Contenu du sommaire : Multinationales françaises et relations d'emploi dans les pays d'Europe centrale et de l'Est
Revue | Travail et emploi |
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Numéro | no 123, juillet-septembre 2010 |
Titre du numéro | Multinationales françaises et relations d'emploi dans les pays d'Europe centrale et de l'Est |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction - Annette Jobert p. 5-7
- Transfert du modèle social ou « dumping social » ? Les relations professionnelles dans des multinationales françaises des services en Europe de l'Est - Steve Jefferys p. 9-26 Depuis 1996, certaines multinationales françaises ont investi massivement en Europe centrale et de l'Est. Dans le secteur des services, les investissements directs à l'étranger ont fait de ces multinationales françaises des entreprises leaders dans le domaine du secteur hôtelier et de la grande distribution ainsi que des acteurs de premier plan dans les secteurs de la finance et de l'électricité. Cette recherche compare les modèles sociaux en place dans ces secteurs en Bulgarie, en Hongrie et en Pologne. Elle interroge la nature des investissements opérés par les multinationales : celles-ci cherchent-elles, dans une démarche de « dumping social », à se soustraire à un régime réglementaire jugé trop contraignant ? Leur implantation dans les pays de l'Est les a-t-elle conduit à affaiblir le modèle social français ? Cet article suggère qu'il n'en est rien. Les investissements réalisés dans le secteur des services visent d'abord à étendre leurs parts de marché. Les multinationales françaises ont maximisé leurs retours sur investissements. Elles n'ont pas encouragé les négociations collectives sectorielles ni l'implication des syndicats dans les prises de décisions. Mais là où les syndicats existent déjà, elles les ont reconnus et ils ont pu participer au dialogue social.Some French multinational companies invested massively in Central and Eastern Europe since 1996. Foreign direct investment in services has made France leaders in the hotel and retailing industries and major players in finance and electricity production and distribution. This study compares the social models in these industries in Bulgaria, Hungary and Poland and asks whether services FDI is ‘social dumping'to avoid a tighter regulatory regime in France and whether it has led to coercive comparisons tending to weaken the French social model ? This article suggests these have not been consequences. Service investments are primarily about increasing market share, and while French multinationals maximise returns on investments and have not encouraged sector collective bargaining or trade union involvement in decision-making, where trade unions already exist they have recognised them and participated in social dialogue.
- Internationalisation des entreprises et représentation des salariés. Le cas des multinationales françaises des services dans les pays de l'Est - Sylvie Contrepois p. 27-38 Cet article s'intéresse aux stratégies développées par les entreprises multinationales en matière d'internationalisation de leurs relations professionnelles. Dans quelle mesure et de quelle manière, par exemple, mobilisent-elles les canaux internationaux de représentation du personnel que sont les comités d'entreprise européens et les accords cadres internationaux ? La réflexion s'appuie sur une enquête menée auprès de huit entreprises multinationales françaises opérant principalement dans des secteurs de service et en cours d'implantation dans les pays d'Europe centrale et de l'Est. Elle met en évidence l'existence de deux dynamiques correspondant chacune à des stratégies de management. La première consiste en la systématisation d'une gestion très cloisonnée de chaque filiale. Elle a été observée dans le secteur des banques, de la grande distribution et de l'hôtellerie. La seconde consiste dans le développement de procédures internationales de gestion des ressources humaines et des relations professionnelles. Nous l'avons observée dans le secteur de l'énergie et de l'assurance. Ces deux stratégies ont des impacts très différents sur la capacité qu'ont les organisations professionnelles à développer elles-mêmes une approche internationale de la représentation du personnel.This article focuses on the international industrial relations strategies of multinational companies. To what extent and how do they use international channels of employee representation such as European Works Councils or International Framework Agreements ? We based our analysis on results from a research carried on eight French multinational companies operating mainly in services sectors and investing in Central and Eastern European countries. This research was founded by DARES between 2005 and 2008. It showed that two dynamics does exist and are linked to two different management strategies. The first one aimed at compartmentalise the management in each subsidiary. We observed it in the banking, retail and hotel sectors. To the contrary, the second strategy aimed at creating international management procedures. We observed it in the energy and in the insurance sectors. The effects of the two strategies on the trade unions'ability to develop an international approach are very different.
- Les relations sociales dans les multinationales françaises industrielles à l'Est : transfert, hybridation ou laboratoire de nouvelles pratiques ? - Violaine Delteil, Patrick Dieuaide p. 39-51 L'article s'interroge sur la place et le rôle des politiques de gestion des ressources humaines comme facteur de différenciation des modèles de relations sociales locales, entre les sites de différents groupes français et leurs filiales est-européennes. Il s'appuie sur un travail d'enquête réalisé auprès de huit multinationales françaises appartenant à trois secteurs d'activité (automobile, énergie, agroalimentaire) implantées dans trois nouveaux États membres (Hongrie, Slovaquie, Roumanie). La grille de lecture proposée pour décrypter ces politiques mobilise les notions d'hybridation et de compromis forgées par l'approche en termes de régulation et complétées par le courant « micropolitique » qui insiste sur l'importance des rapports de pouvoir comme facteur de différenciation de ces politiques. Plusieurs résultats ressortent de l'enquête. Deux modèles-types de gestion fortement corrélés à la structure du capital (actionnarial/familial) et au mode de gouvernance (centralisé/décentralisé) sont mis en évidence. L'enquête souligne également l'importance du dialogue social comme outil de gestion au service de la stratégie industrielle. Enfin, elle permet de dégager, pour les différentes firmes et leurs territoires d'implantation, plusieurs variantes locales de relations sociales.This paper explores the place and role of human resources policies as key-elements for the differentiation of social regulation models at local level, between the sites of various French groups and their East European subsidiaries. It is based on an empirical survey of eight French multinationals belonging to three industrial sectors (automotive, energy, food-processing), and present in three new member states (Hungary, Slovakia, Romania). In order to specify those policies, we use an analytical framework based on the notions of hybridization and compromise forged by the approach in terms of Regulation and completed by a «micro-political» approach focusing on power relations and their influence on the way these policies are locally transferred. The main results of this enquiry are the following. Two models-types of management strongly correlated to the structure of property (shareholder/domestic) and the mode of governance (centralized/decentralized) are put into evidence. The survey also underlines the relevance of labor-management dialogue as a tool serving the firm's strategy. Finally, it's specifies, for the different firms and their territories of location, several local variants of social regulation.
- Les comités d'entreprise européens dans l'UE élargie : entre outil de gestion et levier syndical - Violaine Delteil, Patrick Dieuaide p. 53-65 Le présent article s'interroge sur la place et le rôle des comités d'entreprise européens (CEE) dans le contexte de l'Europe élargie. Il s'appuie sur un travail d'enquête réalisé auprès de huit multinationales françaises appartenant à trois secteurs d'activité (automobile, énergie, agroalimentaire) implantées dans trois nouveaux États membres (Hongrie, Slovaquie, Roumanie). Accordant une attention particulière aux buts, aux motivations et aux stratégies d'acteurs parties prenantes des CEE (représentants salariés comme directions centrales), l'enquête met en lumière la diversité des usages dont font l'objet ces nouvelles structures de dialogue social transnational. A des degrés divers selon les firmes, ces dernières apparaissent comme des « structures porteuses d'intérêts politiques ». Pour les représentants salariés issus de différents territoires, les CEE peuvent servir d'appui pour revendiquer la mise en place de régulations transnationales, ou d'instrument pour rehausser les régulations locales défaillantes (notamment dans les filiales est-européennes). Pour les directions, les CEE ne sont pas moins stratégiques. Mobilisées à l'occasion comme support pour le pilotage des politiques RH à l'échelle mondiale, ces nouvelles structures jouent plus sûrement une fonction (implicite) de rénovation des modalités et finalités du dialogue social, dans un sens plus conforme aux impératifs managériaux.This paper investigates the role played by European Work Council (EWC) in the context of the enlarged Europe. It is based on an empirical survey of eight French multinationals belonging to three industrial sectors (automotive, energy, food-processing), and present in three new member states (Hungary, Slovakia, Romania). Focusing on the strategies of employee representatives and top managers respectively engaged in the EWC, the case studies highlight the various ways in which, more or less strategically, actors use those new structures of transnational social dialogue. Differently according to firms, EWC appeared to be “structures of political interest”. For employee representatives belonging to different EU territories, EWC could be an instrument for calling in favour of transnational regulations, or a tool for improving the low quality of local regulations, especially in the eastern-european subsidiaries. For the top management, EWC are not less strategic. Reinforcing in some rare cases the coordination of HR policies at a global level, those new structures are more often used by the directions for changing the terms and purposes of the social dialogue, in a way more adapted to the new managerial requirements.
- Europe centrale et de l'Est : une amplification de nouvelles pratiques de dialogue social de l'industrie ? - Guy Groux p. 67-76 Ce texte repose sur une enquête effectuée dans huit groupes industriels français et dans leurs filiales en Europe de l'Est. Il insiste sur un type particulier de dialogue social : le dialogue social managérial. Dans l'entreprise, celui-ci implique le primat des impératifs économiques au sein des relations sociales. Il s'appuie sur la hiérarchie mais aussi sur deux autres axes : la négociation collective qu'il transforme en outil de gestion au service de la stratégie industrielle ; les évolutions du droit social. Apparu en France, où il procède de plus en plus de l'accord collectif, le dialogue social managérial s'étend ensuite à l'Est mais en accordant un rôle toujours central à la gestion informelle des relations sociales et des revendications. Dès lors, comment les évolutions du dialogue social en France et à l'Est se situent-elles face aux principes et traditions qui marquaient à l'origine, les relations professionnelles en Europe occidentale et se fondaient sur deux registres : la négociation et/ou le droit ? C'est sur cette question que l'auteur conclut son texte.This text is the result of fieldwork research among eight French industrial groups and their subsidiaries in Eastern Europe. It focuses on a specific notion, the “managerial social dialogue”. This type of dialogue implies the prevalence of economic imperatives and industrial strategy within the social relations. Originating from France, the managerial social dialogue lies on the informal relations but tends to evolve today towards the collective bargaining and the evolution of social rights. In the (CEEC), where it has appeared at a later time, the managerial social dialogue lies only on the informal management of social relations and even worker's claims. In the end, the text questions the positioning of the evolutions of the social dialogue in France and in the CEEC, especially in regards to the principles of the industrial relations in Western Europe, whose two original funding bases are the collective bargaining and/or legal social rights.