Contenu du sommaire : Varia

Revue Cahiers d'études africaines Mir@bel
Numéro no 177, 2005
Titre du numéro Varia
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Claude Meillassoux (1925-2005) - Jean Copans p. 5-13 accès libre
  • La féminisation de la coutume : Femmes possédées et transmission religieuse en pays bulongic (Guinée-Conakry) - David Berliner p. 15-37 accès libre avec résumé
    Les Bulongic ont jadis été d'« irréductibles fétichistes ». L'année 1955, avec le passage d'un expert musulman, connu sous le nom d'Asékou Bokaré, mettra un terme définitif à ces pratiques rituelles, que mes interlocuteurs désignent par le terme « coutume ». Pourtant, en l'absence d'initiation, de masques et de forêts sacrées, se jouent, aujourd'hui encore, de subtils processus de transmission qui donnent à penser que la société bulongic, bien que transformée par cinquante années d'islamisation, participe encore de cet univers pré-islamique. Dans cet article, est mis en lumière le rôle crucial joué par les femmes bulongic dans cette dynamique de transmission religieuse, un processus que j'appelle la « féminisation de la coutume ». À partir de la description ethnographique de leur association rituelle, j'invite à repenser le rôle des femmes dans la pratique et la transmission religieuses ainsi qu'à reconsidérer leur capacité à défier le pouvoir des hommes dans cette société.
  • The Seen, the Unseen, the Invented : Misrepresentations of African "Otherness" in the Making of a Colony. Eritrea, 1885-1896 - Silvana Palma p. 39-69 accès libre avec résumé
    Le vu, le non vu, l'inventé. Trompeuses représentations de l'altérité africaine dans la construction d'une colonie. L'Érythrée 1885-1896. Au tournant du XIXe siècle, la production de connaissances sur l'altérité africaine et sur la réalité coloniale était le résultat de divers regards et perceptions, parmi lesquels la photographie a joué un rôle non négligeable. Cet article identifie les thèmes et méthodes de la photographie au début de l'autorité italienne en Érythrée comme une première étape vers la clarification des origines et de l'articulation de la mémoire historique qu'elle a contribué à créer, et qui perdure aujourd'hui, à bien des égards inchangée. Décoder la manière dont l'Afrique a été perçue signifie comprendre les mécanismes par lesquels il a été possible de créer une perception spécifique de l'Afrique, et mettre en lumière le cadre idéologique qui, dans la société coloniale, a déterminé les relations entre les colonisés et les colonisateurs.
  • Continuité et rupture dans les représentations du pouvoir politique au Bénin entre 1972 et 2001 : Le président Mathieu Kérékou. Du militaire-marxiste au démocrate-pasteur - Camilla Strandsbjerg p. 71-94 accès libre avec résumé
    Cet article s'intéresse aux transformations du langage politique au Bénin et plus particulièrement aux parallèles qui existent entre l'influence pentecôtiste à partir de l'ère démocratique et l'impact marxiste durant le régime autoritaire de 1972-1990. À travers une analyse du discours du président Mathieu Kérékou, insistant notamment sur la transformation politique qu'il a pu mettre en scène grâce à un discours chrétien pentecôtiste à partir de 1996, il montre comment les empreintes religieuses jouent un rôle particulièrement important dans ces transformations. Il illustre notamment comment le discours pentecôtiste et celui de la démocratie et de la bonne gouvernance, tout en faisant partie de tendances « globales », s'inscrivent localement dans un contexte spécifique où ils prennent sens en participant, avec l'ensemble des traditions religieuses et politiques, à la construction de l'imaginaire du nouveau système démocratique.
  • Griaule's Legacy: Rethinking “la parole claire” in Dogon Studies - Andrew Apter p. 95-129 accès libre avec résumé
    L'héritage de Griaule : repenser la Parole claire dans les études dogon. Comment lire l'oeuvre de Griaule et évaluer son héritage ethnographique ? Que peut-on tirer de son projet ethnophilosophique ? Pour répondre à ces questions, je propose une relecture critique de son ethnographie dogon ainsi qu'un nouveau modèle du savoir ésotérique qu'il prétendit révéler. Ma relecture s'appuie sur deux approches méthodologiques qui redéfinissent le projet exégétique en des termes socialement plus dynamiques. La première approche, qui se fonde sur ma recherche sur les Yoruba au Nigeria, s'appuie sur l'hypothèse selon laquelle les niveaux ésotériques des systèmes philosophiques africains sont en réalité indéterminés et instables, et cette capacité à contredire ou bouleverser le savoir officiel ou ésotérique rend le savoir secret opératoire et donc puissant. La seconde approche méthodologique fait passer l'analyse élaborée de la langue et du symbolisme dogon de l'École de Griaule au niveau de l'analyse pragmatique, plaçant les symboles et schémas dominants ainsi que les genres discursifs rituels dans leurs contextes perfomatifs. En nous concentrant sur les actes de langage, les locatifs, le glissement pronominal et les idées qu'ont les Dogon de leur mise en scène linguistique, nous pouvons revenir sur les riches matériaux dogon et en tirer un modèle dynamique de l'action critique comme l'héritage durable de « la parole claire ».
  • Les Garifunas : Entre « mémoire de la résistance » aux Antilles et transmission des terres en Amérique centrale - Nicolas Rey p. 132-163 accès libre avec résumé
    En 1802, des Noirs libres issus de Saint-Vincent et de Saint-Domingue, îles de la Caraïbe échappant alors à l'influence française, fondent la ville de Livingston, sur la côte atlantique du Guatemala, en plein territoire espagnol. Encore aujourd'hui, leurs descendants, les Garifunas, rappellent régulièrement dans les rituels ne devoir leur survie en Amérique centrale qu'à la résistance première des ancêtres, menée aux Antilles (XVIIe-XVIIIe siècles). En retraçant cette histoire, nous constaterons que derrière « l'arbre » de la fondation de Livingston, au Guatemala, se cache une « forêt », celle effectivement d'hommes qui luttèrent pour la terre et la liberté, en étant impliqués directement et dans la continuité, des Révolutions française et haïtienne (1791-1804), aux indépendances du Nouveau Monde. En confrontant cette histoire reconstruite à partir de documents écrits extraits des archives du Guatemala, de Cuba et de Guadeloupe, avec l'histoire orale et les rituels des Garifunas aujourd'hui, il est également apparu que ce passé de résistance reste de nos jours central pour l'unité et le contrôle de l'ensemble du groupe : après enquêtes sur le terrain, il s'avère que les trois fondateurs de Livingston identifiés, impliqués dans les soulèvements aux Antilles contre les colons il y a plus de deux cents ans, détiennent toujours aujourd'hui le contrôle sur la terre et le culte des ancêtres garifunas à travers leurs descendants directs d'Amérique centrale.
  • Pour une généalogie de l'africanisme portugais - Elisabetta Maino p. 166-215 accès libre avec résumé
    L'article retrace le processus d'élaboration des savoirs sur l'Afrique, dans le domaine des sciences sociales, en le resituant dans les contextes socio-politiques qui ont influencé l'espace de production portugais. Il distingue trois périodes qui sont autant de ruptures : découverte, institutionnalisation, émancipation, et en décrit les spécificités et les orientations principales s'appuyant sur des exemples paradigmatiques. Il s'interroge sur les conditions de production, ainsi que sur le statut des écrits et des producteurs de savoir. Il avance l'hypothèse selon laquelle la forclusion et l'autarcie du dispositif institutionnel de rationalisation du savoir fut, pendant la période coloniale, une conséquence des transformations politiques et non pas une caractéristique intrinsèque du modèle scientifique portugais. Il ouvre le débat sur quelques points de continuité qui semblent jalonner la production contemporaine, notamment celles des marges floues de l'espace de recherche. Enfin, il se propose de contribuer à la réflexion sur les implications politiques et institutionnelles du processus de production de la connaissance dans un champ scientifique déterminé.
  • Performer, Audience, and Performance Context of Bakweri Pregnancy Rituals and Incantations - Babila Mutia p. 218-237 accès libre avec résumé
    Rites et incantations de grossesse chez les Bakwéri. Cet article présente une description extensive de quatre types de rites effectués sur les femmes enceintes chez les Bakwéri au sud-ouest du Cameroun. On entreprend ces rites de grossesse pour éloigner les risques d'avortement, les accouchements prématurés, les mort-nés et pour assurer la sécurité de l'accouchement. Ils sont également destinés à aider la femme enceinte à rester en bonne santé pendant la grossesse. Les quatre rites sont faits par quatre nganga (guérisseurs traditionnels). La conséquence est que la femme enceinte va d'un herboriste guérisseur à l'autre au rythme de l'avancement de sa grossesse rendant nécessaire chacun des rites. Également important dans cet article est la prise en compte des incantations prononcées par chaque nganga, qui se présentent comme un art verbal qui vient en complément des rites. Ces incantations qui accompagnent les rites mettent en évidence les relations entre rite, performance et littérature orale. Ce lien entre la performance et le mot proféré est la preuve que la performance orale en Afrique, du moins dans ces rites de grossesse, n'existe pas en isolation, mais est subordonnée à la performance rituelle dont elle se présente comme une conséquence organique. Tout porte à croire que les rites de grossesse et les incantations que font les guérisseurs traditionnels font partie de l'obligation religieuse et sociale traditionnelle dans laquelle se trouvent les Bakwéri de supplier les ancêtres pour qu'ils guident et protègent la future mère ainsi que le bébé après sa naissance.
  • Du roman au film : L'Enfant noir - Koffi Anyinefa p. 240-255 accès libre avec résumé
    Cet article évalue l'adaptation filmique de L'Enfant noir de Camara Laye réalisée par Laurent Chevallier et sortie sur les écrans français en 1995. Après une partie introductive sur le phénomène de l'adaptation filmique d'un roman en général, l'auteur évoque les rapports entre le texte littéraire et le film en Afrique francophone. L'étude à proprement parler montre que le film de Chevallier n'est pas d'une grande réussite en raison de son incapacité à recréer le ton nostalgique qui est la marque du roman de Camara Laye dont le cinéaste dit « s'inspirer très librement ».
  • Analyses et comptes rendus - p. 257-303 accès libre