Contenu du sommaire : Nouvelles recherches
Revue | Relations internationales |
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Numéro | no 150, avril-juin 2012 |
Titre du numéro | Nouvelles recherches |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction - Catherine Nicault p. 3-6
- La guerre de Sécession au large de Cherbourg : La France impériale et l'affaire du css Alabama (juin 1864) - Farid Ameur p. 7-22 Le dimanche 19 juin 1864, le css Alabama, un corsaire confédéré, est coulé au large de Cherbourg à l'issue d'un duel mémorable qui l'a opposé à l'uss Kearsarge, une frégate de la marine fédérale. S'il paraît aujourd'hui relever de l'anecdote, cet épisode insolite de la guerre de Sécession aura causé de sérieux embarras aux autorités françaises en les contraignant, malgré toute leur bienveillance envers le Sud, d'appliquer à la lettre les règles de la neutralité entre les belligérants, ne serait-ce que pour veiller à l'inviolabilité des eaux territoriales. Surtout, la ligne de conduite que le Gouvernement impérial s'est efforcé de suivre tant bien que mal pour éviter de fâcheuses complications diplomatiques témoigne du vif intérêt que Napoléon III, accaparé par son rêve mexicain, porte alors aux événements américains.
- Une diplomatie de professeurs au coeur de l'Allemagne vaincue : la mission Haguenin à Berlin (mars 1919-juin 1920) - Marion Aballéa p. 23-36 De mars 1919 à juin 1920, une mission officieuse, dirigée par le professeur Émile Haguenin et composée d'universitaires, a été à Berlin l'instrument du Quai d'Orsay voulant reprendre la main sur les affaires allemandes. Évoluant dans un cadre institutionnel flou et dans un paysage allemand plus confus encore, la mission Haguenin a représenté une expérience diplomatique inédite : opportuniste et volontariste, faisant reposer son action essentiellement sur les relations personnelles en Allemagne et sur une large autonomie par rapport à Paris, elle a dessiné une recomposition des rôles du diplomate et s'est pensée comme l'outil d'une rénovation de la relation diplomatique entre la France et l'Allemagne. Si, née de la guerre, la Mission ne survit pas à la paix, elle laisse son empreinte en 1920 sur l'ambassade de France qui rouvre ses portes à Berlin, et sur la relation entre les deux pays.
- Tango de Neutres sur fond de guerre : les relations économiques entre la Suisse et l'Argentine (1938-1945) - Isabelle Lucas p. 37-52 Cet article porte sur les relations économiques entre deux pays restés neutres durant la guerre. Fondé sur des documents d'archives encore inexploités, il vise à comprendre comment la Suisse et l'Argentine sont parvenues à maintenir, et même à renforcer, leurs échanges malgré les obstacles liés au conflit. La guerre offre à la Suisse l'opportunité de gagner des parts importantes du marché argentin pour les produits phares de son industrie d'exportation. Au-delà des circonstances de la guerre, ce sont aussi les stratégies volontaristes mises en oeuvre par les milieux dirigeants helvétiques qui permettent ce résultat. Parmi ces stratégies, un crédit de 40 millions de francs suisses octroyés par les milieux financiers au Gouvernement argentin est au coeur de l'analyse.
- Inde-Israël : l'impossible amitié (1947-1966) - Magali Grolleau p. 53-69 L'Union indienne est le pays non musulman qui a soutenu avec le plus de zèle la cause palestinienne, au détriment d'Israël. Bien que le Gouvernement indien ait reconnu l'État hébreu en septembre 1950, il n'y a pas d'échange de représentations diplomatiques entre les deux pays avant janvier 1992, date marquant le début d'un spectaculaire rapprochement. Ce constat est d'autant plus étonnant qu'aucun litige n'oppose les deux États. Ainsi, pendant plus de quarante ans, Israël a constitué l'un des aspects les plus contestés de la politique extérieure indienne. De Jawaharlal Nehru à Lal Bahadur Shastri, l'importante communauté musulmane indienne et le contentieux indo-pakistanais ont largement contribué à façonner la politique ambiguë que mène le Gouvernement indien vis-à-vis d'Israël.
- La France, les États-Unis et la Force interafricaine au Zaïre (1978-1979) - Nathaniel Kinsey Powell p. 71-83 Cet article examine la diplomatie franco-américaine entourant le déploiement de la « Force interafricaine » au Zaïre en 1978-1979. Cette force, qui comprenait des unités venant de cinq pays africains, visait à sécuriser la province du Shaba, dans le Sud du Zaïre, qui venait de subir deux invasions des « Gendarmes katangais » basés dans l'État d'Angola voisin. Le soutien logistique, diplomatique et financier fourni par les États-Unis et surtout par la France, joua un rôle de premier plan dans la survie du régime de Mobutu Sese Seko. Fondé sur les archives diplomatiques françaises et américaines, cet article explore les mobiles et les intérêts qui motivèrent les hommes politiques de ces deux pays à cette époque. Il suggère que la France s'était davantage engagée que les États-Unis dans son soutien à Mobutu. Les Américains, sous l'administration Carter, sensibles à une certaine conception des Droits de l'homme, hésitaient à donner trop d'appui à un régime qui paraissait souvent les transgresser. En revanche, la France voyait en Mobutu un pilier essentiel pour ses intérêts géopolitiques en Afrique.
- L'Occident et la crise lituanienne du printemps 1990 - Una Bergmane p. 85-101 Le printemps 1990, marqué par les négociations sur la réunification allemande, fut également une période clé dans le processus de désintégration soviétique. En effet, le 11 mars 1990, la Lituanie est devenue la première République soviétique à proclamer son indépendance. Elle est bientôt suivie et appuyée par les deux autres États baltes, mettant ainsi en question l'intégrité de l'Union et la stabilité du pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev. L'auteur de cet article retrace les actions et analyse les positions occidentales face aux tentatives soviétiques de forcer la Lituanie à annuler sa déclaration d'indépendance. Cette recherche est fondée sur des archives présidentielles et diplomatiques françaises consultées par dérogation, sur des archives présidentielles récemment déclassifiées aux États-Unis et sur des documents allemands publiés.
- Le Holodomor dans les relations russo-ukrainiennes (2005-2010). Guerre des mémoires, guerre des identités - Barbara Martin p. 103-116 La Révolution orange de 2004 marqua en Ukraine un tournant nationaliste dans le domaine mémoriel, résultant en une exacerbation de la thématique du Holodomor, grande famine de 1932-1933, définie comme « génocide du peuple ukrainien ». Cet article examine la réaction russe à cette politique de mémoire et la « guerre des mémoires » qui se joua en 2008, du fait de l'offensive diplomatique de Kiev visant à obtenir la reconnaissance du Holodomor en tant que génocide sur la scène internationale. L'hypothèse présentée ici est que ce conflit reflète un affrontement entre deux conceptions identitaires incompatibles : d'une part, l'affirmation par Iouchtchenko d'une identité ukrainienne tournée vers l'Europe et détachée de son héritage soviétique et slave oriental ; d'autre part, une identité russe prônée par Poutine, reprenant largement l'héritage mémoriel soviétique et insistant sur la proximité culturelle des deux « peuples frères ».