Contenu du sommaire : Le retour du politique

Revue Cahiers d'études africaines Mir@bel
Numéro no 178, 2005
Titre du numéro Le retour du politique
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Les voix du politique - Tarik Dahou, Vincent Foucher p. 313-325 accès libre
  • L'espace public face aux apories des études africaines - Tarik Dahou p. 327-349 accès libre avec résumé
    L'anthropologie politique africaniste s'est orientée vers l'étude de l'émergence de l'État au sein des royaumes ou, plus récemment, au sein des grandes cités ouest-africaines. Elle a largement insisté sur le problème de la construction des institutions politiques à partir des organisations lignagères. Ces travaux n'ont pas systématisé une réflexion sur le concept d'espace public, même s'ils ont formulé les prémisses d'une analyse de l'espace public à l'aune des champs de pouvoir au sein des États africains. Les recherches sur le politique contemporain en Afrique tendent à reconsidérer le concept d'espace public en dépassant la normativité du concept habermassien pour privilégier une approche plus empirique, mais ne parviennent pas à l'articuler à une théorie du pouvoir.
  • Politique publique et sida en Afrique : De l'anthropologie à la science politique - Fred Eboko p. 351-387 accès libre avec résumé
    Ce texte propose de questionner quelques notions et théories des politiques publiques à la lumière de la lutte contre le sida en Afrique. Il s'agit en effet de mettre à profit l'apport de la science politique d'une part et de la socio-anthropologie d'autre part dans un champ qui représente un des enjeux politiques majeurs des relations internationales et de l'Afrique contemporaine. Les deux préoccupations essentielles qui orientent le présent article, l'une théorique et l'autre empirique, suggèrent une série de questions importantes. Pourquoi la science politique, française comme américaine, relative à l'Afrique a-t-elle si peu étudié les politiques publiques ? Sachant que parmi les sciences sociales, l'anthropologie constitue la discipline dont la contribution est la plus importante sur les questions du sida en Afrique, quels apports peut-elle proposer à une réflexion interdisciplinaire à l'intérieur des sciences sociales ? Quelles sont les notions et approches des politiques publiques que l'analyse de la lutte contre le sida en Afrique peut permettre de reformuler voire d'enrichir ? Empiriquement, la situation camerounaise représente dans ce texte un exemple à partir duquel différentes dimensions de cette dialectique interdisciplinaire sont illustrées, entre les normes internationales et les dynamiques locales. De fait, ce travail propose d'éclairer, dans le champ africain du sida, les apories et logiques qui vont des enjeux du « global » à des jeux d'acteurs transnationaux. Pourquoi les policy analyses nous informent-elles sur le politics ? Il semble utile d'essayer de revisiter les travaux « fondateurs » par lesquels l'anthropologie a abordé le sida en Afrique. Sur ces bases, il est possible de souligner les raisons et les pistes qui peuvent expliquer que la science politique soit appelée à apporter sa contribution dans ce champ de recherche. Pour chacune des étapes, nous choisissons de nous fonder sur des travaux susceptibles de représenter des étapes importantes à la suite desquelles la science politique pourrait mettre en oeuvre des concepts et des réflexions qui relèvent de ses attributions « classiques ». Loin de toute posture corporatiste, il est question d'essayer de reconstruire le processus par lequel le travail d'une discipline (l'anthropologie) sur elle-même et ses critiques adressées aux sciences biomédicales se sont inscrites dans une histoire qui nous renseigne autant sur l'évolution d'une épidémie que sur l'épistémologie des sciences sociales concernant l'Afrique subsaharienne. C'est à ce titre que la science politique et ses outils conceptuels sont sollicités dans cet article qui se situe de fait entre une visée empirique et un modeste dessein épistémologique au sein desquels il est proposé quelques pistes pour appréhender le politique en temps de sida en Afrique.
  • Les métamorphoses des « relations à plaisanteries » : Un nouvel enjeu politique dans la construction des États-nations - Marie-Aude Fouéré p. 389-430 accès libre avec résumé
    L'adoption d'une approche politique, c'est-à-dire axée sur la recherche des rapports de force qui se trouvent au coeur des pratiques sociales, a permis de déconstruire la catégorie ethnologique de « relations à plaisanteries ». Cette catégorie a longtemps été appréhendée selon une perspective fonctionnaliste qui privilégie la cohérence du système sur les conflits de pouvoir qui s'exercent dans un espace social. Au contraire, la présente analyse de la production et de la reproduction des pratiques de « relations à plaisanteries » dévoile les logiques politiques et identitaires qui les sous-tendent. Elle souligne les enjeux actuels de l'usage de cette catégorie en Afrique.
  • Les relations hommes-femmes et la formation de l'identité casamançaise - Vincent Foucher p. 431-455 accès libre avec résumé
    En empruntant aux relectures critiques des mouvements anti-coloniaux africains, il s'agit d'insister sur les dimensions internes de la revendication séparatiste casamançaise : la société diola, dans laquelle le projet séparatiste s'incarne, est une société profondément travaillée par les migrations. Celles-ci, pourtant bien étudiées par les anthropologues, sont généralement négligées par les analyses du conflit casamançais. C'est pourtant aussi à cause des problèmes suscités par les relations entre des femmes migrantes de plus en plus autonomes et des migrants masculins en difficulté que certains « évolués » diolas ont formulé le projet identitaire casamançais, tentative de refondation dans l'imaginaire de l'économie morale de la société diola.
  • Between Discourse and Reality : The Politics of Oil and Ijaw Ethnic Nationalism in the Niger Delta - Kathryn Nwajiaku p. 457-496 accès libre avec résumé
    Entre discours et réalité. Politique pétrolière et nationalisme ethnique ijaw dans le delta du Niger. Cet article explore les tentatives conflictuelles et souvent violentes de redéfinition de l'appartenance à un groupe ethnique, les Ijaw, dans une communauté productrice de pétrole dans le delta du Niger. La prolifération de mouvements nationalistes pan-ethniques au Nigeria et particulièrement dans le delta du Niger depuis dix ans montre qu'un certain degré de cohésion et de consensus existe au sein des groupes ethniques concernés. L'article avance que la question de l'appartenance ethnique est une question complexe, contestée et non résolue où entrent en conflit les intérêts divergents des différentes générations et classes sociales. Les études menées dans la région pétrolifère d'Ogbia (État de Bayelsa) montrent qu'on n'observe pas de consensus pan-ethnique à Ogbia mais, qu'on assiste, au contraire, au développement d'un attachement à une identité pan-ijaw et à l'émergence de nouvelles identités ethniques qui sont plus utiles dans les conflits immédiats liés aux gains tirés du pétrole au niveau du village. Ces observations nous incitent à reconsidérer l'ethnicité et les mouvements ethniques comme des phénomènes non statiques et dynamiques dont les objectifs et la composition ne peuvent être compris que dans le cadre du contexte de leur émergence et de l'audience envers laquelle leur discours est destiné.
  • The Church in the Village, the Village in the Church : Pentecostalism in Teso, Uganda - Ben Jones p. 497-518 accès libre avec résumé
    L'Église dans le village, le village dans l'Église. Le pentecôtisme à Teso, Ouganda. Cet article, qui s'appuie sur l'étude de cas d'une église pentecôtiste dans la région de Teso, dans l'est de l'Ouganda, poursuit une méthodologie qui place les églises au même plan que les institutions coutumières et gouvernementales. Nous verrons comment les villageois membres d'une église pentecôtiste continuent de participer à d'autres institutions au niveau local et utilisent leur adhésion à une église « re-née » (« born again ») pour appuyer leurs revendications politiques. La plupart des études sur le pentecôtisme en Afrique se sont intéressées au rôle des églises dans les zones urbaines, montrant comment la doctrine isolationiste du christianisme pentecôtiste est révélatrice de l'engagement politique des Chrétiens « re-nés ». Les exemples présentés dans cet article révèlent le pentecôtisme sous une nouvelle forme, illustrant le fait que les membres de l'église continuent à s'investir dans d'autres institutions locales telles que les sociétés de funérailles, les conseils de village et les comités de clans. Dans leurs activités politiques quotidiennes (avancement d'une carrière, règlement d'un conflit foncier), les chrétiens pentecôtistes exploitent leur adhésion à l'église en même temps que leur participation dans des institutions au niveau local. Cette étude est le fruit d'un travail de terrain mené dans une région rurale pauvre caractérisée par une histoire de crise économique et de violence politique. Dans cet environnement difficile, les églises pentecôtistes constituent un nouvel espace où les villageois peuvent mettre en ?uvre des actions politiques promettant une plus grande sécurité économique et physique.
  • Les enseignants comme élite politique en AOF (1930-1945) : Des « meneurs de galopins » dans l'arène politique - Jean-Hervé Jézéquel p. 519-544 accès libre avec résumé
    Cet article interroge la validité de la catégorie enseignante comme catégorie du politique en Afrique de l'Ouest pendant la période coloniale. Il cherche plus particulièrement à cerner dans quelle mesure les instituteurs issus de l'École normale William Ponty forment un groupe d'intérêt politique homogène à la veille des luttes pour les indépendances. Il montre comment les instituteurs, loin de former un groupe solidaire et homogène, constituent au contraire un agrégat travaillé par des logiques de dispersion et de dilution. Cependant, à partir des années 1930, le groupe est également revivifié par des logiques de (re)mobilisation qui s'appuient sur un espace public émergent. En 1945, alors que l'espace politique ouest-africain se libéralise, ce processus de (re)mobilisation est encore inachevé et les instituteurs forment un groupe encore désuni et dispersé. Le résultat de cette recherche pourrait servir à enrichir l'analyse des luttes pour l'indépendance. Il souligne, d'une part, l'intérêt qu'il y a à dénaturaliser les catégories du politique dont nous interrogeons encore trop rarement l'historicité, et suggère, d'autre part, que les luttes politiques des années 1950 ne se résument pas forcément à une série d'oppositions entre des élites rivales dont on assume l'existence mais qui consistent peut-être surtout dans la définition et la mobilisation de ces groupes d'élite.
  • La rumeur du cachet au Burundi (1960-1961) : Essai d'interprétation d'une conversation nationale sur le politique - Christine Deslaurier p. 545-572 accès libre avec résumé
    Au Burundi, dans l'effervescence politique suscitée par la transition vers l'indépendance, les rumeurs ont constitué un support privilégié de l'information et de la propagande. À travers l'exemple de l'une de ces rumeurs, dite « du cachet », bien documentée par les sources orales et écrites, cet article propose d'explorer les imaginaires et les représentations populaires convoquées pour dire la politique dans le débat public que la décolonisation a ouvert au pluralisme partisan. Les déclinaisons chronologiques, territoriales et événementielles de cette rumeur permettent d'éclairer de manière originale les tensions et les enjeux politiques de la période. Non seulement elles mettent au jour les croyances de l'occulte et les ressorts de la fidélité monarchique qui dynamisaient alors la vie politique, mais encore elles dévoilent les processus différenciés de la structuration des audiences publiques et les recodages locaux de la réorganisation des pouvoirs qui ont accompagné les bouleversements politiques du début des années 1960.
  • La société civile dans le débat politique au Mali - Alexis Roy p. 573-584 accès libre avec résumé
    Cet article expose les problèmes relatifs à la définition du concept de « société civile » et sa transposition dans un contexte non occidental, au Mali. Le questionnement porte alors sur la place qu'occupe la « société civile » dans les discours des institutions internationales et dans leurs projets relatifs aux pays en cours de démocratisation. Nous verrons aussi la façon dont les hommes politiques maliens tentent d'intégrer la « vogue » du concept de société civile. Au-delà de ces discours, nous présenterons quelques pistes de travail qui soulignent les difficultés rencontrées dans la recherche d'une société civile autochtone. Nous verrons qu'une fois de plus le clientélisme, communautaire ou non, empêche la nette séparation entre le pouvoir, la chose publique et la sphère privée, pourtant nécessaire à l'émergence d'une société civile.
  • Analyses et comptes rendus - p. 585-620 accès libre