Contenu du sommaire : Varia
Revue | Cahiers d'études africaines |
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Numéro | no 187-188, 2007 |
Titre du numéro | Varia |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Nécrologie
- Archie Mafeje (1937-2007) - Jean-Loup Amselle p. 445-447
- Procès au féminin et changements de société - Catherine Coquery-Vidrovitch p. 449-460
Pour une histoire « genrée » de la justice
- Genre et justice. Les recherches avancées en langue anglaise - Catherine Coquery-Vidrovitch p. 461-494 L'article dresse le bilan des recherches sur l'histoire genrée du droit. La justice concernant les femmes est désormais bien étudiée en Afrique anglophone, elle l'a été moins en Afrique francophone, d'où l'intérêt de procéder à la confrontation des recherches sur l'ensemble du continent, tout en cherchant à remédier à cette dissymétrie. L'objectif est de préciser évolution et confrontation des droits de la femme. En droit privé, on trouve une masse d'informations dans les « Grands Coutumiers » (côté français) et dans les recueils de jurisprudence puis dans les codes (codes de la famille par exemple) ; à cela s'ajoute tout ce qui a donné lieu à procès : archives juridiques, jurisprudence depuis le début de la colonisation, recours en grâce. Trois domaines ont été privilégiés jusqu'à présent : les cas de sorcellerie, et surtout le régime du mariage et tout ce qui en dépend (y compris la sharî'a) : polygamie, divorce, relations extra maritales, adultère, héritage ; le rôle de la dot nourrit le thème sur les droits fonciers et le droit au travail, depuis le droit d'autrefois (ancien) jusqu'au droit moderne, en passant par le droit coutumier figé par les colonisateurs et le droit colonial stricto sensu. De ces analyses ressort le constat de ce que les femmes ont su faire d'un droit qui leur était globalement plutôt défavorable et comment il a pu être utilisé et manipulé au fil du temps.
- Femmes adultères, hommes voleurs ? La « justice indigène » en Guinée - Odile Goerg p. 495-522 En exploitant les archives judiciaires, cet article souhaite mettre en évidence l'impact de la pratique judiciaire dans une perspective de genre. Ceci revient à analyser le traitement différencié des hommes et des femmes par les tribunaux créés sous la colonisation française (cas de la Guinée dans l'Entre-deux-guerres), la typologie des litiges mais aussi les raisons qui portent les plaignants des deux sexes devant les juges ainsi que les rapports qu'ils entretiennent avec ce nouveau recours en cas de conflit ou de transgression.
- Batswana Women and Law. Society, Education and Migration (c. 1840-c. 1980) - Lily Mafela p. 523-566 Les femmes batswana et le droit. Société, éducation et migration (1840-1980). Traditionnellement, la position socio-juridique des femmes batswana a été prescrite et proscrite par une multitude de restrictions comprenant des lois, des règlements et des sanctions sociales. Le statut et la position de ces femmes ont été influencés et modelés en grande partie par leur position dans la société traditionnelle tswana. Cette position reflétait la place inférieure qu'elles occupaient telle qu'elle était définie dans le droit coutumier/traditionnel. L'accès des femmes aux ressources était donc dicté par leur position telle qu'elle était définie et strictement régulée par le droit coutumier et, après la période coloniale, par une combinaison de droit coutumier et de common law. L'éducation coloniale préparait les hommes et les femmes à différents rôles dans l'économie politique, conformément aux idéaux victoriens qui inspiraient l'idéologie coloniale d'État. Cela nécessitait la réorganisation des relations productives et sociales des Tswana pour les rapprocher des besoins de l'État colonial. Toutefois, l'éducation coloniale devait répondre aux besoins des Batswana et à leur interprétation de celle-ci. Le Protectorat de Bechuanaland resta très sous-développé dans la mesure où les Batswana se trouvèrent de plus en plus absorbés par le marché du travail sud-africain pendant toute la période coloniale. Cet article avance qu'au cours de ce processus, l'éducation et la migration ont transformé, remodelé et réorganisé les relations sociales et productives et, ce faisant, redéfini le statut socio-juridique des femmes.
- Des femmes au tribunal. Abidjan, 1923-1939 - Marc Le Pape p. 567-582 Les archives judiciaires constituent une source essentielle pour les études des sociabilités africaines en situation coloniale. Cet article prend appui sur l'analyse des procès tenus, entre 1923 et 1939, au tribunal du premier degré d'Abidjan, il vise à décrire les argumentations contradictoires par lesquelles femmes et hommes expliquent leurs différends dans l'espace du prétoire. Les registres issus des « juridictions indigènes » permettent également d'apprécier sur quels repères se fondent les juges pour formuler leurs verdicts. L'analyse des registres d'audience révèle une incertitude normative que les juges ont vocation de surmonter : l'article montre de quelle manière.
- Genre et justice. Les recherches avancées en langue anglaise - Catherine Coquery-Vidrovitch p. 461-494
L'évolution des stratégies matrimoniales
- Genre, coutumes et droit colonial au Soudan français (1918-1939) - Marie Rodet p. 583-602 Dans cet article, l'étude de deux affaires qui ont lieu dans la région de Kayes au Soudan français (Mali actuel) à vingt ans d'intervalle, l'affaire Sakiliba (1918) et l'affaire Haw (1939) nous montrent comment certaines Africaines n'hésitèrent pas à s'adresser directement à l'administration coloniale pour contester le pouvoir patriarcal traditionnel et forcer ainsi l'administration à prendre position sur la question des rapports entre coutumes, droit colonial, « condition de la femme » et « mariage indigène » en Afrique occidentale française. Ce débat fut très vif au sein de l'administration coloniale à partir des années 1920. Les décisions de l'administration coloniale en la matière furent en réalité marquées, jusqu'à la fin des années 1930, par un tiraillement intrinsèque entre l'idée républicaine d'émancipation et un pragmatisme colonial basé sur le respect des « coutumes indigènes » pour s'assurer le soutien du « pouvoir traditionnel ».
- Disputing Wife Abuse: Tribunal Narratives of the Corporal Punishment of Wives in Colonial Sikasso, 1930s - Emily Burrill p. 603-622 La maltraitance des femmes mise en question : comptes rendus de tribunaux sur le châtiment corporel des femmes à Sikasso dans les années 1930. En s'appuyant sur des affaires de divorces et d'homicides involontaires jugées par le tribunal de province et le tribunal de cercle dans les années 1930, cet article examine comment le châtiment corporel des femmes était considéré soit comme une forme de correction acceptable soit comme une maltraitance conjugale inacceptable dans les comptes rendus de tribunaux de la ville de Sissako, au Soudan français. L'article montre que les deux types de cas révèlent à la fois des articulations distinctes dans le châtiment corporel des femmes, la place contestée d'une telle forme de châtiment dans la préservation d'une économie morale dans le mariage, et enfin les différents rôles joués par les hommes et les femmes dans le soutien ou la contestation d'une punition physique des épouses. Ces récits révèlent toutefois davantage que la signification contestée du châtiment corporel des femmes, et l'auteur avance que les types de preuves utilisées dans les procès ? autopsies, examens physiques et témoignages ? reflètent les évolutions juridiques des années 1930.
- Stratégies matrimoniales au Sénégal sous la colonisation : L'apport des archives juridiques - Awa Yade p. 623-642 La politique coloniale a projeté les économies africaines dans l'économie de marché. Au Sénégal, le développement de la culture de l'arachide dans les grands centres de production, comme le Sine Saloum, est à l'origine de profondes mutations économiques et sociales. Ces centres, qui connaissaient une activité économique intense, étaient aussi ceux qui connurent le plus grand nombre de conflits matrimoniaux. L'étude de l'évolution du mariage pendant la période coloniale révèle que les stratégies matrimoniales furent nombreuses et très complexes. Les compensations matrimoniales qui conféraient au mariage toute sa légitimité, sont devenues très élevées. La hausse de la dot a été à l'origine de nombreux litiges civils. Avec la crise des années 1930, certains parents sont allés jusqu'à des « ventes aux enchères » sur leurs filles en les promettant à plusieurs prétendants, afin de bénéficier le plus possible des retombées financières de la dot. Les autorités locales ont été parmi les premières à dénoncer ces dérives. Sous leur impulsion, l'administration coloniale a initié un certain nombre de mesures, qui n'eurent guère l'impact escompté sur les pratiques matrimoniales. Les litiges à propos de la dissolution du mariage ne cessaient de croître. On assistait en effet à une « petite révolution féminine » : les femmes avaient désormais tendance à se libérer d'un mariage forcé. Les causes de divorce étaient nombreuses et diverses. À côté des causes légales de divorce admises par la coutume (répudiation ou disparition de l'un des conjoints), une pléthore d'autres motifs sont venus se greffer et fragiliser davantage les liens du mariage. Pour cette étude, les trois principales causes ont été retenues à savoir, l'abandon de la femme par le mari, l'abandon du domicile par la femme et l'adultère.
- "The Option of the Judicial Path". Disputes over Marriage, Divorce, and Extra-Marital Sex in Colonial Courts in Libreville, Gabon (1939-1959) - Rachel Jean-Baptiste p. 643-670 « L'option de la voie juridique ». Conflits portant sur le mariage, le divorce et les rapports sexuels en dehors du mariage dans les tribunaux coloniaux de Libreville, Gabon 1939-1959. À l'appui de documents d'époque issus des multiples niveaux des tribunaux indigènes de Libreville (Gabon) de 1939 à 1959, cet article avance qu'il est difficile d'identifier ce que constituaient le mariage et le droit sur les femmes à cette période de changement socio-économique. Après la Seconde Guerre mondiale, les Français se sont efforcés de mettre en place un système judiciaire indigène mettant l'accent alternativement sur les médiateurs africains et français pour inculquer les principes d'une loi coutumière sur le mariage. En revanche, dans les villages et les quartiers de la région de Libreville, des Anciens jouaient le rôle d'arbitres dans des tribunaux qui n'étaient pas reconnus par l'État colonial. Gabonais et Gabonaises ? maris et femmes, amants, pères, oncles, frères et belle famille ? s'efforçaient de trouver toutes sortes de terrains juridiques pour arbitrer les conflits en matière de mariage, de divorce, d'adultère et de garde parentale. Ces tribunaux indigènes offraient aux hommes et aux femmes un espace de man?uvre dans la négociation de leur statut conjugal.
- Marital Litigation in Early Colonial Lesotho 1870-1900 - Pule Phoofolo p. 671-710 Litiges conjugaux au Lesotho au début de la période coloniale, 1870-1900. En s'appuyant sur des témoignages juridiques, cet article explore l'expérience des femmes africaines dans le système juridique du Lesotho à la période coloniale. Il montre comment les femmes utilisaient des moyens légaux et illégaux pour faire valoir leurs intérêts conjugaux et obtenir la garde de leurs enfants. L'article conclut que malgré tous les effets pervers de la restructuration des liens entre les hommes et les femmes BaSotho, notamment les liens conjugaux, les efforts des missionnaires et la législation coloniale ont offert de nouvelles opportunités aux femmes. Celles-ci ont utilisé ces nouveaux acquis (pendant une courte période seulement) pour s'extraire d'unions indésirables et pour obtenir la garde de leurs enfants.
- Genre, coutumes et droit colonial au Soudan français (1918-1939) - Marie Rodet p. 583-602
Confrontations
- Les femmes et la rupture du mariage en Égypte - Nathalie Bernad-Maugiron p. 711-732 Cette contribution vise à aborder la question des rapports entre les femmes et le droit à travers l'étude de la rupture du mariage en Égypte. Depuis le début du XXe siècle, le droit égyptien s'efforce de rétablir un certain équilibre entre hommes et femmes dans l'accès à la dissolution du mariage. Le droit égyptien du statut personnel, en effet, puise ses racines dans la sharî'a islamique, laquelle opère une discrimination entre l'épouse et l'époux en ce domaine. Non seulement les causes de divorce accessibles à la femme sont très limitées, surtout au sein de l'École hanafite prévalente en Égypte mais, de plus, l'homme peut dissoudre les liens conjugaux par le simple prononcé d'une formule de rejet de son épouse, sans aller devant les tribunaux. Cet article étudiera dans une première partie l'évolution du droit égyptien en ce qui concerne le statut des femmes face au divorce avant de tenter, dans une seconde partie, d'identifier les diverses normes religieuses, sociales, culturelles ou économiques qui viennent entraver la mise en oeuvre effective de ces réformes. Nous nous intéresserons également aux actions menées par les mouvements de femmes afin de renforcer l'égalité juridique et effective entre hommes et femmes dans la rupture du mariage.
- Droits, polygamie et rapports de genre en Guyane - Marie-José Jolivet, Diane Vernon p. 733-752 Cet article traite de la question des femmes et du droit en Guyane, à partir de l'exemple des Ndjuka venus s'implanter dans la région frontalière de Saint-Laurent-du-Maroni. Trois angles d'approche y sont retenus. Le premier est celui de la tradition, telle qu'elle s'est construite au cours d'une histoire débutant avec les grands mouvements de marronnage qui affectèrent les plantations du Surinam aux XVIIe et XVIIIe siècles. Dans les villages ancestraux de la forêt surinamienne, les rapports de genre restent marqués par la pratique d'une polygamie qui s'inscrit dans un système matrilinéaire où les femmes sont tout à la fois puissantes et dépendantes. Le deuxième angle retenu est celui du droit français en usage sur la côte guyanaise : certaines femmes ndjuka en situation d'immigration ont de nos jours la capacité d'en user, dans le cadre de pratiques revendicatives qui, toutefois, peuvent aussi se retourner contre elles. Le dernier angle d'approche est celui des situations que connaissent actuellement beaucoup de ces femmes qui accommodent droit traditionnel et droit français dans de nouvelles pratiques attestant le caractère vivant de cette culture.
- Le travail des femmes dans le Maroc précolonial, entre oppression et résistance : Droit au travail ou accès aux bénéfices ? - Meriem Rodary p. 753-780 À partir de la question du « droit au travail » des femmes au Maroc, cet article montre que les femmes marocaines n'ont jamais été empêchées de travailler, mais que c'est l'accès aux bénéfices engendrés par leur travail qui pose problème à la société, et ce, quelle que soit la période considérée. En s'arrêtant particulièrement sur la période précoloniale, il s'agit de rompre avec un « discours de la modernisation » selon lequel les femmes seraient « sorties travailler » à la suite de la colonisation. À l'opposé de ce discours, je souhaite montrer la continuité historique de la participation des femmes à l'économie, en même temps que la continuité de l'appropriation de ce travail par les hommes*. Je m'intéresserai finalement aux stratégies de résistance des femmes, et particulièrement des femmes populaires, face aux dominations multiples qu'elles subissent, notamment à travers le cas des neggâfat (ordonnatrices des cérémonies de mariage).
- Les femmes et la rupture du mariage en Égypte - Nathalie Bernad-Maugiron p. 711-732
Chronique bibliographique
- Analyses et comptes rendus - p. 781-803