Contenu du sommaire
Revue | Cahiers d'études africaines |
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Numéro | Vol. 39, no 154, 1999 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Études et essais
- La religion préserve-t-elle du sida ? Des congrégations religieuses congolaises face à la pandémie de l'infection par le VIH - Marc-Éric Gruénais p. 253-270 Parmi les acteurs de la « société civile » associés à la lutte contre le sida, les représentants des congrégations religieuses occupent une place de choix. Pour les milieux médicaux, ils contribuent à la prévention en prônant l'abstinence et la fidélité, certains font preuve d'une grande compassion, aident les personnes atteintes et, grâce à la prière, peuvent offrir un réconfort moral dans des situations de détresse ; aussi, en dépit des positions — loin d'être toujours suivies localement — de quelques milieux chrétiens contre l'utilisation du préservatif, les congrégations religieuses semblent offrir plus d'avantages que d'inconvénients dans la lutte contre la maladie. Cependant, les discours, tant des religieux que des personnels de santé, fait apparaître des ambiguïtés qui ouvrent grand la voie à des représentations du « bon chrétien » qui, selon les cas, sera épargné, sauvé, guéri du fléau grâce à sa foi, voire à des pratiques et des discours d'exclusion à l'égard des « mauvais chrétiens ». Ainsi, insidieusement, les interprétations religieuses du sida, émanant de milieux dont on aurait pu croire a priori qu'ils seraient des alliés sûrs dans la lutte contre le sida, peuvent conduire à des attitudes qui vont à l'encontre des discours de prévention et des connaissances médicales en général, qui condamnent et rejettent pour préserver la communauté des « purs ».The representatives of religious congregations have a special place among the actors involved in the fight against AIDS. For the medical profession, they help with prevention work by advocating abstinence and fidelity. Through prayer, they may boost the morale of persons in distress; and some congregations even express compassion by helping the sick. Despite the opposition of certain Christian groups to using condoms (an opposition far from being enforced locally), involving religious congregations in AIDS prevention work seems to have more advantages than disadvantages. However, the ambiguous discourses of health personnel and religious authorities open the way to the idea of "good Christians" being spared, saved and healed thanks to their fath and to discourses and practices that exclude "bad Christians". Insidiously, the religious interpretations of AIDS coming from groups that one might think would be faithful allies in the fight against the illness can lead to attitudes that, at odds with prevention work and medical knowledge, condemn and reject people in order to preserve the community of the "pure".
- Stereotypic Vision : the "Moral Character" of the Senufo in Colonial and Postcolonial Discourse - Robert Launay p. 271-292 Ce qui a le mieux survécu de la littérature ethnographique coloniale traitant des Sénoufo au nord de la Côte-d'Ivoire est son aspect le plus faible et idéologiquement le plus suspect : la description des « caractères intellectuels et moraux » du peuple en question. Ces considérations, absentes en tant que telles de la littérature d'exploration, ont été élaborées par Maurice Delafosse dans la première décade du xxe siècle et ont ensuite été constamment invoquées tout au long de la période coloniale. Paradoxalement, certains intellectuels sénoufos sont les héritiers directs de ce legs douteux. En examinant les différents avatars, coloniaux et post-coloniaux, du « caractère sénoufo », on peut retracer non seulement la formation d'un discours « ethnique » particulier, mais aussi sa récupération et enfin sa transformation.The most enduring legacy of the colonial ethnographie literature on the Senufo of northern Côte-d'Ivoire has been its weakest and ideologically most suspect feature: descriptions of the "caracteres intellectuels et moraux" of the people in question. Such considerations, absent as such from the literature of exploration, were first elaborated by Maurice Delafosse in the first decade of the twentieth century and repeatedly invoked throughout the colonial period. Paradoxically, the direct heirs to this questionable legacy have been certain Senufo intellectuals. By examining the various avatars, colonial and postcolonial, of the "Senufo character", we can trace not only the formation of a particular "ethnic" discourse but its recuperation and ultimately its transformation.
- La circoncision en pays maasai et borana. Guerre, procréation et virilité en Afrique orientale - Robert Hazel p. 293-336 Tant chez les Maasai que chez les Borana, deux ethnies respectivement nilotique et couchitique qui ont marqué l'histoire de l'Afrique orientale, la circoncision vient « dévoiler » la virilité des hommes à un moment crucial de leur existence. Faisant l'objet d'annonces pré-figuratives, elle est ensuite revécue à l'occasion de mises en scène réitératives qui constituent autant d'étapes le long du processus de « masculinisation » auquel sont soumis les membres de toute nouvelle classe d'âge. Vu son importance, la circoncision évoque culturellement une variété de significations. Certaines d'entre elles sont propres à chaque groupe du fait, notamment, que le rite n'intervient pas au même point dans la carrière masculine.In Maasailand as well as among the Borana, two respectively Nilotic and Cushitic ethnie groups who have made major contributions to East Africa's cultural heritage, circumcision basically "unveils" men's virility at a crucial moment in their lives. It is rituaily "pre-" and "post-enacted" a number of times during the course of the elaborate process of "masculinisation" through which ail groups of men belonging to a new age set must pass. Given its critical importance, circumcision culturally carries a range of cultural meanings. Some of these are specifie to each ethnie group, a fact which is understandable since, among other things, Maasai and Borana men are not "initiated" at the same stage in their lives.
- Le Massa et l'eau de Moussa. Cultes régionaux, « traditions » locales et sorcellerie en Afrique de l'Ouest - Patrick Royer p. 337-366 Le Massa et l'eau de Moussa sont deux cultes religieux qui connurent une grande renommée à la période des indépendances à travers une région couvrant l'est du Mali, le nord de la Côte-d'lvoire et du Ghana, et une grande partie du Burkina Faso. Le Massa reprenait des caractéristiques de cultes anti-sorciers en intégrant des aspects innovateurs, tandis que le prophète Moussa proposait une eau miraculeuse et réclamait l'abandon des cultes locaux. Cet article examine l'impact de ces deux mouvements sur les populations de cette région de l'Afrique de l'Ouest, et particulièrement sur les Sambla du Burkina Faso, une petite population de langue mande de l'ouest du Burkina Faso. Il rend compte des divergences d'interprétation du Massa et de l'eau de Moussa par les différentes populations de la région ainsi que par les acteurs politiques et religieux de la société africaine de cette époque, administrateurs coloniaux, missionnaires, et élites africaines. Cette étude reconsidère les relations entre processus régionaux et pratiques religieuses locales et le rôle de la sorcellerie dans la dissémination des cultes religieux et des mouvements prophétiques en Afrique de l'Ouest.Massa and Moussa's Water were two well-known religious cuits during the period of independence throughout a region covering eastern Mali, much of Burkina Faso and the north of both the Ivory Coast and Ghana. Massa innovated on anti-witchcraft cuits whereas the prophet Moussa proposed a miraculous water and demanded that local cuits be given up. The impact of these two movements on peoples in this region and especially on the Sambla, a small Mande-speaking population in western Burkina Faso, is examined. An explanation is given of the diverging interpretations of both cuits by various populations and by political and religious actors in African society at the time (colonial officials, missionaries, and African elites). The relations between regional processes and local religious practices as well as the role of witchcraft in the spread of prophetie movements and religious cuits in western Africa are reconsidered.
- La dynamique des interrelations politiques : le cas du sultanat de Zinder (Niger) - Pierre Mounier p. 367-386 La question de l'origine et du développement de l'État a été profondément renouvelée par les thèses de N. Elias sur la socio-génèse de l'État occidental. Loin cependant de devoir être cantonnées au seul Occident, il semble que ses analyses peuvent être fécondes pour la compréhension d'autres types de formations étatiques. L'exemple en est donné avec le sultanat de Zinder (Niger), dont l'expansion massive et continue jusqu'au coup d'arrêt imposé par le colonisateur peut être expliquée par l'analyse des interrelations personnelles au sein de la cour et du jeu de pouvoir qui y prend place. Dans ce cadre, si la comparaison entre les deux dynamiques permet de dégager un invariant dont la généralité reste à tester, elle offre surtout des possibilités de compréhension et d'explication d'un certain nombre de différences morphologiques entre les systèmes politiques.
- Du don et du rite comme fondateurs des chefferies. Marcel Mauss chez les Dìì du Nord-Cameroun - Jean-Claude Muller p. 387-408 Cet article considère les invariants des mythes de fondation des diverses chefferies de la société dìì (Dourou) du Nord-Cameroun. Ceux-ci tournent tous autour d'un don initial de nourriture fait soit par un chasseur étranger soit par un homme riche d'un village sans chef que les habitants s'empressent de nommer à leur tête, lui donnant le pouvoir politique. Ces éléments invariants entrent dans le schème maussien du don/contre-don, où le don initial place le donateur dans une position hiérarchiquement supérieure, le contre-don la confirmant mais avec un surplus permanent, la chefferie. Les chaînes dons/contre-dons qui sont le plus souvent évoquées comme la kula de Mélanésie et le potlatch de la Côte Nord-Ouest de l'Amérique du Nord se réduisent ici à un seul don et un seul contre-don qui est un fait social total absolu puisqu'il crée littéralement la société politique. Mais cette séquence parfaitement logique doit se doubler d'une analyse des rituels qu'on fait subir au chef, lesquels établissent véritablement un espace politique nouveau en changeant la nature de la société.This article examines the recurrent elements of the various myths of foundation of the Dìì (Dourou) chiefdoms of Northern Cameroon. These recurrent elements mention an initial gift of food made either by a foreign hunter or a rich man of a village without a chief whose inhabitants subsequently elect him chief. These recurrent elements fit the Maussian scheme of gift/counter gift, where the initial gift places the giver in a hierarchicaily superior position, the counter gift confirming this position with a permanent surplus: the political power over the chiefdom. The chains of gifts/counter gifts which have been most discussed like the kula of Melanesia or the potlatch of the American North West Coast are reduced here to a single gift and a single counter gift which is an absolute total social fact since it Iiteraily instigates the political society. But this logical evolutionistic sequence must take into account the rituals performed on the chief which change the nature of society by opening a new "political space".
- La religion préserve-t-elle du sida ? Des congrégations religieuses congolaises face à la pandémie de l'infection par le VIH - Marc-Éric Gruénais p. 253-270
Notes et documents
- Histoire et société urbaine : les années anglaises de Lomé (1914-1920). Une période méconnue et pourtant décisive - Yves Marguerat p. 409-432 Dans l'histoire sociale de Lomé (assez singulière, car dominée par la bourgeoisie commerçante qui avait créé la ville peu avant l'arrivée des colonisateurs allemands), les années de l'occupation anglaise (1914-1920) représentent une période méconnue, mais en réalité décisive. Occupée par les Britanniques, après la très courte campagne du Togo, la ville a retrouvé rapidement des activités normales, avec une justice qui paraît équitable et une administration qui intervient aussi peu que possible dans la vie quotidienne. Surtout, soucieux de drainer les exportations du Territoire au profit de leur effort de guerre, les Anglais rendent à la bourgeoisie loméenne le pouvoir économique que la concurrence allemande avait tenté d'éliminer. La paix revenue, quand le sort du Togo fut l'objet d'un marchandage entre les vainqueurs, l'administration anglaise s'efforça de peser sur les négociations en donnant la parole à cette bourgeoisie, qui proclamait hautement son vœu de rester sous l'autorité britannique. Les Français, qui recevront finalement la ville à la fin de 1920, seront bien obligés de tenir compte de cette prise de parole par les Togolais, affirmation de soi qui donnera à l'histoire politique du Togo français une tonalité très particulière.In Lome's rather special social history (given the domination by the merchants who had founded the city a little before the Germans arrived), the years 1914-1920 of British occupation following the quite short Togo campaign during WW I is a little known period that played a decisive role. City life soon returned to normal: the courts seemed fair, and the administration intervened as little as possible in everyday life. Wanting, above all, to drain the territory's exports toward the war effort, the British left economie power (which German competition had tended to eliminate) in the hands of the local bourgeoisie. With peace restored, Togo's fate depended on dealings among the victorious powers. The British administration tried to influence negotiations by letting the local bourgeoisie, who loudly proclaimed its desire to remain under British rule, have a voice. The French, who finally received the city in late 1920, were forced to take into account the fact that the Togolese had spoken up and asserted their views. This gave a special tone to French Togo's political history.
- Histoire et société urbaine : les années anglaises de Lomé (1914-1920). Une période méconnue et pourtant décisive - Yves Marguerat p. 409-432
Chronique bibliographique
Analyses et comptes rendus
- Baxter, Paul T.w., Hultin, Jan &ampamp; Triulzi, Alessandro, eds. - Being and Becoming Oromo. Historical and Anthropological Enquiries - Gascon Alain p. 433-438
- Dubois, Colette. - Djibouti 1888-1967. Héritage ou frustration ? - Gascon Alain p. 438-440
- Gayibor, Nicoué Lodjou (dir.). - Histoire des Togolais. Vol. I. Des origines à 1884 - Perrot Claude-Hélène p. 440-442
- Geertz, Clifford. -Ici et Là-Bas. L'anthropologue comme auteur - Traimond Bernard p. 442-445
- Gérard, Étienne. - La tentation du savoir en Afrique. Politiques, mythes et stratégies d'éducation au Mali - Proteau Laurence p. 445-448
- Goerg, Odile. - Pouvoir colonial, municipalités et espaces urbains. Conakry-Freetown des années 1880 à 1914 - Coquery Michel p. 448-449
- Kalulambi Pongo, Martin. - Être luba du XXe siècle. Identité chrétienne et ethnicité au Congo-Kinshasa - Raison-Jourde Françoise p. 449-452
- Leroux, Rémi. - Le Réveil de Djibouti, 1968-1977. Simple outil de propagande ou véritable reflet d'une société ? - Gascon Alain p. 452-455
- Likaka, Osumaka. - Rural Society and Cotton in Colonial Zaire - Bassett Thomas p. 455-457
- Molvaer, Reidulf K. - Socialisation and Social Control in Ethiopia - Gascon Alain p. 457-460
- Petitjean, Patrick, ed. - Les sciences coloniales. Figures et institutions - Sibeud Emmanuelle p. 460-462
- Tubiana, Marie-José (dir.). - Le temps et la mémoire du temps. Anthropologie et histoire - Gascon Alain p. 462-465
- Ouvrages reçus - p. 467-469