Contenu du sommaire : Réparations, restitutions, réconciliations entre Afriques, Europe et Amériques

Revue Cahiers d'études africaines Mir@bel
Numéro no 173-174, 2004
Titre du numéro Réparations, restitutions, réconciliations entre Afriques, Europe et Amériques
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Héritages et réparations en quête d'une justice pour le passé ou le présent - Bogumil Jewsiewicki p. 7-24 accès libre
  • Positions, réflexions, histoire

    • Comprendre les réparations : Une réflexion préliminaire - Kwame Anthony Appiah p. 25-40 accès libre avec résumé
      Cet article présente une analyse préliminaire de la logique morale qui sous-tend les revendications de réparations de groupe pour les violations massives des droits de l'homme telles que l'esclavage, l'apartheid, le colonialisme et le génocide. Je commence par la justification des réparations dans des cas individuels. Typiquement, un « auteur » fait du tort à une victime, puis offre une réparation à cette victime. J'examine un certain nombre de raisonnements qui autorisent cette pratique. La réparation est perçue comme un moyen de rétablir la victime, d'exprimer la reconnaissance d'un tort, de rétablir la relation entre la victime et l'auteur. Je montre que toutes ces théories s'accompagnent de difficultés pour les types de réparations que nous abordons ici. D'abord, tant la victime que l'auteur sont des groupes et certains de ces groupes ne remplissent pas les conditions nécessaires à l'action collective. Ensuite, les victimes sont décédées depuis longtemps. Dans une perspective de regard vers l'avenir, j'avance enfin que plusieurs raisons favorisent les transferts de ressources à grande échelle que les arguments en faveur des réparations cherchent à justifier par des considérations qui privilégient un regard tourné vers le passé.
    • La politique de Réparation dans le contexte de la mondialisation - J. F. Ade Ajayi p. 41-63 accès libre avec résumé
      La Réparation désigne le besoin de corriger le mal fait aux Africains et aux personnes d'origine africaine par la traite des esclaves, la colonisation et la néo-colonisation pour leur permettre d'être plus compétitifs dans le contexte mondial, de renverser leur longue histoire de sous-développement et de reprendre le train du développement. C'est ce qui a été fait pour l'abolition de la traite des esclaves, pour leur émancipation puis, plus tard, pour le Mouvement pour les droits civils et pour le programme d'affirmative action dans le but de corriger les lourdes injustices qui pesaient contre les Africains. Le problème est de faire accepter cet argument par les racistes qui soutiennent que ce n'est pas la traite des esclaves qui a produit le racisme, mais que la traite des esclaves était due au caractère profondément arriéré des Africains. Dans une loi de mai 2001, le parlement français a reconnu la traite négrière comme crime contre l'humanité et a fait en sorte qu'elle soit enseignée dans les écoles et dans les universités. Pourtant, lors de la Conférence mondiale de Durban contre le racisme, boycottée par les États-Unis, la délégation française ne s'est pas jointe à ceux qui demandaient que la traite des esclaves et le colonialisme soient reconnus comme un crime contre l'humanité et comme un péché.
    • Le passé comme blessure et le passé comme masque : La réparation de la traite négrière et de l'esclavage pour les peuples des départements français d'Outre-mer - Michel Giraud p. 64-79 accès libre avec résumé
      Rapidement, derrière la réclamation de la réparation morale des crimes contre l'humanité que constituent la traite négrière et l'esclavage dans les colonies françaises durant deux siècles, pointent des revendications de réparations matérielles de ces crimes. À l'inverse de ladite réparation, ces revendications paraissent n'avoir que très peu de possibilité d'être effectivement satisfaites et ne présenter qu'une faible légitimité à l'être. Et ce, principalement, parmi d'autres facteurs, du fait de l'éloignement dans le temps des crimes en question. C'est que s'il est vrai que bien des inégalités que connaissent les peuples des départements français d'Outre-mer portent encore la marque de l'oppression esclavagiste passée, il n'est pas moins certain qu'elles ne sont pas à combattre en fonction du passé, mais relativement a des dominations présentes.
    • Reparations to Africa and the Group of Eminent Persons - Rhoda E. Howard-Hassmann p. 81-97 accès libre avec résumé
      Les réparations pour l'Afrique et le Groupe de personnalités éminentes. Cet article débute par une discussion sur les revendications de réparations pour l'Afrique présentées lors de la Conférence internationale des Nations Unies contre le racisme qui s'est tenue à Durban en septembre 2001. Ces revendications émanent, à l'origine, du Groupe de personnalités éminentes mis en place au début des années 1990 par l'Organisation de l'unité africaine (OUA) dans le but de demander réparation pour l'esclavage et peut-être pour d'autres torts commis contre l'Afrique, notamment le colonialisme et le "néo-colonialisme". En 2002, seuls trois membres de ce groupe étaient encore actifs: Jacob Ade Ajayi, Ali A. Mazrui et Dudley Thompson. Nous les avons interviewés en décembre 2002 et exposons ici leurs points de vue. Nous abordons également les précédents en matière de réparation, notamment les réparations offertes aux Juifs pour l'Holocauste et les demandes de réparations pour les Afro-Américains. Nous terminons par une évaluation des chances de développement d'un grand mouvement social en faveur des réparations pour l'Afrique. Le Forum des organisations non gouvernementales à Durban a affiché son soutien à une telle démarche, mais cette position n'a pas ou peu été suivi d'effets. Depuis 2003, très peu de groupes se consacrent à la question des réparations. Par ailleurs, le Groupe des personnalités éminentes n'a pas réussi à formuler ses revendications d'une manière convaincante pour ceux à qui elles s'adressent.
    • Amnistie et crime en Afrique du Sud après la Commission « Vérité et réconciliation » - Graeme Simpson p. 99-126 accès libre avec résumé
      À travers le prisme de l'expérience sud-africaine, cet article s'intéresse aux principaux dilemmes associés à la relation entre violence politique et violence criminelle dans une société qui émerge d'un conflit violent et qui bâtit une démocratie embryonnaire. Cet article défie ceux qui se préoccupent de la réforme institutionnelle dans le domaine de la justice pénale et ceux qui travaillent dans le domaine de la justice transitionnelle de s'engager plus activement et d'une manière interdisciplinaire afin d'affronter résolument la ligne souvent floue qui sépare la politique du crime. Par une étude illustrative, nous nous livrons à une analyse des anomalies du processus d'amnistie de la TRC qui prévoyait que les auteurs de crimes demandant l'amnistie devaient apporter la preuve que les violences avaient été commises pour des motifs politiques ou au nom d'une organisation politique connue. À partir de là, nous attirons l'attention sur la nécessité de comprendre les continuités et les ruptures dans les modes de violence observés dans les sociétés en transition. Nous concluons que l'étude de la violence dans la transition (et non pas seulement la justice en transition) est essentielle si nous voulons répondre au défi qui consiste à établir une distinction claire entre la violence politique et la violence criminelle dans les démocraties émergeantes.
    • Réflexions sur deux mémoires inconciliables : celle du maître et celle de l'esclave : Le cas d'Haïti - Gérard Barthélemy p. 127-139 accès libre avec résumé
      En s'appuyant notamment sur le cas d'Haïti, l'auteur tente de démontrer qu'il est pratiquement impossible qu'anciens maîtres et anciens esclaves puissent commémorer de façon conjointe la fin de l'esclavage ou l'émancipation générale. En effet, les deux protagonistes ne sauraient partager une vue commune de leur passé et, si le paysan Haïtien d'aujourd'hui ne conserve plus, par exemple, que le souvenir de la fin de la contrainte exercée sur lui ainsi que celui d'une victoire sur son ancien maître, ce dernier par la charte de Charles X en 1825 n'a fait autre chose, en réalité, que remettre en oeuvre la pratique traditionnelle de l'émancipation telle que prévue par le Code Noir. Il restera donc au maître à se libérer, notamment du préjugé de couleur, en renonçant au statut qu'il a inventé de toute pièce pour définir et justifier l'esclavage, et notamment le droit de propriété d'un homme sur un autre. L'auteur souligne que là où le maître voit une inégalité de nature, l'esclave ne perçoit qu'une inégalité de condition. Ces deux regards sont donc parallèles et le maître, trop souvent, cherche à se faire une gloire de sa mansuétude alors qu'il oublie sa responsabilité.
    • Réparation, récupération et dette coloniale dans les romans congolais récents - Désiré Kazadi Wa Kabwe p. 141-150 accès libre avec résumé
      Les jeunes émigrants africains, en général, et congolais, en particulier, ont fait de la philosophie de « réparation et réconciliation » ou encore de la « dette coloniale », le principal moteur de leurs agissements, tant dans leur pays d'origine que dans leurs pays d'accueil. Ces derniers reprennent pour leur compte le discours politique, en le transformant en une dynamique de positionnement et repositionnement sociale face aux anciennes puissances coloniales. Le but de cette communication est d'établir si cet argument, tel qu'il est représenté dans les oeuvres littéraires, doit être considéré comme une stratégie de survie pour ses adhérents ou plutôt comme une justification pour des comportements socio-économiques. Puis, quels sont les ambitions et le rôle joués par les écrivains congolais en se servant de cet argument comme thème littéraire récurrent ? Cette fascination révèle-t-elle un désir de créer un modèle ou est-elle plutôt une manière de dénoncer et de démanteler un argument qu'ils jugent préjudiciable et trompeur ?
    • Essai sur le politique en tant que forme de la dépense - Achille Mbembe p. 151-192 accès libre avec résumé
      La plupart des chroniques consacrées aux guerres africaines sous-estiment la centralité que celles-ci ont fini par prendre dans la représentation que le sujet africain contemporain se fait de la vie, du politique en général et de sa relation avec la mort en particulier. De fait, lors de périodes plus ou moins prolongées de l'histoire récente de plusieurs pays, donner la mort a eu tendance à devenir aussi bien ce par quoi l'on crée un monde que le monde même que l'on fait être ou que l'on construit. La guerre a été à l'origine de situations extrêmes et a octroyé à la mort une place centrale aussi bien dans les processus de constitution de la réalité que dans l'économie psychique en général. S'appuyant sur le concept ? développé par Bataille ? de la dépense, cette étude analyse quelques-unes des manières d'imaginer le politique qui, dans l'Afrique contemporaine, accordent une place centrale à la pensée et à la pratique du pouvoir comme pensée et pratique de la guerre. Pour ce faire, elle identifie un ensemble d'éléments structurants des conditions matérielles de la vie dans l'Afrique du dernier quart du XXe siècle. Elle examine ensuite trois formations de l'imaginaire qui, s'enchevêtrant et se relayant sans cesse, dessinent autant de figures de la lutte politique et de la guerre en tant que prise sur les corps, sur les choses et sur la vie.
  • Enjeux nationaux : études de cas

    • Histoire, justice et politique : À propos de la commission d'enquête sur l'assassinat de Patrice Lumumba, instituée par la Chambre belge des représentants - Gauthier de Villers p. 193-220 accès libre avec résumé
      En mars 2000, le Parlement belge instituait une commission d'enquête chargée d'établir les responsabilités éventuelles d'acteurs politiques belges dans l'assassinat de Patrice Lumumba, commis le 17 janvier 1961. La commission mise en place est dotée des pouvoirs d'un juge d'instruction. Elle fait appel à un collège d'experts dominé par des historiens. Le discours officiel charge la commission de faire oeuvre de vérité au nom d'un devoir de mémoire et de justice, et en vue d'une réconciliation entre peuples belge et congolais. En fait, la création de la commission s'explique surtout par des facteurs de politique intérieure en même temps que par les ambitions diplomatiques que la Belgique a retrouvées en Afrique centrale. L'article met en cause la confusion qui en découle entre les registres de l'histoire, de la justice et de la politique. Il procède à la critique de la démarche d'investigation et d'analyse suivie par la commission, mais il montre en quoi et pourquoi cette commission, en dépit des limites et des biais de son travail, a abouti à mieux établir et faire reconnaître les responsabilités de la Belgique dans ce crime politique.
    • Lumumba, drame sans fin et deuil inachevé de la colonisation - Jean Omasombo Tshonda p. 221-261 accès libre avec résumé
      L'image de Patrice Lumumba, fortement associée à la proclamation de l'indépendance du Congo-Za ïre, symbolise la « mémoire congolaise », et devient même sa principale référence. Des tentatives menées par les pouvoirs en place pour les dissocier continuent d'échouer, comme pour exprimer l'embarras causé par son « élimination définitive ». La résistance (image) persistante de la victime met mal à l'aise ses bourreaux, la débâcle permanente du Congo contribue à perpétuer le deuil.
    • Les réparations en Afrique australe - Warren Buford, Hugo van der Merwe p. 263-322 accès libre avec résumé
      Cette étude vient compléter une littérature toujours plus importante sur les réparations aux victimes de violations des droits de l'homme dans le contexte d'une transition politique. Nous examinerons comment l'Afrique du Sud, le Malawi, le Zimbabwe, la Namibie et le Mozambique ont élaboré des programmes officiels et non judiciaires de réparations aux victimes/survivants de violations des droits de l'homme. Les recherches empiriques, regroupées avec la collaboration des organisations de droits de l'homme en Afrique australe, complètent une littérature et un cadre théorique sous-développés sur la question des réparations en général et en Afrique en particulier. Les réponses apportées dans cette analyse offrent une base de réflexion pour les futures études sur ce sujet dans le domaine de la justice transitionnelle. Tous les cas abordés ici montrent que la réparation n'a pas grand sens sans « redevabilité » et sans reconnaissance ? deux objectifs de la justice transitionnelle. Tout en étant un élément du processus plus large de justice transitionnelle, un programme de réparations global doit aborder des thèmes tels que la vérité, de la justice et de la « redevabilité ». Ces processus sont à l'origine d'une prise de conscience sociale des violations qui place la demande de réparations dans l'arène publique. Les mesures de réadaptation, de mise en mémoire symbolique et de cicatrisation collective occupent une place importante dans le discours sur les réparations dans ces cinq pays. Sans faire abstraction des forces politiques en jeu, il est évident que les décisions des gouvernements en matière de justice transitionnelle influencent (de manière positive et négative) l'élaboration (ou la non-élaboration) des programmes de réparations. Bien que la réparation soit considérée comme un mécanisme parmi d'autres dans le cadre plus large de la justice transitionnelle, elle doit être aussi perçue comme un processus dynamique qui, comme le processus de décision en justice transitionnelle en général, dépend de forces culturelles, économiques, politiques et sociales qui varient selon les contextes. Cette étude propose que la réparation soit désagrégée et démêlée pour être analysée comme un élément permanent de la justice transitionnelle. Il est aussi important d'abandonner les idées traditionnelles selon lesquelles la « réparation » n'est qu'un synonyme de restitution ou d'indemnisation.
    • Histoire, mémoire, réconciliation en Afrique du Sud : Le Monument aux Voortrekkers, cinquante ans plus tard Histoire d'une auto-réconciliation - Rehana Vally p. 323-341 accès libre avec résumé
      La réconciliation en Afrique du Sud est un facteur crucial pour une reconstruction réussie de la nation. L'une des conditions essentielles à la réconciliation est l'effacement progressif des différences entre le Nous et les Autres institutionnalisées par l'apartheid. Le cinquantième anniversaire du Monument aux Voortrekkers démontre une réalité bien différente dans certains segments de la population sud-africaine. Même s'il ne s'agit que d'une poignée d'Afrikaners blancs réunis autour du monument, la réconciliation avec l'Autre n'a pas vraiment voix au chapitre de leurs festivités. Cet article examine aussi le lien entre la nécessité d'une réconciliation nationale et le statut politique du Monument aux Voortrekkers.
    • “Nkosi Sikelel' iAfrika”. From Independent Spirit to Political Mobilization - Bennetta Jules-Rosette, David B. Coplan p. 343-367 accès libre avec résumé
      "Nkosi Sikelel' iAfrika". De l'esprit indépendant à la mobilisation politique. "Nkosi Sikelel' iAfrika" (Que Dieu bénisse l'Afrique), connu comme l'hymne africain, est un signifiant puissant pour le deuil, la rédemption et la célébration. Les tonalités méthodistes et les paroles du chant puisent leurs racines dans les contacts culturels avec les missionnaires. Ce chant occupe aussi une place importante dans le répertoire cérémonial de nombreuses églises indépendantes et a été traduit en plusieurs langues. Il fut également adopté par l'African National Congress (ANC) puis par l'État sud-africain sous Nelson Mandela comme hymne national. Dans ses versions religieuses, le texte met l'accent sur le deuil du passé africain et se présente comme une prière pour la rédemption par Jésus et le Saint-Esprit. Les versions séculaires éliminent toute référence à Jésus et insistent sur l'inspiration spirituelle et l'élévation morale nécessaires aux dirigeants africains. Dans la version religieuse, l'Afrique occupe alors de manière métonymique la place d'un ancêtre disparu, vivant dans l'éternité en attendant la rédemption. Le chant politique transforme cette éternité en un présent dynamique, une vision de progrès. C'est à la fois un chant funèbre, un appel à l'espoir et un cri de joie. L'analyse des différentes versions de ce chant montre comment les notions de deuil et de rédemption influencent les idéaux religieux et la mobilisation politique. Les notions millénaires de temps se mêlent aux réalités politiques dans lesquelles l'Afrique devient elle-même la victime et l'héroïne d'un nouveau récit. Nous concluons cet article par une discussion sur le deuil comme paysage de mémoire et pratique symbolique dans les religions populaires et civiles en Afrique.
    • La stèle éthiopienne de Rome : Objet d'un conflit de mémoires - Éloi Ficquet p. 369-385 accès libre avec résumé
      En mars 1937, un an après la conquête de l'Éthiopie par l'Italie, les forces d'occupation fascistes décidaient de prendre comme trophée de guerre une des stèles géantes d'Axoum, le plus haut lieu de l'Éthiopie antique. Ce monument haut de 24 mètres fut installé à Rome, parmi les obélisques témoignant de la grandeur de l'Empire romain, avec laquelle le régime de Mussolini voulait renouer. Après-guerre, le traité de paix signé par l'Italie prévoyait au chapitre des réparations de guerre que les pièces du patrimoine éthiopien qui avaient été pillées fussent rendues. Jusqu'à aujourd'hui la stèle a fait l'objet d'un contentieux entre les deux pays. Le processus de restitution n'a véritablement pris forme que depuis quelques années, sous la pression d'intellectuels ayant donné un puissant écho médiatique à cette revendication dans le sentiment national éthiopien. Après quelques tergiversations, la stèle éthiopienne de Rome a récemment été démontée, et attend encore que les problèmes de transport soient résolus avant de pouvoir retrouver son site d'origine. Pour examiner ce cas de restitution et discuter des limites de son extrapolation dans la jurisprudence sur les biens culturels illégalement acquis, cet article s'applique à situer ce monument dans une histoire longue des usages politiques du patrimoine archéologique et des références à l'Antiquité qui structurent fortement les mémoires nationales, tant en Italie qu'en Éthiopie.
    • Mémoires visuelles et virtuelles à l'île de la Réunion - Françoise Vergès p. 387-399 accès libre avec résumé
      Dans les sociétés issues de l'esclavage, le musée est envisagé comme une des formes de réparation où le « devoir de mémoire » serait mis en scène, le crime dénoncé et la résistance des esclaves commémorée. Dans cet essai, l'auteure revient sur la relation entre mémoire et représentation. Elle tente de répondre à la question : le musée est-il le meilleur espace de représentation de la mémoire de l'esclavage ? L'espace muséal lui-même, qu'il présente une lecture pédagogique ou une mémoire plus populaire, est-il l'espace de représentation le plus adéquat pour représenter « les mondes » de l'esclavage, les mémoires croisées et multiples et les processus de créolisation à l'?uvre ? Pour répondre à ces questions, l'auteure s'appuie sur l'exemple de l'île de la Réunion, ancienne colonie française esclavagiste sans population native et où les processus de créolisation ont profondément modelé la société et la culture. Au-delà de cet exemple, l'essai pose la question de la représentation d'un système qui perdure où le corps humain est transformé en matière brute à exploiter, annihiler et trafiquer.
    • Les enjeux actuels des débats sur la mémoire et la réparation pour l'esclavage à l'île Maurice - Laval Jocelyn Chan Low p. 401-418 accès libre avec résumé
      Dans l'île Maurice plurielle, les débats autour de la mémoire et de la réparation pour l'esclavage se déroulent sur fond de « malaise créole », résultant d'une perception de marginalisation et d'exclusion de cette communauté des fruits du développement économique. L'émergence du discours du malaise créole est étroitement associée à une tentative de ce groupe, majoritairement de foi catholique, de se forger une nouvelle identité ethnique à l'intérieur d'un système hautement ethnicisé, comme prélude à la mobilisation sociopolitique. Le groupe créole va ainsi se (re)fonder autour de l'esclavage et de la commémoration du 1er février, date anniversaire de son abolition, pour réclamer un programme d'empowerment tant au niveau culturel, social et économique comme réparation pour les torts causés par l'esclavage. Si les demandes identitaires ont été prises en compte à la fois par l'État et par la hiérarchie de l'Église catholique, les demandes de réparation économique, voire de compensation financière individuelle, suscitent en revanche controverses et questionnements dans une société pluriethnique qui a connu à la fois l'esclavage et l'engagisme indien. Cependant, les émeutes sanglantes de février 1999 ont démontré clairement l'urgente nécessité d'élaborer de nouvelles solidarités entre l'État, le secteur privé et la société civile dans son ensemble pour combattre l'exclusion de groupes vulnérables dans une société inégalitaire à l'heure de la globalisation.
  • Dossier BRUNDI

  • Dossier BURUNDI

  • Notes et document

  • Chronique bibliographique