Contenu du sommaire : Temps de travail

L'article étudie les formes et les méthodes utilisées dans la mesure du temps de travail à l'époque moderne, en prenant comme objet d'étude les manufactures lainières de Padoue entre les XVIe et XVIIe siècles. Il montre comment la relation établie entre temps et travail avait contribué à la régulation et au calcul de la productivité réelle du travailleur, ainsi qu'à la création de systèmes d'incitation et de formes de contrôle direct sur le travail, relevant en grande partie de la corporation de la laine et de son tribunal.

La verrerie est un domaine où existent à la fois des contraintes techniques et des réglementations qui encadrent dès le Moyen Âge les rythmes du labeur. Cet article étudie le temps de travail à l'époque moderne dans des centres italiens et wallons entre lesquels circule une main d'œuvre de verriers migrants. Trois types de documents sont mobilisés : les textes réglementaires ; les contrats de travail et la comptabilité d'une entreprise au XVIIe siècle. En les mettant en regard, il s'agit de pénétrer dans les variations du temps de travail annuel, saisonnier et journalier.

L'article entend montrer que le temps de corvée, encadré par des normes pour organiser la répartition des tâches et la prestation de travail, fait l'objet d'évaluations qui répondent à des objectifs divers. La valeur du temps devient au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle un argument pour dénoncer l'improductivité du travail contraint. Symétriquement la mesure du temps de travail participe de la réforme engagée par la monarchie à la fin de l'Ancien Régime pour évaluer la dépense à engager et calibrer l'impôt à instaurer en remplacement de la corvée en nature.

Le décret du 2 mars 1848, qui réduit la durée du travail d'une heure, introduit une rupture majeure en instaurant pour la première fois une norme nationale fixant une durée maximale pour le travail des adultes. Cette décision souvent citée mais rarement étudiée suscita de multiples débats dans des arènes diverses, au Parlement, dans la presse comme dans les ateliers. L'objectif de cet article est de montrer comment cette décision prise dans le contexte d'effervescence révolutionnaire créa les conditions d'une irréversibilité de l'intervention de l'État dans le champ social.

À partir d'une observation participante de plusieurs années parmi les cadres économistes de la Banque de France, est ici interrogée une expertise d'État en train de se faire. L'enquête montre à la fois les marges de manœuvre dont disposent ces personnes au sein de leur institution et la façon dont celle-ci cadre leur travail dans un certain sens. Cette démarche met en lumière les trois processus de dépolitisation, de bureaucratisation et de légitimation, qui devraient pouvoir se retrouver à des degrés divers dans toute expertise d'État.

L'article présente le retour réflexif sur un dispositif de recherche reconstituant les trajectoires d'une population de collégiens à partir de leur dossier scolaire. Cetravail a nécessité la construction d'une base d'analyse statistique de l'ensemble des trajectoires examinées sur un mode quantitativiste, tout en s'appuyant qualitativement sur l'intelligibilité des trajectoires en elles-mêmes. Ainsi l'auteur se propose d'appréhender son matériau à la manière d'une statistique ethnographique, susceptible de dépasser certains clivages entre de méthodologies souvent opposées.

Le journal d'observation ethnographique tenu en 2005 par un cadre débutant faisant office de secrétaire de rédaction permet de suivre le travail de cadres et dirigeants chargés de rédiger un document destiné à manifester le sens de la responsabilité sociale d'un groupe multinational. L'ethnographe décrit la genèse de la demande, les discussions autour des brouillons successifs, la mise au point des astuces rhétoriques, iconographiques, statistiques et de mise en pages pour dire sans trop en dire.

Le temps de travail est à l'ordre du jour alors que, à la centralité de la durée hebdomadaire du travail revue à la baisse, se sont substituées des logiques de compromis liées aux menaces pesant sur l'entreprise et sur l'emploi. Cette question actuelle, aux résonances très fortes sur les temps sociaux, doit conduire les historiens à mener une réflexion spécifique à ce sujet pour étayer l'idée d'une révolution industrieuse en longue durée et concourir à l'intelligence de la révolution industrielle.