Contenu du sommaire : Histoire et roman
Revue |
20 & 21. Revue d'histoire Titre à cette date : Vingtième siècle, revue d'histoire |
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Numéro | no 112, novembre-décembre 2011 |
Titre du numéro | Histoire et roman |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Articles
- Présentation - Judith Lyon-Caen p. 3-9
- Les employés sous la république de Weimar : L'historien face au bestseller de Hans Fallada, Quoi de neuf, petit homme ? (1932) - Marie-Bénédicte Vincent p. 10-26 En 1932, l'écrivain allemand Hans Fallada publie le roman Quoi de neuf, petit homme ? (Kleiner Mann, was nun ?) : le livre, qui décrit la prolétarisation d'un couple d'employés affectés par le chômage de la crise économique des années 1930, devient un best seller en Allemagne et à l'étranger dès l'année de sa publication. L'article se propose dans un premier temps de revenir sur les facteurs expliquant ce succès, en montrant ses liens avec la sociologie naissante des employés et les oeuvres littéraires et artistiques érigeant ce groupe comme emblème de la modernité sociale et culturelle de l'entre-deux-guerres. Dans un second temps, l'article montrera qu'en dépit d'une historiographie riche sur les employés depuis 1945, le roman intéresse l'historien actuel en ce qu'il invite à l'exploration de champs encore peu connus de recherche tels que la culture quotidienne, la sphère familiale et la langue de ce groupe social.
- Naissance et mort d'un mythe romanesque : La messe sur la table de cuisine - Frédéric Gugelot p. 27-40 Entre 1950 et 1955, des romanciers catholiques promeuvent une nouvelle figure héroïque, le prêtre-ouvrier, qui incarne l'effervescence apostolique et théologique du catholicisme dans une France devenue pays de mission. La messe improvisée sur une table de cuisine y symbolise le nouvel idéal sacerdotal de présence au monde selon le modèle évangélique. Pour obtenir la reconnaissance littéraire, les romans passent outre une pure exigence apostolique, dont la légitimité dépend de l'institution ecclésiale et traduisent l'aspiration à un renouveau du catholicisme au sortir de la guerre. Le mélange de fiction et de réel, qui donne l'illusion qu'elles sont des histoires vraies racontées comme des romans, fonde leur succès public. La floraison de titres s'appuie sur de multiples manifestes apostoliques et d'enquêtes qui révèlent un monde de misère sans Dieu aux portes des grandes villes.
- De quoi la littérature de guerre est-elle la source ? : Témoignages et fictions de la Grande Guerre sous le regard de l'historien - Nicolas Beaupré p. 41-55 Les écrits de guerre continuent, en France, à nourrir des débats autour de leur véracité et de leur qualité de source documentant l'expérience de guerre. Ces écrits, très nombreux dès les années de guerre, sont souvent assimilés à leur fonction testimoniale. Les écrivains combattants, qui entendent légitimer leur production en se référant à leur expérience vécue, et les instances de réception, pendant puis après la guerre, contribuent à forger l'idée que ces textes constituent avant tout des témoignages de l'expérience de guerre. L'oeuvre critique de Jean Norton Cru représente un palier supplémentaire à cette interprétation, dans la mesure où elle réfute tout autre fonction que testimoniale à cette production. La réception historiographique reprit à son tour, parfois de manière acritique, l'idée que la production des écrivains combattants aurait une finalité exclusivement testimoniale. Or, une historicisation critique de ce phénomène social, littéraire et culturel montre que ses enjeux vont bien au-delà du seul témoignage.
- La prose de la perestroïka et l'exploration des répressions staliniennes - Cécile Vaissié p. 57-69 En URSS, lorsque commence la perestroïka, la question des répressions staliniennes est tue depuis deux décennies dans les publications officielles et il n'existe toujours pas de biographie de Staline. Or, à partir de 1986, ce sont des oeuvres de prose (romans et nouvelles), qui, écrites à des époques diverses, abordent, les premières, le thème des répressions. Elles aident la société soviétique à prendre conscience de ce que celle-ci a subi et à quoi elle a participé sous Staline, et l'incitent à explorer publiquement sa propre mémoire, ses traumatismes, voire sa responsabilité. Un débat public et passionné s'engage dans la presse, mais les historiens, très divisés sur cette question sensible, n'y interviennent qu'avec retard et timidement. C'est pourtant de ce processus qu'émerge l'association Memorial qui, depuis vingt ans, réalise de remarquables travaux historiques sur le système répressif soviétique.
- L'éléphant français libre : Babar, Romain Gary et la France libre - Anne Simonin p. 70-82 L'émission hebdomadaire consacrée aux aventures de Babar sur la BBC entre juillet 1941 et mai 1944 ne semble pas avoir laissé de traces dans la mémoire collective. Or cette émission, destinée aux enfants de France, est bien autre chose qu'un divertissement quand on la met en lien avec le livre pour lequel Romain Gary obtint le prix Goncourt en 1956, Les Racines du ciel. Quel est le point commun entre Babar et Les Racines du ciel ? L'éléphant. Sous les traits d'une des plus célèbres figures de la littérature enfantine, Babar, ou en tant que représentant des droits de l'Homme sous la plume de Gary, l'éléphant incarne cette dimension essentielle quand il s'agit de la France idéale : la grandeur. C'est l'éléphant qui assure la présence au monde de la grandeur de la France incarnée temporairement dans la France libre, et qui légitime la Résistance chaque fois que les droits de l'Homme sont bafoués, par les nazis sous l'Occupation, par une interprétation abusive de la loi au Tchad, dans les années 1950.
- Voir et ne pas voir le passé : Maigret et les témoins récalcitrants - Christian Jouhaud p. 83-97 Cet article évoque les rapports à l'histoire d'un roman de Georges Simenon sans passer par sa contextualisation dans la biographie ou les opinions de son auteur. Maigret et les témoins récalcitrants est ici scruté pour sa capacité à évoquer une emprise tantôt spectaculaire et tantôt vague, mais toujours violente, du passé sur les êtres et les lieux. En prenant au sérieux l'insertion de l'intrigue dans l'espace parisien et en saisissant les lieux traversés par le commissaire dans l'histoire qui les habite, le propos est de mettre au jour les rapports troublés au passé du roman et du romancier.
- Milan Kundera, historien de la contingence - Alain Boureau p. 99-105 L'auteur, médiéviste, entend tirer les leçons historiennes que donne La Plaisanterie de Milan Kundera, son premier roman, achevé en 1965. Au-delà de la dénonciation du stalinisme, le roman met en scène la saisie du changement temporel comme chaos, rétif à toute permanence ou à toute évolution. Dès lors, il devient impossible de penser le passage de l'individuel au collectif : le propre du totalitarisme ordinaire est de supprimer toute saisie possible et explicite des modalités de constitution d'une collectivité. On analyse la destruction, dans le texte et dans la vie de son héros, des grands ressorts romanesques et existentiels, comme autant de déroutes de l'intention : la vengeance, la rencontre, l'identité, la complicité de la plaisanterie. Devant le chaos, le romancier et l'historien doivent formuler des hypothèses qui tentent de dépasser le désordre individuel. La Plaisanterie nous rappelle formellement que l'histoire est la science du contingent.
- D'Homère à L'Immeuble Yacoubian : Réflexions d'un « Grec d'Égypte » - Jean-Yves Carrez-Maratray p. 107-114 Cet article aborde les réflexions sur les relations d'empathie que doit entretenir l'égyptologue français avec son pays d'accueil, selon le concept antique de métoïkos, étranger domicilié. Pour réduire l'écart, autant culturel que chronologique, qui le sépare de son objet d'étude, et par-delà des différences irréductibles entre le monde pharaonique et l'Égypte contemporaine, la comparaison d'un roman comme L'Immeuble Yacoubian avec des sources antiques, romanesques ou papyrologiques, ouvre des perspectives analogiques sur, par exemple, le concept de « résistance passive » dans la société égyptienne.
- Maintenir l'ordre en France occupée : Combien de divisions ? - Peter Lieb, Robert O. Paxton p. 115-126 Le nombre de troupes allemandes affectées au maintien de l'ordre en France entre 1940 et 1944 est vivement discuté et souvent surestimé. Ce nombre n'est pas facile à déterminer et il varie au cours de la guerre. D'abord les troupes d'Occupation, chargées de maintenir l'ordre, doivent être distinguées des troupes de combat, chargées de repousser un débarquement ennemi. C'est seulement après juin 1944 qu'une petite partie de celles-ci combat la Résistance. Les troupes d'Occupation représentent 40 000 hommes à leur minimum, soit au milieu de l'année 1942. Ce nombre remonte à presque 100 000 hommes à la fin de l'année 1943. Cependant, la grande majorité de ces soldats remplit des tâches de garde. Le nombre de soldats allemands activement engagés contre le maquis ne dépassa jamais 30 000 hommes. Ces troupes suffirent à faire souffrir la population civile et les maquis mais, même avec le concours de la police de Vichy, elles ne maîtrisèrent jamais pleinement le territoire français.
- L'édition française dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale - Jean-Yves Mollier p. 127-138 Fondé sur un dépouillement systématique de sources neuves, celles de la Librairie Hachette d'un côté, du Syndicat national de l'édition de l'autre, cet article revient sur l'attitude des éditeurs français pendant la Seconde Guerre mondiale. S'ils acceptèrent aussi facilement le diktat des autorités allemandes et l'épuration de leurs catalogues, c'est qu'ils avaient préparé eux-mêmes leurs propres listes de proscription. Ceci facilita la confection des listes Otto et permit une collaboration qui se révéla exemplaire dans bien des cas. Il y eut cependant des éditeurs résistants, mais la plupart d'entre eux durent passer la main à la Libération et, dès 1947, le paysage éditorial avait retrouvé sa physionomie d'avant guerre. L'incapacité des nouvelles autorités à briser la puissance des Messageries Hachette, objet des convoitises nazies en 1940, traduit la capacité de résilience d'une profession habituée depuis des siècles à se soumettre aux ordres du pouvoir, quel qu'il soit.
- Au nom de la France : Les discours des chefs d'État sur la Résistance intérieure (1958-2007) - Gilles Vergnon p. 139-152 De 1958 à 2007, de Charles de Gaulle à Jacques Chirac, les présidents successifs se sont exprimés à de nombreuses reprises sur la Résistance intérieure, son sens et son héritage. La fréquence de leurs communications (où se distinguent Charles de Gaulle et François Mitterrand), le lieu et l'occasion de ces prises de parole, leur contenu, font apparaître des points communs, mais aussi d'importantes différences. L'étude de ce corpus de discours met au jour la puissance et la pérennité de la grammaire mémorielle gaullienne, qui survit à la « petite alternance » de 1974 et même à la « grande alternance » de 1981, les évolutions s'inscrivant dans la continuité d'une vision guerrière et patriotique de la Résistance, pilier de la pérennité de l'État et de la nation. À partir du deuxième septennat de François Mitterrand, les discours présidentiels évoluent progressivement vers une vision humanisée de la Résistance, garante des valeurs fondatrices de la société et dépourvue de références agonistiques.
Archives
- Archives - Robert Général p. 153-160
Avis de recherches
- Avis de recherches - p. 161-166
Images, lettres et sons
- Images, lettres et sons - p. 167-182
Vingtième Siècle signale
- Vingtième Siècle signale - p. 183-191
Librairie
- Librairie - p. 193-236
Index 2011
- Index 2011 - p. 243-253