Contenu du sommaire : Anthropologie et migrations

Revue Revue Européenne des Migrations Internationales Mir@bel
Numéro Vol. 25, no 3, 2009
Titre du numéro Anthropologie et migrations
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Articles

    • Éditorial - Denys Cuche, Liliane Kuczynski, Anne Raulin, Élodie Razy p. 7-12 accès libre
    • « L'homme marginal » : une tradition conceptuelle à revisiter pour penser l'individu en diaspora - Denys Cuche p. 13-31 accès libre avec résumé
      L'anthropologie des migrations doit beaucoup à l'École de Chicago, notamment dans le fait que celle-ci, dans son ouverture à la psychologie, s'intéressait à l'expérience subjective de la migration, n'hésitant pas à placer l'individu au centre de son analyse. Cette attention à la dimension subjective de l'expérience migratoire se retrouve particulièrement chez Park dans son élaboration conceptuelle de « l'homme marginal », « un individu qui vit sur la marge de deux cultures et de deux sociétés ». Stonequist donnera de l'homme marginal une version pessimiste, lui trouvant une personnalité tourmentée et instable. Bastide critiquera ce point de vue en distinguant marginalité culturelle, marginalité sociale et marginalité psychologique. Il rejoindra finalement la vision optimiste de Park, qui en cela prolongeait lui-même les analyses de Simmel sur « l'étranger », pour voir dans l'homme marginal un individu libre et lucide, portant en lui « la promesse des synthèses fécondes ».
    • Minorités urbaines : des mutations conceptuelles en anthropologie - Anne Raulin p. 33-51 accès libre avec résumé
      C'est à ouvrir le spectre conceptuel concernant les minorités urbaines issues de migrations que cet article s'intéresse. Réfléchissant sur les formations qu'elles multiplient de nos jours au sein des métropoles, il s'appuie sur la notion de « centralité minoritaire » élaborée antérieurement pour cadrer la description ethnographique du théâtre urbain qu'elles produisent, et envisage plus généralement celles d'« altérité minoritaire » et d'« aire transitionnelle » constitutives de l'économie symbolique des villes mondialisées. Il engage à reconsidérer la pertinence du concept de « coutume », classique en anthropologie mais quelque peu tombé en désuétude, pour appréhender les modes de coexistence culturelle qui se vivent de fait dans les espaces métropolitains, bien avant d'interroger les instances juridiques et politiques de la nation.
    • Who Wants to be a Millionaire? Gendered Entrepreneurship and British South Asian Women in the Culture Industries - Dipannita Basu, Pnina Werbner p. 53-77 accès libre avec résumé
      Les deux cents Richest Asians Magazines 2000, 2002, 2003 illustrent le succès des multi-millionnaires britanniques d'Asie du sud par des figures mettant au premier plan des caractères et des traits masculins. Cependant, ce magazine n'hésite pas à dire que de telles réussites individuelles ne représentent que la pointe de l'« iceberg entrepreneurial ». Elles dissimulent l'existence de nombre d'entreprises ethniques concentrées dans certains secteurs économiques et qui peuvent être dirigées par des femmes comme par des hommes. Si les hommes d'Asie du Sud occupaient initialement les créneaux économiques de l'alimentation, du vêtement, de l'immobilier et des technologies informatiques, l'entrée des deuxième et troisième générations de migrants dans les entreprises indépendantes des média et de la culture, inclut un nombre conséquent de femmes. La multiplication des réussites économiques des femmes d'Asie du Sud dans les média, comme la réalisation d'autres grosses fortunes asiatiques, ne peut s'expliquer que par la formation historique d'une enclave économique sud-asiatique dans les entreprises de la culture en Grande-Bretagne, dans lesquelles les femmes jouent un rôle déterminant.
    • Anthropologie et migrations africaines en France : une généalogie des recherches - Liliane Kuczynski, Élodie Razy p. 79-100 accès libre avec résumé
      À partir d'une revue de la littérature tant scientifique qu'associative ou encore étatique, cet article explore la production des connaissances en sciences sociales sur la migration africaine, longtemps restée un parent pauvre de l'anthropologie. Le point de vue critique sur l'histoire de l'africanisme, de même que sur les liens souvent ambigus entre monde de la recherche et sphère politique adopté ici permet d'explorer l'émergence des figures successives du migrant et de mieux comprendre la lente genèse de l'intérêt porté par les anthropologues à ce champ de recherche. Comment le « travailleur immigré » des années soixante est-il devenu un acteur à part entière ? Quelle place ont prise les femmes dans le traitement de la question ? Pourquoi certaines thématiques ont-elles été privilégiées plutôt que d'autres à certaines époques ? Quels sont les écrits et les personnalités scientifiques qui ont pesé dans le processus décrit ? Telles sont quelques unes des questions auxquelles des éléments de réponse sont apportés dans cet article.
    • L'ethnologue dans les réseaux économiques des femmes migrantes : modes de présence simultanée entre la France et l'Afrique - Jeanne Semin p. 101-113 accès libre avec résumé
      À travers une réflexion autour du concept d'ethnographie multi située, l'auteur se propose de redéfinir l'éclairage spécifique que peut apporter une démarche de type ethnographique à l'étude des migrations. Elle s'interroge autant sur l'actualité de la notion de territoire que sur la pertinence de l'idée d'un renouvellement méthodologique nécessaire à l'observation des sociétés dites postcoloniales. Sa question principale demeure de savoir comment observer, au sein des communautés transnationales, le lien entre des individus proches, mais que l'espace sépare. À partir d'une intégration au fil des réseaux féminins d'immigrés khassonkés en France, elle livre un exemple d'observation multi située et introduit la dimension cérémonielle des échanges dans la caractérisation du lien transnational.
    • Entreprendre une anthropologie des migrations : retour sur un terrain - Catherine Quiminal p. 115-132 accès libre avec résumé
      Alors que l'Anthropologie se donne pour objectif la connaissance de l'Autre, des cultures différentes, il est étonnant de constater que la présence de l'autre chez soi n'ait pas suscité plus d'intérêt chez les anthropologues français. Sans doute est-il périlleux, dans une conjoncture d'ethnicisation, voire de racisation d'isoler un groupe souvent originaire des anciennes colonies sans contribuer à ce processus, sans fabriquer de la distance culturelle. Cet article tente de restituer une expérience menée au début des années quatre-vingt associant au plus près l'ethnologue et ses sujets d'observation, jouant tout au long de son déploiement sur la réciprocité des regards dans l'objectif de réduire au maximum le processus d'altérisation. Le premier temps de cet article présente le contexte de double crise dans lequel se situent les migrants : construction d'une altérité radicale à travers la politique concernant le logement des immigrés notamment, crise identitaire des immigrés. Il rend compte ensuite des différentes étapes et des difficultés auxquelles la collaboration entre migrants et chercheurs à donné lieu : définition du terrain, formes des échanges, dits et non dits.
    • Saisir les identités en mouvement : parenté et histoires de familles turques en migration - Claire Autant-Dorier p. 133-151 accès libre avec résumé
      La question de l'approche anthropologique des migrations est abordée lors d'un parcours de recherche mené auprès de populations turques pendant plusieurs années. Dans la démarche de terrain, comme dans celle d'écriture, est identifié ce qui pourrait relever d'une spécificité de l'anthropologie : notamment une approche attentive au sens que les migrants donnent à leurs parcours, caractérisée par une ethnographie multilocalisée et le suivi des histoires de famille dans la durée. Le cheminement de la recherche a conduit à s'interroger sur les outils et ressources théoriques susceptibles de rendre compte des phénomènes observés. L'analyse des phénomènes migratoires apparaît de ce point de vue particulièrement propice à une remise en question des catégories de l'analyse (parenté, culture, tradition, intégration, etc.) et amène à repenser la question des appartenances. L'article examine comment s'opèrent les branchements culturels et les attachements en situation. Il défend une anthropologie des identités en mouvement, attentive à dépasser les habituels partages entre repli et intégration, tradition et modernité, mais aussi entre le chercheur et son « objet ».
    • La migration du folklore et des fêtes germaniques au Sud du Brésil - Séverine Malenfant p. 153-165 accès libre avec résumé
      Les fêtes germano-brésiliennes de l'État de Santa Catarina renvoient à l'histoire des colonies allemandes qui pendant longtemps formèrent des noyaux isolés, entretenant des liens avec la patrie-mère. Elles fondèrent des écoles, des églises et des institutions récréatives réélaborant la culture allemande. Or pendant les années trente, les valeurs du « Deutschtum » furent réprimées par le gouvernement brésilien et une mémoire clandestine se constitua, confinée au silence. Cette mémoire « souterraine » trouva toutefois un moment propice à sa résurrection dans les années quatre-vingt, grâce au plan de développement touristique. Si les fêtes furent fondées dans un objectif économique, elles ont aussi en commun la revalorisation d'une mémoire refoulée et silencieuse et la célébration d'une partie de la population locale. Elles apparaissent comme les formes d'actualisation les plus récentes de la culture germano-brésilienne, traduisant en brésilien l'orgueil des descendants d'Allemands.
    • Une élite transnationale : la fabrique d'une identité professionnelle chez les fonctionnaires du Haut Commissariat des Nations Unies aux Réfugiés - Marion Fresia p. 167-190 accès libre avec résumé
      À partir de l'analyse de quelques catégories émic, omniprésentes dans les discours des fonctionnaires internationaux du Haut commissariat aux réfugiés, cet article s'intéresse à la manière dont les membres d'une élite transnationale mobilisent continuellement des cadres de référence communs, leur permettant de créer un certain « ordre » institutionnel au-delà de la pluralité de leurs origines nationales et de leur dispersion géographique. Il s'intéresse plus particulièrement aux éléments cognitifs, idéologiques, rituels ou pratiques qui participent à la fabrique de leur identité professionnelle : oscillant entre élitisme et communautarisme, travail diplomatique et action humanitaire, l'auteure montre comment celle-ci s'élabore avant tout dans une recherche de distinction par rapport aux autres, tout en se construisant quotidiennement à travers la défense d'une cause commune, des formes de socialisation fortement ritualisées, des repères spatio-temporels similaires, et le partage des mêmes frustrations vis-à-vis de sa profession.
  • Note de recherche

  • Notes de lecture