Contenu du sommaire : Débats contemporains

Revue Revue Européenne des Migrations Internationales Mir@bel
Numéro Vol. 17, no 2, 2001
Titre du numéro Débats contemporains
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Débats contemporains

    • Éditorial - Marie-Antoinette Hily, Jacqueline Costa-Lascoux p. 7-8 accès libre
    • De l'État-nation au monde transnational. Du sens et de l'utilité du concept de diaspora - Dominique Schnapper, Marie-Antoinette Hily, Jacqueline Costa-Lascoux p. 9-36 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La dispersion de peuples qui gardent un sentiment de leur unité malgré l'éclatement géographique n'est pas un phénomène né de la modernité. Mais la naissance des mouvements nationalistes et la constitution des nations modernes lui avaient donné une signification nouvelle, essentiellement péjorative. Aujourd'hui, en sens inverse, l'affaiblissement du pouvoir de l'État-nation et du patriotisme national ont donné un sens positif aux comportements et aux identifications liées à l'existence des diasporas. Le concept a ainsi toujours été marqué par l'esprit du temps. Pour le rendre opératoire, il convient de le réserver aux populations qui maintiennent des liens institutionnalisés, objectifs ou symboliques, par-delà les frontières des États-nations. Son utilisation permet alors de s'interroger sur nombre de phénomènes modernes, l'affaiblissement des États-nations, la transnationalité accrue des échanges de toute nature, l'élaboration des nouvelles formes d'organisation politique, la dissociation accrue entre les ordres politique, économique et les identifications à des collectivités historiques qui ne sont pas organisées en État. Mais sommes-nous capables de l'utiliser de manière neutre pour en faire un instrument de connaissance utile ? Pouvons-nous mieux que les autres résister à la mode actuelle des diasporas ?
      The dispersion of peoples who retain a feeling of unity despite their geographic fragmentation is not phenomenon of modernity. But the birth of nationalist movements and the construction of modern nations have given it a new significance that is essentially pejorative in nature. Today, in the opposite sense, the weakening of the Nation-state's power and of national patriotism has provided a positive perception of the behaviors and identifications related to the existence of diasporas. The concept has, as such, always been marked by the spirit of the times. To render it operational, let us reserve it for the populations that maintain institutional, objective or symbolic ties beyond the borders of Nation-states. Its utilization permits, then, questioning of a number of modern phenomena : the weakening of Nation-states, the increased transnationality from all natures of exchanges, the elaboration of new forms of political organization, the amplified dissociation between political and economic orders, and the identifications to the historic collectivities that are not organized in the form of the State. But are we capable of using it in a neutral manner in order to make it a useful instrument of knowledge ? Can we, more so than others, resist the current approach to diasporas ?
    • Au-delà des États-nations : des sociétés de migrants - Alain Tarrius, Marie-Antoinette Hily, Jacqueline Costa-Lascoux p. 37-61 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La forme territoriale historique de l'État-nation, entièrement maillée par les grandes institutions politiques, économiques et sociales, est renégociée par des collectifs de migrants désignés comme « ethniques » ; ceux-ci développent, à distance des codes, lois et réglementations des échanges économiques internationaux, des initiatives commerciales collectives de grande ampleur. Les solidarités fortes qui précèdent et permettent ces déploiements inversent les problématiques de la mondialisation et suggèrent l'existence d'un autre processus de globalisation où les liens sociaux forts ne sont pas seconds, « encastrés » dans les continuités et complémentarités redevables en premier lieu de compétences techniques. Ces initiatives économiques collectives, assorties de gestations de territoires autres transversaux aux États-nations, ont engendré des rapports sociaux nouveaux qui présentent la singularité d'effacer les hiérarchies des préséances sédentaires locales, fondatrices des légitimités identitaires, au bénéfice des savoir-circuler, des multi-appartenances. Des territoires originaux apparaissent donc, dessinant les contours fluides, mobiles, de sociétés de migrants structurées, affirmant un pouvoir de plus en plus évident du nomade sur le sédentaire, dans nos vieilles sociétés de la fixité, de l'enracinement au lieu. Ainsi émergent des confins troubles en Europe, à partir de ses alentours : là, normes et lois sont négociées, contournées, dans les incertitudes accompagnant l'inadaptation des États-nations à gérer leurs sociétés, entre espaces mondiaux, espace européen - Schengen -, et espaces régionaux. L'article, prenant à témoin des recherches menées par l'auteur depuis 1995, de Marseille au Maghreb, par les voies terrestres d'Espagne, décrit les caractéristiques de ces nouvelles formations sociales, l'originalité des statuts et des hiérarchies qu'elles engendrent, la nature des réseaux, ouverts ou mafieux, qui les parcourent, les effets civilisationnels des accords de parole, mais encore les exploitations sordides qu'elles hébergent et les frontières nouvelles qu'elles instituent.
      "Ethnic" collectives of migrants renegotiate the territorial and historical form of the Nation-state, which is integrally linked by big political, economic, and social institutions. They develop - far from the codes, laws and rules that govern international economic exchanges - large-scale collective commercial initiatives. The strong solidarities that direct and permit these expansions transform the globalization debate and suggest the existence of another process of globalization where strong social ties are not of secondary importance or "inserted" into the continuities and complementarities indebted in the first place to technical competences. These collective economic initiatives, permitted by the birth of unique transversal territories in contrast to Nation-states, have engendered new social relationships that present the singularity of erasing hierarchies of local sedentary privileges (which are responsible for enforcing the legitimacy of members' identities), to the benefit of those who know how to « go with the flow » - those who have multiple organizational memberships. Original territories, therefore, appear to be drawing fluid, mobile contours around structured societies of migrants, affirming power that is more and more evident to the nomad about those who are sedentary, that our old societies engender fixity and rooted-ness in relationship to place. Subsequently, nebulous confines emerge in Europe within its environs : there, norms and laws are negotiated and bypassed with the incertitude that accompanies the inadaptability of Nation-states to manage their societies between global spaces, European-Schengen spaces, and regional spaces. The article, describing the author's research since 1995 from Marseille to the Maghreb by Spanish land routes, relates the characteristics of these new social formations, the originality of the statutes and hierarchies that they engender, the nature of networks (open and mafiosi) that define them, the civilizational effects of verbal agreements, but also the sordid exploitations that they foster and the new borders that they produce.
    • Citoyenneté nationale et transnationalisme. Une analyse comparative des revendications des migrants en Allemagne, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas - Marie-Antoinette Hily, Jacqueline Costa-Lascoux, Ruud Koopmans, Paul Statham p. 63-100 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le transnationalisme parmi les migrants est considéré dans la littérature récente comme un trait important de la mondialisation qui transcende, se produit en dehors au-delà de l'État-nation. Cet article défend au contraire la position selon laquelle il faut étudier tant d'un point de vue théorique qu'analytique comment l'État-nation interagit avec la mondialisation. D'une manière plus spécifique, l'article compare systématiquement la formation des communautés transnationales et des diasporas en Allemagne, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas. La dimension publique du transnationalisme telle qu'elle s'exprime dans les revendications et la participation des migrants et des minorités dans l'espace public est au centre de cet article. L'analyse primaire est basée sur des données originales sur les actes publics de revendication dans trois pays. Cette approche permet d'examiner l'importance des revendications transnationales par rapport à celles qui se manifestent dans les espaces nationaux. La comparaison cross-nationale permet d'analyser la variation entre les différents types de revendications transnationales se produisant dans trois pays différents tant du point de vue de la citoyenneté que des régimes d'intégration. Les données indiquent des différences cross- nationales significatives entre les niveaux et les formes de revendications transnationales qui peuvent s'expliquer par le type de citoyenneté utilisée par les pays pour inclure politiquement les migrants dans la communauté nationale. Les revendications transnationales prévalent en Allemagne, où l'État offre peu d'opportunités aux migrants d'exercer une influence sur le politique et qui les exclut symboliquement de la communauté nationale. De plus, la comparaison entre la Grande-Bretagne et les Pays-Bas montre que la manière dont les États transforment les migrants en citoyens importe. L'approche ouvertement multiculturelle des Pays-Bas constitue un environnement plus favorable aux revendications transnationales que le modèle d'incorporation britannique fortement racialisé et culturellement plus assimilationniste.
      In contrast to the recent tendencies within the literature to discuss transnationalism among migrants as important features of globalization that transcend, occur outside, beyond or 'post' the nation-State. This article takes the position that there is more theoretical and analytic mileage in studying how the Nation-state interacts with globalization. More specifically, the paper undertakes a systematic comparison of the formation of transnational communities and diasporas in Germany, Britain and the Netherlands, by focussing on the public dimension of transnationalism that is expressed in the claims-making and participation of minorities and migrants in the public sphere. The primary analysis is based on an original data-set on public acts of claims-making in the three countries. Our approach enables us to examine the extent of transnational claims-making relative to that in the national context, whereas cross-national comparison facilitates analysis of the variation between the different types of transnational claims-making that occur in three countries with different national citizenship and integration regimes. The data show that there are significant cross-national differences between the levels and forms of transnational claims-making by migrants, and that these are best explained by the type of citizenship which a country uses for politically including migrants in its national community. Transnational claims-making is most prevalent in countries such as Germany, where the State offers few opportunities for migrants to influence the political process and symbolically excludes them from the national community. In addition, the comparison of Britain and the Netherlands shows that it matters 'how' Nation-states make migrants into citizens, with the more outspokenly multicultural Dutch approach providing more favourable environment for transnational claims-making than the strongly racialised and culturally more assimilationist incorporation model of Britain.
    • Le renouvellement de la population active étrangère en France de 1990 à 1998 - Marie-Antoinette Hily, Jacqueline Costa-Lascoux, Jean-François Léger p. 101-121 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      De nombreuses données statistiques permettent de dresser un état annuel de l'effectif et des caractéristiques démographiques et professionnelles de la population active étrangère en France. En revanche, il existe peu d'informations sur les flux qui assurent son renouvellement. Pour pallier cette carence, une série de travaux destinés à estimer le nombre annuel d'étrangers qui entrent sur le marché du travail a été initiée en 1997. Ces études permettent à ce jour d'établir un bilan démographique pour les années 1990-1998. Parmi les principaux résultats, on peut noter qu'en neuf ans plus de 800 000 étrangers (non compris ceux qui bénéficient d'une autorisation provisoire de travail) sont entrés sur le marché du travail français. D'une année à l'autre, ce flux a connu des variations importantes. Toutefois, la tendance générale est depuis 1990, à la baisse : le flux annuel de nouveaux actifs étrangers est ainsi passé en moyenne de 107 000 entrées au cours des années 1990-1992 à 86 000 pour les années 1996-1998.
      Many statistical data can put up an annual status of demographic and professional features of foreign labour force in France. On the other hand, very few information are available on its renewal stream. To compensate for lack of data, series of studies on annual number of foreigners starting on labour market have been initiated in 1997. Today, these studies can draw up a demographic evaluation for the 1990-1998 period. Among the principal results, it can be noticed that during this nine year period, more than 800 000 foreigners (not including those who are in possession of temporary licence) arrived on the French labour market. Year in year out, this stream remained under important variations. However since 1990, the main trend has been falling down : the annual stream of new working foreigners has decreased from 107 000 to 86 000 between the 1990-1992 period to the 1996-1998 period.
    • L'ethnicisation du lien social dans les banlieues françaises - Marie-Antoinette Hily, Jacqueline Costa-Lascoux p. 123-138 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      De nombreuses enquêtes témoignent de l'ethnicisation des banlieues françaises, à partir des années 1990. L'emprunt à la sociologie anglo-américaine du concept d'ethnicité pour expliquer le phénomène a alors influencé les politiques publiques qui tentaient de répondre aux difficultés et aux violences des quartiers « sensibles ». La philosophie de l'intégration, élaborée en 1989, n'a pas eu le temps d'être réellement appliquée ; les particularismes locaux et ethniques se sont accrus. Rappelant, par certains aspects, la période coloniale, l'usage du concept d'ethnicité a ainsi engagé la responsabilité des intellectuels et des politiques qui n'ont pas su reconnaître les effets discriminatoires de l'ethnicisation.
      The ethnicisation of French suburbs since nineties have been described by several studies. Facing to the increase of problems and violence within sensible areas, public policies tried to understand and explain this phenomenon of ethnicisation. They borough to the Anglophone sociology the concept of ethnicity. Because of the quick modifications of the society, the French political philosophy of integration, elaborated in 1989, have not been efficiently applied. Time was too short to observe any effect. Local and ethnic particularity have been more and more exacerbated. But the concept of ethnicity is full of meaning and by several aspects it evokes the colonial past. As a consequence, this concept have engaged the responsibility of intellectuals and politicians who have not been attentive to the discriminatory effects of this concept.
    • L'altérité de l'épidémie. Les politiques du sida à l'épreuve de l'immigration - Marie-Antoinette Hily, Jacqueline Costa-Lascoux, Didier Fassin p. 139-151 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Après deux décennies de silence du système d'information sanitaire et d'inaction du dispositif de santé publique, la relation entre sida et immigration commence à sortir du régime d'exception dans lequel elle était tenue. Si elle l'est, c'est que de nouvelles manières de la penser se font jour. Premièrement, le thème du risque et des populations épidémiologiquement dangereuses s'est déplacé vers le problème de l'inégalité et des catégories sociologiquement fragilisées. Deuxièmement, l'attention jusqu'alors exclusivement portée sur la culture, les représentations et les résistances s'est élargie à une interrogation en termes de condition sociale intégrant les dimensions historiques et matérielles de la double expérience de la maladie et de la migration. Parallèlement, toutefois, deux nouveaux enjeux apparaissent. D'une part, la redéfinition des contours de la question de l'immigration sous le double effet de sa cristallisation autour des étrangers en situation irrégulière et de sa dissolution dans les groupes issus de l'immigration, les uns et les autres particulièrement exposés aux disparités en matière de santé et de soins. D'autre part, le développement d'une légitimité de l'étranger de plus en plus fondée sur le corps souffrant ou malade, relevant ainsi de bio-politiques dans lesquelles le sida prend une valeur emblématique.
      After two decades of silence from the health information system and the inaction of the public health agency, the relation between AIDS and immigration is beginning to emerge from beneath a regime of restrictions. If this is the case, it is because new manners of thinking about this relationship are beginning to see the light of day. Firstly, the themes of risk and of epidemically dangerous populations have been replaced by the problem of inequality and sociologically fragile categories. Secondly, the attention that had formerly been almost exclusively placed on the culture, the representations and the resistances has been enlarged to an examination in terms of social conditions, integrating historical and material dimensions in the double experience of the illness and migration. While at the same time, two new stakes appear. One is the redefinition of the contours of the immigration question under the double effect of its crystallization around foreigners in irregular situations and its dissolution in the original groups of migrants, these two groups are particularly exposed to the material disparities related to health and care. The second stake is the development of legitimacy of the foreigner which is increasingly founded upon the suffering or sick body, which is relevant therefore to bio-politics in which AIDS take a symbolic role.
  • Notes de recherche

  • Notes de lecture

  • Livres reçus - p. 195-196 accès libre
  • Notes aux auteurs - p. 197 accès libre