West Yorkshire Regiment. In November 1956, an Anglo-French attack is launched against Egypt to seize the recently nationalized Suez Canal, and cause the overthrow of the president, the young Colonel Gamal Abdul Nasser. The French intervened to engage Israel and the Great Britain in a top secret military pact. The Israelis had their own reasons to confront Nasser. The Egyptians had prevented Israeli ships to borrow the Suez Canal, and Egyptian military positions in the Sinai made difficult the use of Eilat. On 24 October 1956, we conclude the Protocol of Sèvres, by which it was decided that Israel would attack Egypt and, leading from the Sinai, would go to the Canal. France and Britain enjoined both parties to stop and to withdraw from the Suez Canal's area. Israel would accept, but certainly the Egyptians refused because to accept would mean the abandonment of Sinai... This article discusses the Suez Crisis of 1956 and the withdrawal of Aden, two episodes of the post-war colonial British marked the end of the game for what remained of the Empire in the Middle East.
- La présence britannique dans le Golfe : de la genèse au retrait de 1971 - Uzi Rabi p. 123 La présence britannique dans le Golfe s'établit au XVIIe siècle. L'engagement politique bientôt suivi des intérêts commerciaux et d'une relation « protecteur-protégé » mutuellement bénéfique se mettent en place entre la Grande-Bretagne et les États du Golfe. Alors qu'il les protège en tant que groupes politiques, le gouvernement britannique ne fait pas et n'a jamais voulu faire des États du Golfe des protectorats au sens formel du terme, qui conduiraient leurs affaires extérieures. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l'attention de la Grande-Bretagne se tourne vers les efforts pétroliers et de modernisation dans le Golfe. Même après son retrait en 1971, le rôle régional de la Grande-Bretagne est resté loin d'être inactif. La Grande-Bretagne a réussi, dans l'ère post-Pax Britannica, à reformuler ses relations avec les États du Golfe sur la base de liens économiques solides.British Presence in the Gulf: From its Genesis to the Withdrawal in 1971British presence in the Gulf was first established in the 17th century. Political involvement soon followed commercial interests and a mutually beneficial protector-protégé relationship was established between Britain and the Gulf states. Whilst protecting them as political units, the British Government never made the Gulf states into protectorates in the formal sense of the word, yet conducted their external affairs. In the aftermath of World War II, Britain's focus turned to Gulf oil and modernization efforts. Even after its withdrawal in 1971, Britain's regional role remained far from inactive. Consequently, Britain has succeeded in reformulating its relations with the Gulf states in the post- Pax Britannica era on the basis of strong economic ties.
- L'enquête de cadastre britannique des terres agricoles égyptiennes (1897-1907) - Martin Bunton p. 65
Lecture
- Tareq Y. Ismael, "The Communist Movement in the Arab World" - Sébastien Garnier p. 139
- Daniel Meier, "Le Liban" - Jean-François DAguzan p. 145