Contenu du sommaire : Migrations en Asie centrale et au Caucase
Revue | Revue Européenne des Migrations Internationales |
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Numéro | Vol. 26, no 3, 2010 |
Titre du numéro | Migrations en Asie centrale et au Caucase |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Articles
- Éditorial - Gaëlle Lacaze, Delia Rahmonova-Schwarz, Stéphane de Tapia p. 7-8
- Migrations during the Soviet Period and in the Early Years of USSR's Dissolution: A Focus on Central Asia - Delia Rahmonova-Schwarz p. 9-30 Les flux contemporains de travailleurs migrants originaires du Kirghizstan, du Tadjikistan ou bien encore d'Ouzbékistan vers la Russie sont devenus un objet de recherche parmi les spécialistes de l'Asie centrale. Cet article vise à dresser un panorama de ces migrations du début de la période soviétique jusqu'aux premières années de la période post-soviétique. L'auteure décrit les dynamiques migratoires et la diversité des facteurs qui ont pu conduire à un accroissement ou à une restriction des flux. Elle analyse les conséquences du contrôle strict opéré sur les mouvements de populations et les déplacements forcés pendant le stalinisme et sur la composition ethnique de l'espace centre asiatique. Enfin l'auteure explore les politiques migratoires de l'Union soviétique liées à la gestion de la main-d'œuvre et au développement économique des terres vierges de Russie.Contemporary mass flow of labor migrants from particularly Kyrgyzstan, Tajikistan and Uzbekistan to Russia is a topic which has been increasingly attracting the attention researchers on Central Asia. Yet how new is this phenomenon really? This article illustrates migrations between Central Asia and Russia from the early years of the Soviet period until the beginning of a new era marked by the fall of the USSR. It explains the opportunities for and constraints on population mobility during the Soviet period. Strict control of population movements and forced resettlement programs which took place especially during the Stalinist period influenced the ethnic composition in the region. This article also elaborates on the party-state's management of labor force in the late 1970s and early 1980s especially state-supported migration to Russia to enhance production through the cultivation of virgin lands.
- La mobilité des migrants d'Ouzbékistan : transport, frontières et circulation migratoire - Julien Thorez p. 31-57 Depuis la fin des années 1990, la territorialité des populations centre-asiatiques d'Ouzbékistan se transforme rapidement, suite à l'émergence de migrations de travail, saisonnières et temporaires, qui questionnent le modèle de développement suivi depuis l'indépendance. Cette mobilité inédite, devant laquelle les autorités ont adopté une attitude ambiguë, s'inscrit dans des dynamiques globales et dans des dynamiques post-coloniales : structuré par des liaisons aériennes, ferroviaires et routières, l'espace de circulation des migrants s'étend de l'Asie orientale à l'Amérique du Nord, mais les principales destinations des travailleurs ouzbékistanais, qui sont majoritairement des hommes, sont la Russie et, secondairement, le Kazakhstan. Instaurant de nouvelles formes de dépendances, ces flux massifs renvoient à la trajectoire originale, du Nord vers le Sud, poursuivie par l'Ouzbékistan.Since the late 1990s, the territoriality of Central Asian populations of Uzbekistan is changing, due to the emergence of labour migrations. Facing this seasonal and temporary mobility, Uzbekistanis authorities adopted an ambiguous attitude, since the new territorial and social practices raise questions about the development model followed after independence. This unprecedented mobility is a part of global and post-colonial dynamics: the migratory space, which is structured by airline, train and bus networks, is stretching from East Asia to North America. Nevertheless, the main destinations of Uzbekistanis workers, who are mostly men, are Russia and, secondarily, Kazakhstan. Introducing new forms of dependency, these massive flows refer to the original trajectory pursued by Uzbekistan, from the “North” to the “South”.
- Le retour des migrants ou l'émergence des « nouveaux Ouzbeks » : les effets d'un rite de transition - Sophie Massot p. 59-84 Les migrations économiques contemporaines des Ouzbeks vers Séoul, Moscou et New York mettent en jeu des réseaux socio-familiaux, qui placent le migrant, avant, pendant et après sa migration au cœur d'un rite de transition qui permet de faire émerger, lors du retour, la catégorie socio-économique des « nouveaux Ouzbeks ». L'agrégation du migrant à un groupe est l'enjeu crucial lors du retour, via l'initiation qu'a constituée la migration et dont il est sorti victorieux. L'article explore les changements de fonction et d'attitude des différents membres de la parenté qui conduisent le migrant à donner un sens à son nouveau statut social. L'auteure s'intéresse aussi aux placements de l'argent amassé pendant la migration. Deux postes de dépenses importants apparaissent : l'organisation de célébrations fastueuses et l'acquisition de logements prestigieux, qui servent à être vu et reconnu en tant que personne riche, en tant que « nouvel Ouzbek ». Enfin, l'argent des migrations peut être utilisé pour favoriser de nouvelles mobilités, celles notamment de personnes de l'entourage des ex-migrants. Le rite de transition génère alors de nouveaux rites, malgré le silence du migrant sur ce qui s'est réellement déroulé à l'étranger.The contemporary economic migrations of the Uzbeks to Seoul, Moscow and New York bring into play social and family networks, which place migrants, before, during and after their migrations, in the heart of a rite of transition enabling the emergency, on their return, of a socio-economic category referred to as “the new Uzbeks”. Joining a group is the crucial stake for the migrants on their return via the initiation that such a migration constituted and which he came out of victoriously. First of all, the changes in the duties and behaviors of the various members in their families lead the migrants to give sense to his new social status. Then, they ought to invest the money accumulated during the migration. Two important items of spending emerge then: the organization of sumptuous celebrations and acquiring prestigious accommodation whose aim is to “show off” and be considered as a wealthy person, as a “new Uzbek”. Lastly, the money issued from these migrations may set off a renewal of mobility since it is often used for the departure of members of the ex-migrants' family circle: the rite of transition generates then new rites, even though the migrants keep silent on what really happened when they were abroad.
- Kazakhstan, Kirghizstan : les politiques migratoires au regard des droits de l'homme - Amandine Regamey, Katherine Booth p. 85-109 Basé sur une enquête et un rapport de la Fédération internationale des droits de l'homme de 2009, cet article évalue la politique migratoire du Kazakhstan et du Kirghizstan au regard des normes internationales qui définissent les droits des travailleurs migrants (notamment la Convention sur les travailleurs migrants de l'ONU et les conventions de l'OIT, qui entrent parfois en conflit avec des accords régionaux ou bilatéraux). Pays d'immigration, le Kazakhstan cherche avant tout à attirer une main-d'œuvre qualifiée, qui doit être remplacée à terme par des spécialistes kazakhes. Le système de quota et des règles très contraignantes limitent les possibilités pour les migrants de travailler légalement et condamnent à l'irrégularité la grande majorité d'entre eux. Maintenus dans une situation juridique et matérielle précaire, ceux-ci sont les plus susceptibles d'être victimes du travail forcé. Le cas du Kirghizstan, pays d'émigration, rappelle les responsabilités, mais aussi les difficultés d'un État de départ pour protéger ses ressortissants à l'étranger – comme le montrent les aléas des relations avec le Kazakhstan. Il permet aussi d'illustrer la manière dont les pratiques de gestion des migrations sont importées (en l'occurrence des Philippines), avec l'aide des organisations internationales et les limites de cette démarche.Drawing upon the findings of an investigation conducted by the International Federation for Human Rights in 2009, this article analyses the migration policies of Kazakhstan and Kyrgyzstan in light of the international standards defining the human rights of migrant workers and against a background of sometimes conflicting regional and bilateral commitments. As a country of immigration, Kazakhstan seeks to attract qualified migrant workers on a temporary basis, whilst training Kazakh nationals to replace them in the long-term. The restrictive and complex quota system severely limits the possibilities for migrants to work legally and the vast majority of migrant workers thus find themselves in an irregular situation. As a result of legal insecurity and material hardships, such migrants are vulnerable to abuse including forced labour. The example of Kyrgyzstan illustrates the responsibilities of a state of departure to protect its nationals abroad and the challenges faced. The article also examines how, with the support of international organisations, models for “managing” migration (such as that developed in the Philippines) are imported and explores the limitations of this approach.
- Post-Soviet Nation State as a Sponsor of Construction of the Ethno-National Diaspora: Azeri's Case - Sergey Rumyansev p. 111-131 La politique de constitution d'une diaspora ethno-nationale azeri commença à voir le jour de façon significative au début du XXIe siècle. Cependant, cette politique raisonnée fut précédée de différents évènements qui ont fait apparaître l'intérêt croissant de l'État pour les personnes d'ethnie azeri vivant dans différents pays du monde. L'auteur donne les résultats d'une recherche sur le processus de formation de politiques en faveur de la diaspora en Azerbaïdjan. Il en analyse aussi les buts et les mécanismes spécifiques. Le premier aspect renvoie aux effets de discours de vérité dans un contexte où la « diaspora » acquiert les traits d'une vaste communauté unifiée et homogène, unie par des buts communs. La seconde démarche relève de mécanismes bureaucratiques de co-production d'une structure organisationnelle hiérarchique. La bureaucratisation des réseaux sociaux azeris dans le monde intervient au cours des années 2000, avec pour conséquence la constitution d'une structure organisationnelle de la diaspora. Celle-ci est uniforme, du niveau local jusqu'à l'institution qui représente toutes les communautés ethniques, avec à sa tête un « Ministère des Diasporas », sous la tutelle du président pan-azeri.The policy of constructing an Azeri ethno-national diaspora started to be intensively implemented in the early 21st century. However, the formation of this purposeful policy was preceded by various events that demonstrated a constantly increasing interest on the part of the state in ethnic Azeris living in various countries of the world. This paper presents the results of the research into the process of formation of diaspora politics in Azerbaijan and also analyses the aims and specifics of the mechanisms of its implementation. The first one, the discourse practice, refers to the discursive effect of truth within the context of which “diaspora” acquires the features of a true, large, joint and homogenous community united by common goals. The second is the bureaucratic practice of the production of a hierarchically structured and co-subordinated organization structure. The bureaucratization of social networks of Azeris in the world occurs in 2000-th years, as a result of which an organizational structure of diaspora is constructed. This structure is uniform from local organisation up to those which represent all ethnic communities with “a Minister for the Diaspora” at its head and subordinated directly to the pan-Azeri president.
- Mouvements migratoires entre la Turquie et les Républiques turcophones du Caucase et d'Asie centrale : les impacts religieux - Bayram Balci, Stéphane de Tapia p. 133-152 Turquie, Azerbaïdjan et nouveaux pays indépendants d'Asie centrale partagent nombre de traits culturels, à commencer par l'appartenance au même groupe linguistique et, majoritairement, à l'islam Sunnite (ou Chiite dans le cas azerbaïdjanais). Cependant leurs histoires politiques ont largement divergé, et ce bien avant la mainmise russe puis soviétique sur les vastes territoires d'Asie centrale. Le retour à l'indépendance a autorisé de grands espoirs en Turquie, espoirs relevant aussi bien de la géopolitique que de l'économie et de la sphère linguistique et culturelle. De très nombreux accords bilatéraux ont été signés et l'Asie centrale turcophone a attiré de nombreux migrants turcs pour des raisons diversifiées. La présente contribution s'attache à l'examen d'un aspect moins connu, mais tout aussi important, celui de l'investissement religieux turc dans les territoires nouvellement indépendants, avec ses succès et ses déceptions, le tout sur fond de laïcité partagée théoriquement par la Turquie laïque kémaliste et les républiques centrasiatiques, soviétiques il y a encore peu de temps.Turkey, Azerbaijan and new independent countries of Central Asia share a lot of cultural elements, as belonging to the same linguistic family and, for a great majority, to Sunnî Islam, or in the case of Azerbaijan, to Shiî Islam. Nevertheless, their political histories have broadly diverged, since a long time, even before Russian and Soviet eras and political control on their territories. Return to political independence and sovereignty has authorised very great hopes and expectancies in Turkey, in various domains as geopolitics, economics, linguistic and cultural topics. A very great amount of bilateral agreements have been signed and Turkic speaking Central Asia has drained numerous Turkish migrants for diversified reasons. The present paper wants to examine a less studied, but very important, aspect which are those of the Turkish religious investments in these newly independent countries, with their successes and deceptions, even if Kemalist and secularist Turkey officially shares the same ideal of secularism with all these Central Asian republics which were members of Soviet Union, a few time ago.
Notes de recherche
- La diaspora kazakhe et la politique de rapatriement de la République du Kazakhstan - Gulnara Mendikulova p. 153-167
- Le choix du mouvement : stratégie(s) communautaire(s) des Kazakhs-Mongols - Gaëlle Lacaze p. 169-180
- The Impact of Labour Migration on Human Capital: The Case of Tajikistan - Saodat Olimova p. 181-197
- Réfugié ou déplacé ? Les enjeux d'une requalification : l'exemple de la Géorgie après la guerre de 2008 - Marc-Antoine Pérouse de Montclos p. 199-213
Notes de lecture
- Marlène LARUELLE, Dynamiques migratoires et changements sociaux en Asie centrale - Stéphane de Tapia p. 215-218
- Denys Cuche, La notion de culture dans les sciences sociales - Anahy Gajardo p. 218-221
- Emmanuel FilHol et Marie-Christine Hubert, Les Tsiganes en France, un sort à part 1939-1946 - Alexandra Nacu p. 221-222
- France GUÉRIN-PACE et Elena FILIPPOVA, Ces lieux qui nous habitent. Identité des territoires, territoires des identités - Caroline Rozenholc p. 223-226
- Sylvie MAZZELLA, La mondialisation étudiante. Le Maghreb entre Nord et Sud - Frédérique Giraud p. 226-228